Valentin Mubake à Fridolin Ambongo : » Toute élection est toujours assortie des conditions jugées discriminatoires pour celui qui ne les remplit pas ».

Valentin Mubake, le président de l’Udps, le peuple, avait déjà réagi à la position du Cardinal Fridolin Ambongo sur la proposition de loi Tshiani. Au moment où l’archevêque de Kinshasa ne cesse de clamer tout haut que cette loi de père et de mère divise plus qu’elle ne réunit les congolais, il y a lieu de lire, froidement et calmement, les propos de l’ancien allié de Tshisekedi père et opposant au fils. Question de savoir lequel de deux personnalités se rapproche de la vérité, si pas, de la réalité.

VALENTIN MUBAKE AU SUJET DU PROJET DE LOI TSHIANI

J’ai suivi, sur les antennes de la RFI, le Cardinal Ambongo faire une déclaration qui fustige le projet de loi initié par Tshiani sur les conditions d’éligibilité à certaines fonctions politiques, notamment celle du Président de la République. Selon ce projet de loi, ne peut briguer notamment le poste de magistrature suprême en RDC qu’un congolais né du père et de la mère tous congolais d’origine.

J’admets que le Cardinal, entant que Congolais et en sa qualité du Pasteur de l’église, a pleinement raison d’émettre son point de vue à ce sujet et à ce niveau du débat. C’est pareil pour tout Congolais. C’est pourquoi, également comme Congolais et chrétien catholique, je donne humblement ma petite contribution à ce sujet.

  1. En théorie et entant que sociologue, je considère la loi, au sein de la communauté nationale, comme étant un fait social dont l’on ne peut comprendre l’opérationnalité que si on l’intègre dans le contexte le plus total, celui de la société globale. C’est-à-dire la cause qui motive son érection doit toujours être recherchée dans d’autres faits sociaux qui se produisent dans la même société. Ce principe obéit à une des règles méthodologiques de base en sociologie (la cause d’un fait social doit toujours être recherchée dans d’autres faits sociaux). Je voudrais tout simplement dire par là que les motivations d’érection d’une loi doivent s’inscrire dans un contexte socio-historique bien déterminé. Ce contexte change bien sûr avec l’évolution de la société, c’est pourquoi la loi change également avec le temps (en Amérique, les femmes ne votaient pas jusqu’à une époque, et c’est la loi de l’époque qui fixait cette discrimination qui a fini par changer).

Ce sont les conditionnements sociaux qui président souvent à la production des lois. Parce que l’objectif de chaque loi est de règlementer les rapports sociaux au sein de la communauté nationale. Donc la loi est faite pour sécuriser toutes les communautés qui forment une nation; c’est ainsi qu’elle est opposable à tous, quand bien même qu’elle ne puisse recueillir l’unanimité. Raison pour laquelle l’on dit : « Dura lex, sed lex », la loi est dure, mais c’est la loi.

Malheureusement, on observe souvent que la loi vise plus à assurer la cohérence des institutions plutôt qu’à maintenir la cohésion sociale. En cette matière c’est l’opinion majoritaire qui l’emporte sur les aspirations individuelles. La loi tire son fondement dans les conduites collectives et non sur les attitudes individuelles.

  1. En pratique, ce projet de loi Tshiani est-il opportun en ce temps ? A mon avis, au regard du contexte socio-historique actuel de notre pays, il est opportun que les critères soient renforcés pour accéder à certaines fonctions politiques. Ceci en vue de sécuriser le pays. D’aucun n’ignore que nous venons d’une très longue guerre très meurtrière et nous y sommes encore dans la partie orientale du pays. Celle-ci est souvent l’oeuvre des étrangers bien connus qui instrumentalisent certains d’entre nous. Il n’est pas donc étonnant de voir des compatriotes qui s’insurgent contre ce projet de loi, juste parsqu’ils défendent la cause d’un étranger qui les instrumentalisent. Or tout pays qui vient de la guerre prend toujours des précautions pour sécuriser son territoire. L’attitude de vouloir une chose et son contraire est une maladie sociale contangieuse grave. Tout le monde voit comment nos compatriotes sont quotidiennement massacrés à l’Est du pays par des milices formées, équipées et encadrées par un étranger qui a été entretenu durant 18 ans par certains d’entre nous à la tête de notre pays.

