LETTRE OUVERTE AU PRESIDENT EMMANUEL MACRON

Monsieur le Président,

L’annonce de votre arrivée à Kinshasa, capitale de la République Démocratique du Congo, mon pays, m’engage à vous écrire la présente pour dire ce que votre visite inspire à plusieurs Congolais.

Ce n’est pas à vous, Monsieur le Président, que je vais apprendre la situation qui prévaut à l’Est de notre pays, où le Rwanda de votre allié Paul KAGAME, le tyran de la région, sème mort et désolation au sein des populations civiles, à travers une pseudo-rébellion dénommée M23.

Ce mouvement, comme ses devanciers, reprenant les mêmes arguments, le même prétexte des fameux FDLR et le même modus operandi, s’investit en fait dans la razzia, le pillage éhonté des ressources minières  de notre pays.

S’agissant desdits prétextes, il sied de déconstruire celui prétendant à une mission salvifique de KAGAME et de  sa soldatesque à l’égard des Tutsi congolais. Ces derniers sont bel et bien chez eux en RDC et mènent une coexistence paisible avec leurs compatriotes d’autres ethnies, sauf quelques marginaux qui succombent à la propagande et aux stratagèmes de Kigali.

En tout état de cause, il n’appartient nullement à KAGAME, pas plus qu’à quiconque, de s’adjuger la mission de venir en aide à une quelconque communauté que ce soit dans notre pays, fut-elle celle qui parle kinyarwanda. Sinon, comment comprendre votre opposition farouche au prétexte d’intervention russe en  Ukraine !

Monsieur le Président, la situation sécuritaire dans la partie orientale  de la RDC est plus que préoccupante, elle est grave pour tout dire. Les complices de cette situation à l’échelle régionale et planétaire sont connus. La RDC, pays francophone le plus important, voudrait compter parmi ses soutiens, le pays de la langue de Voltaire, qui a la réputation d’être « la patrie des droits de l’Homme ».

Monsieur le Président, nous ne vous demandons pas de faire pour nous ce que Dieu seul peut faire ou ce qui relève de notre propre responsabilité. Mais nous sommes écœurés de voir que la France, au nom de ses intérêts – légitimes au bout du compte –, ferme les yeux face aux massacres perpétrés au Congo, face à la crise humanitaire générée par l’appétit glouton des prédateurs qui excellent et excèdent dans le romantisme du fusil. Comme l’a récemment écrit un journaliste congolais de renom : Kigali « conduit, scénarise et orchestre » la guerre à l’Est de la République Démocratique du Congo.

Notre pays est une énième fois agressé, encore et toujours par le Rwanda. Nous apprécions fort bien que vous ayez dit que « la souveraineté, l’unité et l’intégrité territoriale de la RDC ne se discutent pas ». Tout comme nous en savons gré à la France, qui déjà sous le mandat de votre prédécesseur Jacques Chirac, défendait  la même souveraineté de la RDC, notamment au sein du Conseil de sécurité de l’ONU, où elle est membre permanent. Mais nous voulons davantage : qu’elle sorte du clair-obscur. Nous voulons que la patrie des droits de l’Homme démontre, par ses actes, que les intérêts, notamment pétroliers, ne priment pas sur la dignité humaine ; que les accusations portées contre la France ,  par le passé , par  le régime de qui a pris le pouvoir au lendemain du génocide au Rwanda , ne peuvent amener la France, par pertes et profits, de feindre d’ignorer les crimes graves et imprescriptibles dont le leadership rwandais actuel porte la responsabilité au regard du droit pénal international. Car, comme l’avait si bien dit le célèbre écrivain français Albert Camus : « mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde ».

Monsieur le Président, votre allié Paul KAGAME est un problème pour la RDC et la sous-région des grands lacs. Ici, il n’y a pas lieu de s’enfermer dans des  circonlocutions diplomatiques. D’où le ras-le- bol des congolais de toutes les catégories, d’ici et d’ailleurs. Entre-temps, la RDC est le pays au monde qui compte le plus de locuteurs du français dont le mépris par la France est interpellateur à maints égards. L’heure a peut-être sonné pour remédier à cela tant les générations présentes et futures n’acquiesceront pas indéfiniment le fait de servir de monnaie d’échange entre Kigali et Paris. Il n’est jamais tard pour mieux faire.

Est-ce, nous congolais, continuons à payer aujourd’hui  pour notre attachement naïf  à la francophonie dirigée par la représentante d’un pays qui a l’anglais comme langue officielle ? L’heure n’est-il pas venu pour qu’on aille voir ailleurs comme l’a fait, quelques années plus tôt, le pays que vous portez aujourd’hui à bouts de bras  et espérer en retour un respect digne d’une grande nation ?  

Honorable André LITE  ASEBEA

Ancien Ministre des Droits Humains de la RDC.

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