Ancien musicien de l’orchestre Thu Zahina Kelly Abeli : « La musique est ma passion »(illustration audio)

Kelly Abeli 

Depuis 1975, l’année de sa disparition du monde musical, l’orchestre Thu Zahina est tombé dans les oubliettes de l’histoire artistique et culturelle de la République Démocratique du Congo (RDC). À l’époque, ce fut l’un des rares ensembles musicaux des jeunes ayant connu un immense succès avec des chansons telles que « Lokoko », « Mbotama Marie-Hélène » (Kelly Abeli), « Zemi ya zuwa » (Pathos Tumba),  « Paty », « Denise » (Bruno Bonyeme), « Ba Patrons na ba mbongo » (Denis Bonyeme)… L’orchestre des fils à Papa a vécu. L’un de ses anciens chanteurs, Kelly Abeli, dit par convenance « Kelly ya Maman », s’est confié  au quotidien Le Potentiel pour évoquer sa situation actuelle et le projet qui lui tient à cœur en vue de ranimer les souvenirs de cet ensemble musical qui a connu ses heures de gloire vers la fin des années 60 et début 70.

Comment vous portez-vous ?

Je vais bien, même si ma famille restée au Nigéria me manque. Sinon, ça va. Surtout que je suis retourné dans mon pays natal, la RDC. J’ai le moral au beau fixe.

Qu’êtes-vous devenu ?

Je suis toujours Kelly ya Maman que les mélomanes congolais ont connu dans les années 60-70. Je n’ai pas changé. Et je suis toujours dans la musique en  qualité de chanteur, auteur, compositeur et animateur. Comme jadis, j’arrive encore à croiser mes pieds en dansant. Malgré l’âge, je tiens bon (rires).

Pourquoi ce long silence ?

J’ai quitté mon pays pendant un long moment, j’ai décidé d’aller apprendre la musique sous d’autres cieux en vue d’acquérir de nouvelles connaissances en la matière. J’ai voulu éviter la sclérose, si je peux m’exprimer ainsi (rires). J’ai donc appris beaucoup de choses. J’y étais, j’ai vu et j’ai vécu. Je suis rentré satisfait.

Avez-vous gardé contact avec les anciens artistes musiciens de l’orchestre Thu Zahina ?

Bien sûr que oui. Je suis en contact permanent avec mes anciens collègues de l’orchestre Thu Zahina. Je peux citer notamment Roxy Tshimpaka (Bruxelles), Bruno Bonyeme (Canada), Désiré Bokanga (Bruxelles), Rathos Mbiya (Mbuji-Mayi, actuellement à Kinshasa) et Ziko Zako (Kinshasa). 

Il vous est déjà venu à l’esprit l’idée de ressusciter l’orchestre Thu Zahina ?

L’orchestre Thu Zahina  n’existe plus depuis longtemps. On ne peut plus le ressusciter. Notre souhait à tous, anciens de cet ensemble musical, est que ce nom ne disparaisse pas de la mémoire collective des amateurs de la bonne musique congolaise moderne. Nous travaillons donc pour la pérennisation du nom Thu Zahina, orchestre mythique des jeunes dans le vent à Kinshasa que les mélomanes ne sont pas prêts d’oublier.

Avez-vous un quelconque regret quant à votre carrière artistique ?  

Je n’ai aucun regret parce que je suis toujours dans la musique. Actuellement, je fais des séances de répétitions avec quelques jeunes de la commune de Lingwala. Ils maîtrisent bien les anciens succès de l’orchestre Thu Zahina. Je suis grandement impressionné par leur professionnalisme et le sérieux qui caractérisent le travail qu’ils accomplissent. Le guitariste soliste exécute à merveille les partitions créées par Roxy Tshimpaka. Après ma sortie officielle, un programme de concert de musique sera établi à raison de deux fois par semaine. Les mélomanes revivront la belle époque de notre groupe musical. C’est ce qui me motive et me rend heureux.

Quel est votre projet sur le plan artistique ?

J’ai hâte de renouer avec la scène. J’espère que mon rêve va se réaliser. Mes anciens collègues, ma famille, amis et connaissances y travaillent. Je n’ai jamais  abandonné la musique. Je suis artiste chanteur et je le reste. La musique est ma passion.

Depuis plusieurs années, les artistes musiciens congolais sont interdits de se produire sur les scènes musicales européennes. Quel est votre avis à ce sujet ?

Je ne veux pas me prononcer là-dessus, car je ne maîtrise pas tellement bien cette question. Je dirais tout simplement que si les artistes musiciens congolais vont en Europe pour livrer des concerts ou enregistrer leurs œuvres musicales, je ne trouve aucun inconvénient à ces initiatives. Mais y aller pour s’adonner à des activités qui ne cadrent pas avec leur métier n’est pas bon. Ils doivent préserver l’indépendance de la musique et de l’art, et prendre à cœur leur métier. Cela dit, il faut savoir rester professionnels.

Quel regard portez-vous sur la musique congolaise de la nouvelle génération ?

Nos  jeunes artistes ont dénaturé la rumba congolaise. Ce n’est pas cette rumba- là que nos aînés, grand Kallé Jeef, Franco, Rochereau, Dr Nico… nous ont légué. La vraie rumba a disparu depuis longtemps. Pourtant, force est de reconnaître que nos jeunes artistes ont du talent. Malheureusement, ils pêchent par arrogance et l’irrespect. À l’époque, nous regardions la façon de faire de nos doyens et écoutions leurs conseils. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. C’est vraiment dommage qu’on ne puisse plus rien dire.  

Un mot de la fin ?

Que nos jeunes artistes fassent de la bonne musique. Celle qu’ils font aujourd’hui rime avec obscénité. Je me pose la question si la commission de censure existe encore dans notre pays ! L’immoralité a largement gagné du terrain dans les œuvres musicales. Quand on écoute certaines chansons, on se perd en conjectures. La honte ! Ainsi, le respect des valeurs doit être la règle dans l’exercice de notre métier. Un artiste musicien est un éducateur de masse. Il est temps que nos jeunes artistes se ressaisissent. Ce comportement ne peut s’éterniser. Pour l’honneur des artistes et la dignité du peuple congolais.  

Propos recueillis par Robert Kongo, correspondant en France(Le Potentiel)  

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