Le Hezbollah, une force militaire hybride redoutable

Depuis le 8 octobre, au lendemain de l’attaque du Hamas contre les localités israéliennes, une guerre de basse intensité se déroule à la frontière libano-israélienne entre le Hezbollah et l’armée israélienne. Le parti de Hassan Nasrallah dispose de capacités militaires de loin supérieures à celles du groupe islamiste palestinien qui s’est d’ailleurs largement inspiré de son allié libanais.

Des combattants de l'unité d'élite du Hezbollah al-Radwan lors de manœuvres militaires effectuées en mai dernier au Liban-Sud.
Des combattants de l’unité d’élite du Hezbollah al-Radwan lors de manœuvres militaires effectuées en mai dernier au Liban-Sud. © Paul Khalifeh / RFI

En parallèle à la guerre qui fait rage à Gaza, une intense activité diplomatique est déployée par les capitales concernées par la crise pour empêcher une explosion d’envergure à la frontière libano-israélienne, théâtre depuis le 8 octobre d’affrontements quotidiens qui ont déjà fait plus de 90 morts dans les rangs du Hezbollah.

Des émissaires européens et américains insistent sur la nécessité de mettre en œuvre la résolution 1701 (2006) du Conseil de sécurité de l’ONU qui interdit toute présence armée non légale au sud du fleuve Litani (40 kilomètres de la frontière) mais aussi la fin des violations terrestres, maritimes et aériennes israéliennes de la souveraineté libanaise. Ces deux conditions ne sont clairement pas remplies en ce moment.

Ces émissaires, parmi lesquels figure Bernard Émié, chef de la Direction générale de la sécurité extérieure française, ne cachent pas leur inquiétude d’une grave dégradation de la situation à la frontière. Certains envoyés ont prévenu leurs interlocuteurs libanais qu’ « Israël commence à perdre patience face à la guerre d’usure meurtrière à laquelle se livre le Hezbollah ».

Netanyahu menace de « transformer Beyrouth en Gaza »

Le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahu a menacé jeudi, lors d’une visite au commandement nord chargé du front avec le Liban, de « transformer Beyrouth et le Liban-Sud en Gaza et Khan Younès si le Hezbollah entame une guerre totale ».

Les experts libanais, arabes et occidentaux s’accordent sur le fait qu’une guerre ouverte entre le Liban et Israël serait plus violente et meurtrière que celle qui se déroule à Gaza en raison des capacités militaires du Hezbollah, de loin supérieures à celles dont dispose le Hamas.

L’organisation palestinienne s’est d’ailleurs largement inspirée de son allié libanais, notamment au niveau du secret entourant les questions militaires.

Le secret est presque un culte au Hezbollah. Un nombre très restreint de personnes connaissent ses capacités réelles en matière d’effectifs et d’armement. Il y a bien entendu le secrétaire général Hassan Nasrallah et quelques-uns des sept membres du « Conseil de la choura », la plus haute instance dirigeante.

Les passerelles entre l’appareil militaire, dirigé par le « Conseil du jihad » (dont le chef siège de facto au Conseil de la choura), et les institutions politiques sont limitées, ce qui permet d’instaurer une séparation quasi hermétique entre les deux niveaux et, par conséquent, de mieux protéger le secret.

Les chiffres qui circulent sur les effectifs militaires du Hezbollah et les inventaires détaillés de ses arsenaux, même ceux publiés par des centres de recherches respectables ou des experts reconnus, sont, de ce fait, des supputations, des spéculations ou des déductions analytiques tirées de notes de renseignement, d’observations de terrain ou d’informations compilées.

Le Hezbollah communique rarement sur les questions militaires. Généralement, il ne dévoile une arme qu’après l’avoir utilisée sur le champ de bataille, comme ce fut le cas pour le missile guidé antichar russe Kornet (dans ses différentes versions), avec lequel il a détruit une cinquantaine de tanks israéliens Merkava, en 2006. Ou encore, la version iranienne Kowsar du missile antinavire chinois C 701, avec lequel il a endommagé, le 14 juillet 2006, la corvette israélienne Hanit de la classe Saar 5, alors qu’elle croisait à 20 km au large de Beyrouth. Quatre marins avaient été tués dans cette attaque.

Cent mille hommes entraînés au combat

La seule indication « officielle » sur les effectifs du Hezbollah a été donnée en novembre 2021 par Hassan Nasrallah, qui a affirmé que son parti pouvait mobiliser jusqu’à 100 000 combattants. Si de nombreux experts jugent ce chiffre excessif, d’autres spécialistes, qui connaissent bien le Hezbollah, l’estiment réaliste s’il comprend tous les hommes ayant suivi un entraînement militaire et susceptibles d’être mobilisés.

