LUMUMBA DANS LE COLLIMATEUR DES SERVICES SECRETS BELGES

En 2001, la Chambre des Représentants de Belgique initie une enquête parlementaire  » visant à déterminer les circonstances exactes de l’assassinat de Patrice Lumumba et l’implication éventuelle des responsables politiques belges dans celui-ci. » Pour les besoins de ladite enquête, les parlementaires belges demandent et obtiennent l’ouverture des archives et la déclassification de plusieurs documents.  

Un rapport de 988 pages en deux volumes écrit en français et en néerlandais est élaboré. Il est rendu public le 16 novembre 2001. Plusieurs documents dont certains qualifiés « top secret » sont mis à la disposition de la commission d’enquête parlementaire. Cette dernière compulse également des lettres, des notes de service, des manuscrits, des témoignages, des télex  des différents protagonistes. De nombreux Congolais et Belges sont entendus comme témoins parmi eux François Lumumba, Jacqueline Mpolo, Robert Okito et Chantal Tshombe.

Ce rapport parlementaire révèle aussi la filature dont Lumumba a été l’objet de la part des services secrets belges. Elle commence lors du sommet panafricain d’Accra en 1958. Le pouvoir colonial refuse d’accorder une permission de sortie à Kasa-Vubu mais permet à Lumumba et ses compagnons du MNC de se rendre dans la capitale ghanéenne afin d’assister à cette conférence en observateurs. Un espion belge y est dépêché pour épier les faits et gestes des Congolais. Lumumba déroge aux consignes de modération donnés par le gouverneur général Henri Cornelis et prend la liberté de prononcer un discours le 11 décembre. La chasse au sorcier qui a commencé à ce moment s’accélère après les événements tragiques du 4 janvier 1959.

Le gouvernement belge sonne le branle-bas. Plusieurs agents de l’ombre se lancent sur les traces de Lumumba. Ce dernier qui ne se doute de rien ne sait pas qu’il est déjà fiché. Ses contacts, ses  voyages, ses fréquentations, ses appels téléphoniques comme ceux de son entourage sont passés au peigne fin. La cellule de crise est dirigée par le comte d’Asprémont Lynden. Le ministre des Affaires africaines (Minaf), qui fait office de coordonnateur dans la collecte d’informations sur Lumumba parvient à constituer une riche documentation sur l’homme. Les Belges savent qui fait quoi, où, quand, pourquoi et comment. Rien ne semble leur échapper. C’est à partir de cette surveillance sournoisement discrète que les Belges en particulier et les Occidentaux en général sont arrivés à la conclusion suivante : Lumumba qui a d’étroits liens d’amitié avec le Parti communiste belge (PCB) et dont les compagnons de lutte sont en contact avec l’URSS et certaines démocraties populaires n’est rien d’autre qu’un communiste.

Pour financer la lutte contre lui, des fonds secrets pour dépenses exceptionnelles sont mis à la disposition du Minaf. Ce ministère s’offre les services de plusieurs hommes et institutions tant au Congo qu’en Belgique. Outre le gouvernement de sa Majesté, la société Union Minière joue un rôle important dans cette affaire.

Lorsque le Congo accède à l’indépendance le 30 juin 1960, la Belgique a déjà un dossier complet sur Lumumba. Le discours inattendu qu’il prononce en cette journée mémorable n’est que la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Cette allocution incriminée est à leurs yeux la confirmation de ce qu’ils ont toujours pensé et cru : Lumumba est un homme de gauche donc un dangereux communiste.

Samuel Malonga

Avec mbokamosika.com

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Verified by MonsterInsights