Homélie prononcée à l’occasion de la messe d’ouverture de la 31e Semaine des Intellectuels et Cadres Dirigeants Catholiques de Kinshasa par l’abbé José Mpundu

15e dimanche du temps ordinaire A

Textes : Is 55, 10-11 ; Ps 64 ; Rm 8, 13-23 ; Mt 13, 1-23

Il y a 45 ans, jour pour jour, j’ai eu à célébrer, dans cette église paroissiale Saint Joseph aujourd’hui rénovée, ma messe de prémices. C’est dans cette paroisse Saint Joseph que j’ai fait mes premiers pas dans le sacerdoce comme stagiaire, comme diacre et finalement comme jeune prêtre. Et curieusement, le 16 juillet 1978, j’ai eu aussi à célébrer la messe de 11h00’ comme aujourd’hui. Tout est grâce. 

A cette messe d’ouverture de la 31e Semaine des Intellectuels et Cadres Dirigeants Catholiques de Kinshasa, nous aurons une pensée pieuse pour deux de nos frères qui viennent de nous quitter l’un après l’autre. Il s’agit notamment de notre frère Emmanuel Yanonge, président de la commission paroissiale des intellectuels et cadres dirigeants catholiques de cette paroisse, et de notre frère Chérubin Okende, membre de la commission paroissiale des intellectuels de la paroisse Notre-Dame de Grâce, lâchement assassiné le jeudi passé. En leur mémoire, je vous prie de vous lever et de garder une minute de silence. Merci.

Nous avons choisi comme thème de notre 31e Semaine des Intellectuels et Cadres Dirigeants Catholiques de Kinshasa, « Elections, une chance pour notre démocratie ? ». 

Cette célébration eucharistique qui ouvre nos travaux ne sera pas le lieu ni le moment de faire des spéculations autour des élections en RDC. Cela, nous aurons toute la latitude et tout le loisir de le faire au cours de nos ateliers et à la conférence-débat prévus au programme de nos assises. Ici, nous voulons écouter ce que le Seigneur a à nous dire au sujet des élections. Car, il a un mot à nous dire. Alors, écoutons-le !

Le mot élection vient du verbe latin, eligere, qui signifie choisir. La première chose que le Seigneur veut nous dire aujourd’hui, c’est que c’est Lui qui nous a choisi, c’est Lui qui nous a élu pour faire de nous son peuple et pour qu’il soit notre Dieu. C’est donc lui, Dieu, qui est l’électeur et nous, nous sommes les candidats, tous élus. C’est ce que nous laisse entendre le verset 5 du Psaume 64 qui nous est proposé dans la liturgie d’aujourd’hui mais qui n’a pas été retenu pour cette messe. « Heureux ton invité, ton élu : il habite ta demeure ! Les biens de ta maison nous rassasient, les dons sacrés de ton tempe ! », dit le Psalmiste. Le peuple d’Israël rend grâce à Dieu pour le choix parfaitement gratuit qu’il a fait de lui, ce petit peuple, pour en faire son messager auprès des nations. 

Toutefois, cette « élection d’Israël » ne devrait pas nous faire oublier que c’est l’humanité tout entière qui est concernée par le projet de libération de Dieu. Nous sommes donc tous choisis par Dieu pour accomplir sa mission dans le monde. La question maintenant est de savoir de quelle mission s’agit-il ? 

C’est la deuxième chose que le Seigneur veut nous dire aujourd’hui. A ceux qu’il a choisi, il confie la mission de libérer la création tout entière de « l’esclavage de la corruption, pour avoir part à la liberté et à la gloire des enfants de Dieu » (Rm 8, 21). Nous avons donc, nous les élus de Dieu, nous que le Seigneur a choisi, pour mission, de libérer l’homme, tous les hommes, de l’esclavage du pouvoir, de l’avoir et de la gloire, la vaine gloire du monde. 

Et pour participer à cette œuvre de libération de Dieu, que nous appelons aussi œuvre de salut, nous devons nous-mêmes accueillir cette libération et la rendre effective dans nos vies. En d’autres termes, nous devons nousmêmes, chacun de nous individuellement et nous tous collectivement, être libérés de l’esclavage de l’avoir, du Dieu Mammon, le Dieu « Argent » qui ronge nos cœurs et nos esprits ; de l’esclavage du pouvoir lorsque celui-ci est conçu et vécu comme un moyen de domination, d’oppression des autres et comme une source d’enrichissement égoïste ; de l’esclavage de la gloire, celle que l’on croit obtenir en s’élevant à tout prix, par tous les moyens, avec un orgueil démesuré. 

Nous devons donc nous laisser libérer par le Seigneur de tous ces esclavages pour que nous devenions, avec la force de l’Esprit Saint que « nous avons commencé à recevoir » (Rm 8, 23), comme nous le dit Saint Paul, des libérateurs de l’humanité tout entière avec lui. Que faut-il faire pour que nous puissions accomplir cette mission avec succès, pour que nous puissions porter de bons fruits, obtenir les résultats escomptés ? 

Nous devons pour cela accueillir la parole de Dieu, parole d’amour, parole de vérité qu’est Jésus-Christ, que Dieu sème dans nos cœurs comme nous l’avons entendu dans la parabole du semeur. C’est la troisième chose que le Seigneur nous dit au sujet de notre élection, du choix qu’il fait de nous pour être ses collaborateurs dans la réalisation de son projet de libération de l’humanité tout entière et de notre pays en particulier.  

