Chanson racontée : » Inoussa ya Zaïre » de Ndomanueno Simaro Masiya (illustration audio)

Lutumba Simaro Masiya

Souvent confondue avec la chanson  » Ebale ya Zaïre » dédiée à l’une de ses conquêtes, la belle  » Jeany Mbole » de tribu Mongo, la chanson  » Inoussa ya Zaïre » est un chef d’oeuvre de haute facture légué à l’éternité par le poète Ndomanueno Lutumba Simaro Masiya.

Lutumba Simaro dans son salon d’Isangi à Lingwala

Dans la thématique de la chanson » Inoussa ya Zaïre », le poète Ndomanueno Simaro Masiya prend une direction différente de celle prise par Franklin Boukaka et Kallé Jeef. Il ne parle pas politique mais amour. « Inoussa ya Zaïre » est un  poème qui rappelle le célèbre « Lac »  de Lamartine. Le chantre s’adresse à sa bien aimée, une congolaise de Brazzaville, où il a, naturellement, passé la nuit après une soirée envoûtée, qu’il est temps de traverser de l’autre côté du fleuve pour rejoindre son Zaïre natal:

 » Mama tongo etani ozali ko lala kaka, fungola miso nazali ko kende Mama ah. Bolingo lamuka n’a pongi ozali ko lala kaka, fungola miso o pepa nga loboko Mama ah. Bolingo tala ndenge moyi ezali ko bima na monyele, tongo etani n’a Africa Mama ah. Bolingo Soso eleli ozali ko lota nani, fungola miso n’a laka yo Nzambe oh. Butu ekomi ko limwa tongo etani mapata ma zipi bolingo mazipi sanza eh

Pour dire à sa chouchou d’une nuit à Brazzaville qui faisait semblant de dormir pour ne pas le laisser partir , qu’il est temps de regagner son pays, le beau Zaïre:

« La nuit disparaît et étouffe l’amour et la lune ».

Et à cet aventurier d’insister:

 » ma belle, réveille toi, je suis un passager, je dois rentrer chez moi au Zaïre. Arrête de pleurer dans ton rêve, réveille toi et fais moi tes adieux. Ouvre la porte et regarde comment il fait jour. Je dois partir car le pays que les ancêtres m’ont légué me réclame, le flambeau du MPR m’appelle. Quand tu ouvrira les yeux, tu trouveras une photo sous les oreillers. Comme l’horizon a partagé les continents, il m’a choisi le Zaïre…

Le poète se demande, en effet, si ce n’est pas un voyage sans retour?

L’autre rive du fleuve dans le quartier Kinsuka pêcheurs

Scrutant les flots, il voit le soleil se lever, plantes aquatiques et les pirogues qui traversent le fleuve. En bon poète, Simaro Masiya immortalise ce moment particulier. Dans cet opus, il rappelle à l’ange de ses rivages que la lune disparaît déjà et les nuages font disparaître les étoiles et leur amour. Les sentiments romantiques de l’auteur s’appuient sur plusieurs détails amoureux  qui rappellent leur vie d’avant le voyage, celle d’un bonheur perdu. L’aventurier de musicien comprend que la dame d’un jour ne veut pas le laisser retourner dans son beau Zaïre. Elle est en larmes sous les oreillers. Et au gentleman d’insister par une phrase lancée par le blagueur Sam Mangwana

« Adios Inoussa, nazali zaïrois, nazongi Zaïre eh, mbula mosusu nako zonga ko kamata yo, Okende kotala Zaïre !

Pour dire:

« adieu Inoussa, je suis zaïrois, je rentre au Zaïre. Un jour, je reviendrai te prendre pour t’amener voir le Zaïre ».

Vers les années 70, toutes les femmes de Congo Brazzaville rêvaient de traverser le fleuve Zaïre pour goûter aux nuits endiablées de Kin la Belle.

Vue de Kinshasa

Mais pour des raisons politiques liées à la sémantique et à la rhétorique nationaliste, ce titre n’est jamais passé sur les ondes de la Voix de la Révolution congolaise à Brazzaville même lorsqu’il était demandé par les auditeurs. Dans ce qui était encore la République Populaire du Congo, le fleuve s’appelait en lingala  « Ebale ya Congo ». A l’époque ce cours d’eau avait deux noms selon que l’on se trouvait au Congo ou au Zaïre.

Une œuvre d’une grande portée artistique

Simaro Masiya en avant plan avec sa légendaire guitare et son jeune frère Gégé Mangai

Au delà de la poésie bien réussie, il faut aussi s’attarder sur l’aspect instrumental de la chanson  » Inoussa ya Zaïre ». Quand Franco s’enflamme avec ses « quittées », l’auteur de la chanson qui n’est autre que Lutumba Simaro le soutient à la guitare mi-solo avec la complicité de Papa Noël Nebule à la guitare rythmique ou d’accompagnement et Deka supporte tous ces poids par sa guitare basse. Une vraie virtuose.

Ceci pour dire que l’on peut prendre à la République démocratique du Congo toutes ses richesses du sol et du sous sol comme essaient de le faire certains pays ennemis à l’heure actuelle dans sa partie Est mais l’on ne saurait lui enlever sa richesse culturelle. Celle-ci ci est issue de ses 145 territoires; ses tribus estimées à plus de 450 formant différents groupes; ses nombreuses langues et cultures de petites ethnies. C’est l’illustration même du mythique groupe musical le Tout Puissant OK JAZZ de Luambo Makiadi Franco où l’on retrouvait toutes ces personnes venues de 11 provinces que comptait le Zaïre de l’époque. De père Tetela, Franco qui a grandi chez ses oncles Ne Kongo n’avait rien de Tetela. Les noms comme Lutumba, Kiambukuta Josky, Ntesa Daliens, Madilu system, Lassa Carlito, Dialungana Jerry, Uta Mayi, et autres rappelaient le Bas Congo, aujourd’hui Kongo central ; Lola Checain Djangi était du Maniema ; Malage, Kombozi, Faila venaient de l’ex province orientale ; Lokombe était de l’ex province d’Équateur comme Epompo Lowayi Déess; Vicky Longomba, Mulamba dit Mujos était du Grand Kasaï ; Papa Noël Nebule est congolais d’en face de père comme son aîné Edo Nganga ; Sam Mangwana et Mavatiko ont des ramifications en Angola, Djo Mpoyi fut de mère Moseka Mongo et de père Burundais, etc.

Il faut rappeler que c’est à partir de chansons comme Ebale ya Zaïre, Inoussa ya Zaïre, Mabele que Simaro Lutumba commença à écrire des textes avec un lyrisme sans égal qui n’étaient autres que de vrais poèmes romantiques. Une chanson à consommer sans modération avec l’insistance des saxophonistes de renom comme Somi Somida converti en grand homme d’affaires.

Deb’s Bukaka

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