Feuille de route du peuple congolais au Président de la République Démocratique du Congo(Appel Patriotique) 

Le mouvement des intellectuels congolais Appel Patriotique, AP en sigle, qui soutient la candidature du Professeur Docteur Dénis Mukwege pour l’élection présidentielle de 2023, vient d’adresser une feuille de route en rapport avec la situation sécuritaire de l’heure.

Excellence Monsieur le Président de la République,

Vous vous apprêtez à rejoindre vos homologues de la Communauté des Etats de l’Afrique de l’Est à Nairobi pour la nième fois pour vous entretenir avec eux, en vue d’une solution à la grave crise sécuritaire qui menace notre nation à cause de la recrudescence de la violence dans la partie orientale de notre pays avec l’occupation de plusieurs localités du Nord-Kivu par le M23.

Depuis plusieurs années, votre prédécesseur et vous-même multipliez des rencontres, des accords et feuilles de route que vous imposent des acteurs politiques extérieurs sous prétexte de ramener la paix et la stabilité dans le pays, sans jamais véritablement y parvenir jusqu’à ce jour. Le grand oublié de toutes ces tractations, c’est la victime, le peuple congolais, qui en paie le plus lourd tribut. Jamais personne ne lui demande son avis pour tous les dialogues politiques.

Les dialogues politiques sont devenus une tradition voire une manie pour les dirigeants congolais tant ils sont nombreux et inutiles. Ils ne servent pas à régler les problèmes, mais plutôt à renforcer le chef et lui seul. Et tant pis si les mécontents râlent. Les multiples dialogues politiques congolais (plus d’une cinquantaine en 60 ans d’indépendance) servent toujours les intérêts des dirigeants et leurs parrains étrangers, trop rarement l’intérêt national. Ils sont une aubaine pour partager des postes ministériels, grades militaires et autres fonctions juteuses. Dialoguer, oui, mais avec qui, sur et pour quoi ? Pourquoi le Rwanda refuse-t-il de dialoguer avec ses opposants, armés et politiques, mais se permet-il de l’exiger à la RDC ? 

Le temps est venu d’écouter enfin la voix du peuple que vous êtes sensé diriger et dont vous êtes le garant. Le peuple congolais en a assez d’être ignoré et méprisé. Aujourd’hui, avant même que vous vous rendiez à Nairobi, le souverain primaire revendique son droit d’avoir voix au chapitre, puisqu’il est le premier concerné et victime de cette guerre d’agression que nous imposent le Rwanda et l’Ouganda depuis plus de 25 ans. Souvenez-vous toujours que vous êtes le Président des Congolais et non pas celui de la Communauté des Etats de l’Afrique de l’Est. C’est donc au peuple congolais que vous devez rendre des comptes et qu’il revient la primauté de vous donner la feuille de route à suivre pour sa sécurité et son bienêtre. C’est à ce peuple qu’il échet le droit de choisir son chemin pour parvenir à la paix. Car toutes les thérapies qui ont été imaginées avec les pays agresseurs ne donnent aucun résultat probant.

Qui veut la paix prépare la guerre, dit-on. Notre pays n’a pas le droit de se plaindre, sans fin à qui veut l’entendre, de ses voisins pour agressions répétées. Il doit se donner tous les moyens de se défendre, de garantir ses intérêts stratégiques et vitaux comme tous les Etats du monde. De même, le Congo, avec son potentiel énorme, à faire pâlir d’envie plus d’un pays, doit cesser de reposer sa défense et la sécurité de son territoire sur des tiers (ONU, organisations régionales, Etats voisins dont ses agresseurs, bandes armées locales/nationales ou étrangères, etc.) et ne compter que sur lui-même. L’aide de l’autre arrive toujours en retard. Avec une population de plus de cent millions dont près de 60% des jeunes dynamiques, d’immenses ressources naturelles stratégiques, une élite compétente éparpillée dans le pays et dans la diaspora, la RDC a vocation d’être la locomotive de l’Afrique et surtout une surpuissance militaire et économique du continent noir. Ses dirigeants doivent y travailler sans délai et sans relâche pour lui donner les cartes nécessaires à assumer ce grand destin au cœur de l’Afrique.

