Les accords entre Brazzaville et Kigali : les États-Unis dans la logique de la guerre préventive en Afrique centrale ?

Le président rwandais Paul Kagamé et ses ministres des Affaires étrangères et des Finances ont bouclé le mercredi 13 avril passé une visite officielle de trois jours à Brazzaville. Il a conclu avec son homologue congolais Denis Sassou-Nguesso une série d’accords à caractère minier, culturel, éducatif, ou encore économique, notamment avec la concession de terres arables pour la culture maraîchère.

Les deux pays ont signé deux accords, trois protocoles, deux mémorandums d’entente et une convention de concession dans le domaine agricole. Selon une source proche du dossier, le Congo doit concéder au Rwanda 12 000 hectares de terres exploitables dans au moins trois Départements du sud du pays. En revanche, la durée de la concession n’a pas été précisée.

Le Congo compte 10 à 12 millions de terres arables dont moins de 5% sont exploités pour une agriculture vivrière.

Selon le communiqué conjoint lu devant la presse par Jean-Claude Gakosso, ministre congolais des Affaires étrangères, les deux chefs d’État ont estimé que le niveau des relations entre leurs pays pouvait être plus large et plus profond au regard des accords signées par le passé.

Les présidents des deux pays ont demandé à leurs gouvernements de s’employer, sans délais, à l’élaboration des plans d’action pour l’exécution des accords qui viennent d’être conclus.

La main noire des États-Unis d’Amérique

Certains observateurs avertis dénoncent les manœuvres de la plus grande puissance militaire, les États Unis d’Amérique, dans ces accords devant le danger imminent de la présence russe en Afrique centrale. Ainsi, pour contrôler la situation, le Rwanda serait mis en oeuvre pour une éventuelle guerre préventive dans la sous région avec la bénédiction du président congolais Denis Sassou Nguesso.

Quid guerre préventive ?

A côté de la guerre classique qui pose à l’humanité d’énormes problèmes, certains gouvernements, surtout celui des États Unis, soutiennent la guerre dite préventive qui n’existe nulle part dans le droit international.Dans sa forme plus contemporaine, la thèse d’une guerre préventive fut lancée plus clairement d’abord par le président Georges Bush devant les académiciens militaires des États Unis en affirmant que » les États Unis ne doivent absolument plus accepter que leurs ennemis nouveaux puissent porter contre eux ou contre leurs alliés des coups analogues à ceux qu’ils ont subis le 11 septembre, ni même admettre qu’ils puissent attaquer, comme dans le passé, des ambassades, des unités navales ou garnisons américaines »(W. Bush, cité par Paul-Marie de la Force, in Le Monde Diplomatique, septembre 2002). De manière plus concrète et explicite » La défense des États Unis requiert la prévention, l’autodéfense et parfois l’action en premier. Se défendre contre le terrorisme et d’autres menaces émergentes du XXIe siècle peut très bien exiger que l’on porte la guerre chez l’ennemi. Dans certains cas, la seule défense est une bonne offensive » Et  » Si les terroristes peuvent attaquer n’importe quand, n’importe où et par n’importe quelle technique, et puisque, physiquement, il est impossible de tout défendre, tout le temps, contre toutes les techniques, alors nous avons absolument besoin de redéfinir ce qui est décisif.(…) La seule défense possible est de faire l’effort de trouver les réseaux terroristes internationaux et de les traiter comme on doit, comme les États Unis l’ont fait en Afghanistan ».(Donald Rumsfeld, secrétaire d’État à la Défense, Washington, 31 janvier 2002).

Une vraie boîte à Pandore

Il est utile de faire observer que, telle que conçue par ses défenseurs, la guerre préventive est une pente glissante et dangereuse qui ouvre la voie à toutes sortes d’abus et violation des droits des personnes et des peuples, des États tout comme à l’emploi désordonné et illégal de la force des puissants sur les faibles pour des mobiles parfois injustifiables ou fallacieux. La tentation qui naît de cette doctrine guerrière est aussi d’agir unilatéralement dans le mépris du droit international qui a su établir des lois et des normes internationales strictes pour préserver la stabilité et la paix mondiale chèrement acquise. La communauté internationale a, en effet, élaboré et codifié une série de droits et devoirs qui constituent, désormais, une part du patrimoine commun de humanité.

Les dangers de la guerre préventive

Avec l’aventure de la guerre préventive, un État peut s’arroger le droit d’abattre n’importe quel avion, d’attaquer n’importe quelle cible ou n’importe quel pays qu’il estime potentiellement dangereux pour sa sécurité. Tél est le cas avec le Rwanda vis à vis de la République démocratique du Congo.

Face à tels discours et attitudes, la communauté internationale doit opposer sagement et fermement les dispositions claires de la charte de l’ONU, condamner toute action unilatérale de quelques États que ce soit et rappeler le rôle du Conseil de sécurité et de l’Assemblée générale de maintenir la paix dans le monde: »Nous affirmons aussi que le Conseil de sécurité dispose de l’autorité voulue pour organiser des mesures coercitives en vue de maintenir et rétablir la paix et la sécurité internationales. Nous soulignons en outre l’importance d’agir conformément aux buts et principes consacrés dans la charte ; de plus nous réaffirmons que le Conseil de sécurité a la responsabilité principale du maintien de la paix et la sécurité internationales. Nous notons aussi le rôle dévolu à l’Assemblée générale dans le maintien de la paix et la sécurité internationales conformément aux dispositions pertinentes de la Charte du maintien de la paix »(Document final adopté par la 60 ème Assemblée générale de l’ONU).

Barrer la route aux « hors la loi »

De nombreuses voix se sont levées au sein de la communauté internationale, des Églises, des Ongs et des formations de sociétés de civiles pour déclarer » Hors la loi » et inacceptable la guerre préventive, véritable aventure aux conséquences incalculables.

Parmi les nombreuses interventions allant dans le sens de l’indignation, de refus et de condamnation de la doctrine de la guerre préventive, on peut retenir aussi celles qui suivent :

 » La guerre préventive est une guerre d’agression et ne rentre pas dans la définition de guerre juste »(Mgr R.Martino, lors de la présentation à Rome du message du Pape pour la journée Mondiale de la Paix du 1er janvier 2003). « Nous devons nous rappeler aujourd’hui qu’il y a au moins huit puissances nucléaires sur la Terre et trois d’entre elles menacent leurs voisins dans des régions où les tensions internationales sont grandes. Dans le cas des pays puissants, adhérer au principe de guerre préventive pourrait bien créer un précédent qui peut avoir des conséquences catastrophiques ».(Jimmy Carter, ancien président des USA, Discours d’acceptation du Prix Nobel de la Paix).

Au regard de la situation sécuritaire de l’heure entre les deux grandes puissances nucléaires dont les États Unis et la Russie qui se battent déjà en Ukraine tout en cherchant chacun à garder ses intérêts en Afrique, il y a lieu de confirmer que la guerre préventive est belle et bien réactivée avec comme point de départ l’Afrique centrale sous la houlette des certains lieutenants des occidentaux de tous les temps dont le Rwanda du côté américain et le Congo Brazzaville du côté des européens. Aux pays africains visés comme la RDC, le centre Afrique et autres de jouer à l’anticipation.

Sam Nzita

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