Forts de cette expérience, n’avons-nous pas raison de verrouiller certaines fonctions régaliennes de l’Etat ? Une armée qui compte plus de 24 généraux étrangers peut-elle gagner la guerre contre ce pays qui lui a infiltré ses propres éléments ?

S’il faut juger l’histoire avec les arguments du passé, Mobutu, préssentant déjà à l’époque le même danger qui nous guette aujourd’hui, avait introduit la même condition dans la loi qu’on avait érigée avant les élections de 1984. A la conférence nationale souveraine, une disposition pareille figurait dans l’acte portant dispositions constitutionnelles relatives à la période de transition, produit par la commission présidée par le même Lutundula et même dans le projet de constitution produit par la commission présidée par le professeur Lihau, le père de l’actuel ministre de la fonction publique. Pourquoi on ne parlait pas de discrimination à cette époque? (Comment peut-on pertinement empêcher à une famille de fermer la porte de sa maison la nuit pour se mettre à l’abri des voleurs, tout simplement parce qu’elle a une fille qui rentre souvent tard ?)

Toute élection est toujours assortie des conditions jugées discriminatoires pour celui qui ne les remplit pas. Si non il n’y aurait aucune condition : Tantôt c’est l’âge, tantôt c’est le diplôme, voire l’expérience, ou l’aptitude physique, ou le casier judiciaire, tantôt c’est la somme d’argent fixée comme caution à payer. Tout cela n’est pas discriminatoire ?

  1. Au niveau international, est-ce que l’on peut nous affirmer que dans d’autres pays du monde il n’y a pas des lois qui verrouillent plus que ce projet Tshiani l’accès à la magistrature suprême?

Le peu de cas que je connais c’est comme aux Etats-Unis, pour postuler à la magistrature suprême il faut avoir été né au pays, pas à l’étranger même si on est né de père et de mère américains. Ce n’est pas discriminatoire ça ?

Au Soudan, Égypte, Algérie ou Tunisie, pour accéder à la magistrature suprême, il faut être d’abord musulman, en suite être né de père et de mère tous nés de père et de mère de leurs pays d’origine. Voilà c’est le double de ce que propose Tshiani, ce n’est pas discriminatoire ? Dans ces pays il n’y a pas des chrétiens qui ont l’ambition de briguer la magistrature suprême ?

Même les organisations internationales, quand elles affichent l’offre d’emploi combien de conditions ne fixent-elles que tout le monde ne remplit pas.
On a recaler notre pays de la candidature au siège de membre permanent au conseil de sécurité de l’ONU pour le compte de l’Afrique, n’est-ce pas discriminatoire ?

Conclusion :
Il y a deux situations que je connais :

  1. Certains compatriotes ont des gens qu’ils voudraient voir briguer la magistrature suprême mais qui sont frappés par cette lois si elle est votée dans sa monture actuelle au parlement. Or à part les postes cités, ils peuvent occuper tout le reste, député, sénateur, ministre, mandataire… Cela ne suffit pas ?
  2. Le projet de Tshiani tombe à une période où la gouvernance politique du pays est gangrenée par une ultra tribalisation, et c’est sa tribu qui est accusée d’entretenir un tribalisme historique que le pays n’a jamais connu depuis l’indépendance. Certains compatriotes voient dans cette initiative la tentative délimitation des potentiels adversaires de taille au Président actuel, selon eux.

Donc pour moi, si ce texte peut être débattu au parlement, qu’il soit soumis au référendum afin que le peuple seul décide.

Avec Médard Wabenga

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Verified by MonsterInsights