Page d’histoire: Le baptême des bleus à Lovanium(illustration audio)

Autrefois, dans les universités et grandes écoles congolaises, les nouveaux étudiants étaient accueillis par un rituel tant redouté. Pour inaugurer leur entrée à Lovanium, ils étaient soumis à l’épreuve du bizutage communément appelé « baptême » dans le jargon estudiantin. C’est à travers cette pratique venue d’ailleurs que la colline inspirée souhaitait la bienvenue à ses nouveaux arrivants.

Le bizut c’est-à-dire l’étudiant de première année était soumis à un rite initiatique d’accueil mis en place par les poils (les anciens). Le bizutage consistait en un ensemble de brimades, d’humiliation et de vexation. L’entrée à Lovanium était toute une épreuve pour les bleus. Ce vocable tire son origine dans l’armée française car autrefois les jeunes soldats recrus arrivaient à la caserne en blouse bleue. Le bizutage n’épargnait aucun nouvel étudiant. Pendant quelques semaines au début de chaque année académique, les bourreaux ou tortionnaires accompagnaient l’initiation des bleus par une série de jeux et d’épreuves plus ou moins humiliantes. Ce rituel, sujet très sensible sur la colline inspirée, faisait partie intégrante de la vie du campus.

En 1961, alors que Lovanium attirait les étudiants des neuf pays voisins du Congo, le recteur de l’université, Mgr Luc Gillon, décida de promouvoir l’offre des cours en anglais afin d’accroître le rayonnement de l’université dans les pays anglophones du continent. Un contingent d’étudiants catholiques venus du Nigéria, de Rhodésie (Zambie & Zimbabwe)  et de différents autres pays d’Afrique de l’Est rejoignirent Lovanium en octobre 1962.

L’arrivée de ces anglophones ne passa pas inaperçue. Au contraire. Confrontés à la réalité du baptême, ils refusèrent collectivement de se soumettre à l’épreuve du bizutage. Assimilant ce refus comme une brèche majeure dans la communauté estudiantine unie par le biais de ce rituel, les tortionnaires forcèrent les plus réticents à participer à l’une des épreuves de bizutage devant le restaurant de l’université.  Les autres furent amenés de force devant le bâtiment administratif où leurs cheveux furent coupés à ras.

Cette pratique quelque peu folklorique appartenait au corpus des traditions estudiantines de Lovanium. Elle comprenait le rasage des cheveux des bleus, des coups réels ou simulés ainsi que des épreuves qui rappelaient le travail forcé. Le baptême étudiant était un moment d’humilité forcée et d’humiliation imposée où les bizuts apparaissaient sans chaussures, vêtus d’un short, d’une cravate sans chemise devant leurs pairs et leurs aînés, les poils.

A l’issue du baptême, les étudiants recevaient la penne, signe distinctif de leur prestige lorsqu’ils descendaient à Léopoldville pendant les week-ends pour raconter aux leurs ce qu’ils avaient vécu. Le bizutage des étudiants était non seulement le rituel d’entrée dans la prestigieuse communauté des étudiants mais aussi une initiation aux codes, à l’humour crypté et à l’argot qui créaient la cohésion de la communauté estudiantine de Lovanium.

Ce rituel avait avec le temps fini par soulever bien des polémiques voire une guéguerre entre les étudiants partisans du bizutage et les autorités académiques. Celles-ci  avaient commencé à manifester un certain ressentiment. Elles l’avaient d’abord accepté, puis toléré et enfin combattu. Il a fini par disparaître du paysage universitaire et des coutumes estudiantines congolaises. Le traditionnel baptême des bizuts sur la colline inspirée comme dans d’autres grandes écoles du pays n’est plus aujourd’hui qu’un lointain souvenir dont se remémorent encore les poils aussi bien les bleus et leurs familles.

Balanga nzembo, Kiyika-Masamba/orchestres Kara

Samuel Malonga

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