Le Hezbollah dispose de 40 000 combattants expérimentés ayant participé à la guerre en Syrie, dont 4 000 à 7 000 membres de la force d’élite al-Radwan, aujourd’hui déployée dans le sud du Liban. Il peut aussi mobiliser jusqu’à 60 000 hommes, sachant que les scouts al-Mahdi, où sont prodigués des rudiments de formation militaire, comptent plus de 70 000 membres.

Au niveau de l’armement, les sources diverses affirment que le parti chiite libanais dispose de 150 000 missiles de divers calibres. Les Israéliens pensent que 70% de cet arsenal est composé de roquettes d’une portée inférieure à 15 kilomètres.

Hassan Nasrallah a confirmé les informations sur la possession par son parti de missiles de haute précision « capables d’atteindre n’importe quel point » en Israël.

Une grande partie des roquettes sont des Katioucha et des Grad de divers calibres (107 mm, 122 mm, 303 mm) et d’une portée pouvant atteindre 40 km.

Lors des affrontements en cours à la frontière, des missiles al-Burkane (« Volcan ») d’une portée de 10 à 12 km équipés de charges explosives de 300 à 500 kg ont été tirés à plusieurs reprises. Deux de ces projectiles (mis au point et produits par le Hezbollah) ont provoqué d’importants dégâts dans la caserne de Pranit abritant le QG de la division israélienne 91, appelée Division de Galilée.

Les arsenaux du Hezbollah comportent également des milliers de missiles Fajr 3 et Fajr 5 capables de frapper des cibles situées respectivement à 45 et 75 km. Le missile Raad, utilisé en 2006, peut atteindre des cibles éloignées de 60 à 70 km.

Ces dix dernières années, le Hezbollah a incorporé à ses unités les Zelzal (1,2 et 3) qui sont une version iranienne améliorée des Frog-7 soviétiques avec une portée allant de 125 à 200 km et des têtes explosives pouvant peser 600 kg.

Le développement qualitatif a été l’acquisition ces dernières années de missiles guidés Fateh-110 de la 4e et 5e générations, d’une portée de 250 et 300 km et d’une précision de 10 et 5 mètres.   

En plus du missile sol-mer chinois C 701, le Hezbollah dispose de C 801 et C 802. Une vidéo mise en ligne par le Hezbollah en juin dernier montre des missiles sol-mer, frappés de l’emblème du parti, dans un endroit non identifié.

Le 17 novembre dernier, le site américain Essanews a confirmé que le parti chiite possédait des missiles antinavires russes supersoniques de type P-800 Oniks connus sous le nom de Yakhont. Une arme qui constitue une menace pour la flotte américaine déployée en Méditerranée orientale dès le début de la guerre de Gaza pour dissuader l’Iran et ses alliés de prêter main forte au Hamas.

Les unités d’infanterie sont équipées de missiles multifonctions Kornet, Fagot 9M111 (120 mm, portée 2 km), Konkours 9M113 (antichar filoguidés), RPG-7, RPG-29 (Tandem).

La défense antiaérienne est dotée d’une large panoplie de missiles Sam portatifs ou tirés à partir de rampes mobiles et de canons de 23 mm.     

Guérilla et guerre classique

Lors des combats actuels, le Hezbollah a déployé des drones de reconnaissance dont plusieurs ont été abattus par la défense antiaérienne israélienne et des drones kamikazes qui ont été filmés au départ et à l’arrivée, lorsqu’ils ont touché leurs cibles.

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Des sources concordantes estiment que le parti posséderait une flotte de plusieurs milliers de drones de reconnaissance et d’attaque. Il aurait aménagé des pistes dans la chaîne de l’Anti-Liban pour le lancement des appareils ayant un long rayon d’action.

Au-delà des effectifs et de l’armement, le Hezbollah a développé une doctrine militaire singulière, bâtie sur une expérience de quarante ans, dont plus de dix ans passés à combattre en Syrie en zones urbaines, dans des régions montagneuses et dans le désert.

C’est aujourd’hui une force hybride qui allie les tactiques de guérilla et de guerre classique et qui maîtrise les techniques de la guerre insurrectionnelle et la technologie moderne dernier cri (drones, guerre électronique…).

Les compétences polyvalentes acquises lors de ses multiples confrontations avec Israël et améliorées sur le champ de bataille syrien (où il a perdu plus de 2 000 hommes) ont fait du Hezbollah en même temps un mouvement de guérilla et une armée classique.

Autant d’atouts qui font de lui un ennemi coriace pour Israël.

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