RDC: Lettre ouverte du Professeur Nyabirungu aux Parlementaires Hutu de la République démocratique du Congo

Chers Honorables,

Je considère que l’heure est grave pour notre Communauté et que celle-ci va à sa perte si ses élus n’en sont pas conscients ou n’entreprennent rien pour redresser la barre. Aussi, mon propos porte-il sur la situation de cette Communauté et sur les initiatives à prendre par nos élus pour une amélioration profonde des conditions de vie de nos populations.

  1. La situation actuelle de la Communauté Hutu en RDC

Chers Honorables,

Nous sommes tous originaires des territoires aujourd’hui occupés par le Rwanda et ses supplétifs du M23.

Cela veut dire que nos populations sont les premières et principales victimes de cette agression barbare et irréfléchie de notre voisin.

Les conséquences immédiates et qui durent, sont :
-les massacres des populations ;
-leurs déplacements massifs;
-la mort dans les camps des déplacés, par la famine, le manque de soins de santé et d’hygiène;
-la destruction ou la fermeture des écoles et donc l’absence d’instruction des enfants et des adultes;
-la destruction des champs, la récolte par l’ennemi de ce qu’il n’a pas semé, l’impossibilité pour les paysans d’accéder à leurs champs;
-le chômage ;
-la criminalité faite notamment d’enlèvements, de prises d’otages et de rançons, bref le malheur, la misère, la désolation et la faim, avec, au bout du compte, l’impossibilité d’assurer un minimum de sécurité et de dignité humaine.

Pendant ce temps, à Kinshasa, dans les institutions nationales comme dans la rue, le Hutu est lâché, humilié et lynché, jusqu’à le traiter de Rwandais, ce qui est à la fois une insulte et une menace contre le peuple Hutu, lorsque l’on connaît la charge émotionnelle que ce concept comporte.

Ainsi, on se retrouve dans un scénario cruel : quand le Rwanda tue les congolais, c’est d’abord les populations Hutu qui meurent car considérées comme ennemies du Rwanda par le Rwanda, pendant qu’une certaine opinion circule et fonctionne pour faire croire que le Hutu est un rwandais ou, à tout le moins, un infiltré, donc n’ayant aucune allégeance envers la Rdc.

Qui meurt à Bunagana, à Jomba où ailleurs, dans les Territoires de Rutshuru, Masisi ou Nyiragongo? C’est essentiellement le Hutu. Et à Kinshasa, à qui demande-t-on des comptes pour les morts de Bunagana ? Au Hutu congolais. En d’autres termes, nous sommes entrain de mourir à Bunagana et ailleurs, et , en même temps, nous devons répondre de notre mort. En d’autres termes, par le jeu de l’ignorance, de la mauvaise foi ou de l’indifférence, les victimes seraient, en même temps, leurs propres bourreaux.

Comment, les élus que vous êtes peuvent -ils rester silencieux devant de telles menaces et de telles injustices qui pèsent sur leur base, la seule source de leur légitimité?

Elle est effacée de la mémoire collective, cette présence pourtant si historique des Hutu à la Table ronde de Bruxelles, avec entre autres , Messieurs Marcel Bisukiro, Gervais Bahizi et Theodomir Nzamu Kwereka, qui luttèrent pied-à -pied avec les Belges, aux côtés de Kasavubu, de Lumumba, de Kalonji, de Bolikàngo et de bien d’autres, pour l l‘indépendance de la Patrie, le 30 Juin 1960.

Elle est effacée, cette image souveraine et charismatique du Mwami Ndeze, Chef coutumier des Hutu, qui conduisit la délégation de ses Collègues du Congo belge à l’Exposition universelle de Bruxelles, en 1958.

Elle est effacée, cette nomination du Hutu Gervais Bahizi, comme premier ambassadeur à Washington, près les Etats-Unis, et à New-York, près les Nations unies, de la nouvelle République du Congo indépendant, en 1960.

Depuis lors, le Hutu n’avait cessé d’émerger et de devenir un leader, un haut fonctionnaire, un ministre ou un mandataire public dévoué tout entier au service de la Nation jusqu’à ce qu’il se retrouve , ce jour, pratiquement effacé de la carte politique de son Pays, uniquement parce qu’il est Hutu, uniquement parce qu’il ne peut pas cesser d’être ce qu’il est.

Chers Honorables,

Quelque part, que vous avez le devoir d’identifier et de localiser, se trame un complot afin que le peuple Hutu de la RDC soit »un peuple sans histoire, donc un peuple sans âme « selon la belle expression d’Alain Foka ». Il s’agit-là d’un défi à relever et d’une maltraitance à combattre .

Alors que la Constitution reconnaît les ethnies et pose le principe de leur représentativité, le Hutu dispose aujourd’hui à peine d’un ministre et de quelques mandataires publics pour une population de quelques millions d’habitants.

Bien plus, certains hauts fonctionnaires, civils ou militaires, sont écartés de leur poste, mis en prison ou au garage ou sans affectation, manifestement à cause de leur ethnie. Un Hutu, uniquement parce qu’il est Hutu, est de plus en plus écarté du commandement, considéré comme un infiltré, et on va jusqu’à lui préférer un repris de justice. Croyons que ce n’est pas le début d’une épuration ethnique. Mais, c’est déjà effroyable.

Honorables Parlementaires,

Au moment où la terre de nos ancêtres est occupée par l’ennemi, nos fils devraient être les premiers à aller au front. Mais voilà que, pendant cette période horrible ou les territoires occupés sont majoritairement , lorsque ce n’est pas exclusivement, habités par les populations hutu, les officiers généraux Hutu sont éloignés du Front parce qu’ils sont Hutu, sans affectation, voire même en prison sans aucun respect de la loi ni des formes prescrites par la loi, parce qu’ils sont rangés parmi les infiltrés ou ennemis de la Nation. Ce qui est contraire à la vérité. En effet,ces officiers, pour être originaires des territoires occupés, sont plutôt les mieux placés et les mieux motivés pour la victoire.

  1. Que faire ?

Ici, je me dois d’être bref, car, d’expérience, je sais que les candidats députés et sénateurs font des promesses qu’ ils s’empressent d’oublier, une fois élus.

Chers Honorables,

Revenez à vos promesses et montrez à vos électeurs qu’il s’agit des promesses faites de bonne foi et que, désormais, vous avez la volonté politique de les tenir, grâce à l’Institution à laquelle vous appartenez et à votre capacité de disposer du micro du Palais du peuple pour tenir la Nation informée de nos préoccupations.

Rassurez vos électeurs en allant voir le Chef de l’Etat pour lui décrire l’état d’esprit de vos populations afin de renforcer sa vision pour un État uni, pacifique, juste et prospère, un État impossible à construire sans la prise en compte de la population Hutu, partie intégrante de la Nation congolaise, et fière de l’être.

Je vous prie de croire, Chers Honorables, en l’expression de mes sentiments patriotiques et de grande considération.

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