FAUT-IL LIMITER OU SUPPRIMER LES PARTIS POLITIQUES ?

Professeur Claude Nyamugabo, président national du FPC

La philosophe Simone Weil, fille d’un chirurgien militaire, décédée à l’âge de 34 ans, était très engagée dans les actions syndicales et avait rejoint la résistance, dès ses 22 ans, en faveur des démunis.

Elle versait son salaire à la caisse de solidarité des mineurs et elle s’était convertie au christianisme à 27 ans.

Simone Weil, proposa carrément de supprimer les partis politiques. Dit-elle, c’est parce que les partis politiques portent en eux le germe du totalitarisme bien qu’on nous présente toujours les partis politiques comme une garantie du pluralisme.

Elle rajoute que la philosophie qui est sa spécialité ne devait pas seulement servir à expliquer le monde mais aussi à le transformer.

Et de conclure : » Si un homme, membre d’un parti, est absolument résolu à n’être fidèle en toutes ses pensées qu’à la lumière intérieure exclusivement et à rien d’autre, il ne peut pas faire connaître cette résolution à son parti politique.

Il est alors vis-à-vis de lui en état de mensonge. C’est une situation qui ne peut être acceptée qu’à cause de la nécessité qui contraint à se trouver dans un parti politique pour prendre part efficacement aux affaires publiques.

Mais alors cette nécessité est mal, et il faut y mettre fin en supprimant les partis politiques.

Un homme n’a pas pris la résolution de fidélité exclusive à la lumière intérieure installe le mensonge au centre même de l’âme… On tenterait vraiment de s’en tirer par la distinction entre la liberté intérieure et la discipline extérieure car il faut alors mentir au public, envers qui tout candidat, tout élu, a une obligation particulière de vérité.

Si je m’apprête à dire, au nom de mon parti, des choses que j’estime contraire à la vérité et à la justice, vais-je l’indiquer dans un avertissement préalable ?

Si je ne le fais pas, je mens. De ces trois formes de mensonge – au parti politique, au public, à soi-même – la première est de loin la moins mauvaise.

Mais si l’appartenance à un parti politique contraint toujours, en tout cas, au mensonge, l’existence des partis politiques est absolument, inconditionnellement un mal ».

Qu’est-ce qu’un parti politique ?

C’est une organisation qui rassemble des personnes partageant les mêmes idées et dont l’objectif est d’accéder au pouvoir pour mettre en œuvre leurs idées dans la société.

C’est d’influencer les décisions du parti qui se trouve au pouvoir.

Cette définition caractérise deux éléments critiques :

1) l’homogénéité des idées c’est-à-dire les personnes qui adhèrent au parti politique ont globalement les mêmes opinions et valeurs.

Par exemple, une personne qui milite pour la protection de l’emploi ne peut pas voter pour le parti qui facilite les entreprises au licenciement économique des salariés.

2) la recherche du pouvoir : un parti politique veut peser sur les décisions, l’opinion publique.

Bref, un parti politique c’est une organisation qui a pour but d’accéder au pouvoir – un parti politique ne veut pas simplement exister – il veut peser sur les décisions – sur l’opinion publique.

Donc un parti politique qui ne pèse plus sur l’opinion publique est condamné à l’inefficacité c’est-à-dire à la disparition.

Pour revenir à Simone Weil, elle dit : »Ce n’est pas tel ou tel parti politique qui pose problème.

C’est plutôt le système des partis politiques c’est-à-dire la nature même des partis politiques qui est en cause – Il n’y a pas de distinction à faire entre les différents partis politiques puisque le but du jeu c’est toujours d’accéder ou de porter au pouvoir quelque soit le parti politique.

C’est comme une boutique qui vend des habits et une autre qui vend les mèches, l’objectif est le même, le passage à la caisse pour le chiffre d’affaires.

Outre, l’homogénéité et la recherche du pouvoir semblent poser le problème.

À quoi elles posent le problème ?

L’homogénéité des idées c’est de rassembler les personnes qui partagent les mêmes opinions. Ce qu’on appelle, la ligne du parti politique.

Ce point a, une conséquence car il rend impossible l’existence du pluralisme c’est-à-dire absence de l’expression et la cohabitation d’idées divergentes sur tel ou tel sujet.

On peut adhérer à un parti politique mais être contre telle ou telle idée du parti politique.

Quand ça arrive, le fait d’exprimer l’idée contradictoire avec celle du parti politique, c’est prendre le risque d’affaiblir le parti politique – c’est prendre le risque de créer la division.

Quand on est dans un parti politique, on est censé faire bloc – être solidaire.

C’est pourquoi, lorsqu’un des responsables du parti politique prend une position contraire à celle du parti, on dit que c’est la dissidence c’est-à-dire la désobéissance à l’autorité du parti politique – il y a rupture de l’unité.

Enfin, adhérer à un parti politique, c’est de renoncer à exprimer une pensée contradictoire – c’est de renoncer à l’exercice de la raison critique car elle menace de fragiliser l’équilibre et la stabilité du parti politique.

Étant dans un parti politique, on défend une idée non pas parce qu’on la juge bonne ou vraie mais parce qu’elle fait partie de la stratégie idéologique.

C’est de créer les conditions de la pensée mécanique qui signifie de faire passer l’intérêt du groupe ou du parti politique.

On attend du militant non pas d’exprimer l’idée mais de la soutenir.

Le militant a le choix de la fidélité au parti politique et non à sa pensée.

GM

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