Cette parole de Dieu peut tomber soit sur le bord du chemin, soit sur le sol pierreux, soit dans les ronces, soit enfin dans la bonne terre. 

Et ici, point n’est besoin de chercher une autre explication de cette parabole si ce n’est que l’interprétation que Jésus lui-même nous donne. 

« Vous donc, écoutez ce que veut dire la parabole du semeur. Quand quelqu’un entend la parole du Royaume sans la comprendre, le Mauvais survient et s’empare de ce qui est semé dans son cœur : celui-là, c’est le terrain ensemencé au bord du chemin. Celui qui a reçu la semence sur un sol pierreux, c’est celui qui entend la Parole et la reçoit aussitôt avec joie (avec enthousiasme) ; mais il n’a pas de racines en lui, il est l’homme du moment, l’opportuniste qui est superficiel – et Dieu seul sait combien nous sommes superficiels dans notre pays) : quand vient la détresse ou la persécution à cause de la Parole, il trébuche aussitôt (il prend la fuite comme les disciples qui avaient lâché Jésus et l’ont laissé, seul, à son triste sort). Celui qui a reçu la semence dans les ronces, c’est celui qui entend la Parole ; mais le souci du monde et la séduction de la richesse étouffent la Parole (la jouissance et la soif immodérée des biens matériels, de l’argent), qui ne donne pas de fruit. Celui qui a reçu la semence dans la bonne terre, c’est celui qui entend la Parole et la comprend : il porte du fruit à raison de cent, ou soixante, ou trente pour un » (Mt 13, 18-23).

La question que chacun de nous ici présent devrait se poser est celle de savoir dans quelle catégorie je me situe ; dans quelle catégorie nous nous situons.

Mais attention ! Ne tombons pas dans le piège de la stigmatisation des autres ni du jugement des autres ! Ne commettons pas l’erreur d’une catégorisation qui place les autres dans le mauvais camp et nous place nous-mêmes dans le camp de la bonne terre ! Ne pensons pas que la mauvaise terre, ce sont les autres et que la bonne terre, c’est nous. 

En effet, il est important, à mon avis, que nous prenions conscience du fait que nous sommes tour à tour et selon les circonstances de la vie dans l’un ou l’autre camp. A certains moments de notre vie, nous recevons la Parole de Dieu, Jésus-Christ, comme une bonne terre et nous portons des fruits d’amour, de paix, de joie, de réconciliation et de fraternité. Mais, en d’autres moments, nous sommes comme ce terrain ensemencé au bord du chemin, ou comme ce sol pierreux, ou encore comme les ronces.

Au début de cette 31e Semaine des Intellectuels et Cadres Dirigeants Catholiques de Kinshasa, consacrée à la réflexion sur les élections en RDC, nous devrions déjà lever l’option de ne choisir comme futurs dirigeants de notre pays que ceux et celles, parmi nos frères et sœurs, se présenteront comme des personnes qui écoutent, accueillent et comprennent la Parole de Vérité et la mettent en pratique. 

Par ailleurs, il importe à ceux et celles qui veulent être candidats ou candidates, de s’examiner en vérité pour voir si, en âme et conscience, ils réunissent ces qualités d’écoute, de compréhension de la Parole de Vérité et s’ils mettent vraiment cette Parole en pratique. Sinon, qu’ils s’abstiennent de se présenter comme candidats.

Enfin, retenons que Dieu, l’électeur par excellence, n’a pas d’autres yeux pour voir les bons candidats que les nôtres ; il n’a pas d’autres oreilles pour entendre les projets des candidats que les nôtres ; il n’a pas d’autres mains pour remplir le bulletin de vote et le déposer dans l’urne que nos mains ; il n’a pas d’autres bouches pour proclamer la vérité des urnes que nos bouches. 

Que l’Esprit Saint que nous avons déjà reçu, nous aide à enfanter un Autre CONGO, un Congo terre d’égalité et de respect de tout être humain, terre de participation et de responsabilité, terre de liberté et de vérité, terre de justice et de paix ! 

Cet enfantement passera, comme tout enfantement, par les douleurs et prendra du temps, se fera dans le temps long. Ceci nous invite à sortir de notre immédiatisme où ne voyons que l’instant présent, et pas le long terme. Il nous faut cesser de vivre au taux du jour pour nous projeter dans le temps long. 

Cet enfantement devra être l’œuvre de nous tous les congolais unis et réconciliés entre nous pour que nous puissions vivre ensemble dans la joie de nous aimer. 

Que la Vierge Marie qui a enfanté le libérateur du monde, de l’humanité soit avec nous dans ce douloureux processus d’enfantement d’un Nouveau Congo et dans ce combat de libération ! 

Que celui qui a des oreilles pour entendre, entende ! Que celui qui a la force pour agir, agisse ! 

Fait à Kinshasa, Paroisse Saint Joseph, le 16 juillet 2023

José MPUNDU

Prêtre de l’archidiocèse de Kinshasa

Tél. : +243997030932/+243856467887/+243818133765 E-mail : jpmpundu@gmail.com  

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