Notre capacité de défense a été profondément affaiblie, nos efforts de l’améliorer régulièrement et systématiquement annihilés par des infiltrations de notre appareil de défense et de sécurité ainsi que de nos plus hautes instances politiques à la faveur des guerres dites de libération ou de rébellion. Plusieurs dialogues, amnisties, brassages et mixages avec des soi-disant rebelles, mais en réalité des agents des pays ennemis ont fini par envahir notre appareil sécuritaire et étatique comme une tumeur métastasée, investissant même le plus haut sommet de la chaîne de commandement. A cela, il convient d’ajouter la grande corruption des élites, en passe de devenir ontologique, qui gangrène la vie nationale (i), l’impunité érigée en norme supérieure (ii) et l’affairisme de certains hauts gradés devenu un sport de haut niveau (iii). Le temps est venu de donner un coup de pied violent dans la fourmilière pour sauver la nation de ce grave péril. Et ce dès aujourd’hui. L’heure n’est plus à la procrastination mortifère pour le pays. 

Monsieur le Président de la République,

Nous vous soumettons aujourd’hui, au nom du peuple congolais, de la majorité silencieuse, la feuille de route en 10 points que voici :

  1. le refus catégorique de tout accord visant à intégrer des éléments du M23 dans nos institutions militaires, sécuritaires et politiques. Le M23 avait déjà endeuillé notre peuple en 2012 en occupant Goma. Il réédite la même chose aujourd’hui. Ce mouvement n’est pas une rébellion, mais un corps expéditionnaire des Etats voisins, principalement le Rwanda pour déstabiliser la RDC. Il est donc hors de question de discuter d’une possible intégration de ses éléments armés au sein de notre armée et de ses dirigeants civils au sein de nos institutions. Ce processus qui avait commencé avec l’arrivée de l’AFDL dans notre pays, et qui avait propulsé James Kabarebe comme Chef d’état-major général de notre armée, s’est poursuivi et accentué avec le RCD et le CNDP. Le comble, nous n’avons pas connu la paix pour autant. Au contraire, ces combattants ennemis intégrés dans nos institutions sont ceux-là mêmes qui, aujourd’hui, alimentent la guerre et occupent des carrés miniers qui fournissent le Rwanda et l’Ouganda en minerais pillés dans notre sous-sol. On n’intègre pas une armée étrangère belliqueuse dans sa propre armée même pour un gain de paix : c’est un signe manifeste de faiblesse. Notre peuple ne vous pardonnera pas le fait d’accepter un quelconque arrangement avec ce corps expéditionnaire étranger qui sème mort et terreur pour les intégrer dans nos institutions ;
  2. l’exigence populaire du retrait immédiat, total et sans condition du M23 du territoire congolais : il importe d’exiger une condamnation ferme du Rwanda et de l’Ouganda qui rivalisent d’intelligence et d’ardeur dans la déstabilisation de notre pays ;
  3. le dépôt d’une plainte à la Cour Internationale de Justice contre le Rwanda et l’Ouganda pour agression et violation de l’intégrité du territoire et de la souveraineté de la RDC ;
  4. la réforme urgente et profonde du secteur de sécurité pour rompre définitivement avec l’externalisation de notre sécurité nationale auprès de l’ONU ou des tiers. Une grande nation de cent millions d’habitants et d’un potentiel immense ne peut courber indéfiniment l’échine devant d’autres nations naguère sous tutelle de la RDC. Le gouvernement doit mettre tout en œuvre pour réorganiser notre armée, la moderniser, l’équiper, l’entraîner, la payer correctement et la préparer à la défense de notre territoire ;
  5. la fermeture des frontières avec les pays agresseurs, notamment le Rwanda et l’Ouganda ;
  6. la rupture des relations diplomatiques avec ces pays agresseurs et le gel de leurs avoirs dans notre pays; 
  7. la suspension de tous les accords bilatéraux avec les pays agresseurs avant le retrait pur et simple, y compris celui de la mutualisation des forces avec l’Ouganda dont un haut gradé de l’armée, fils de Président, ne cesse pas mépriser notre pays et ses dirigeants ;
  8. la mise en place de la justice transitionnelle pour demander des comptes aux auteurs des crimes graves qui se poursuivent impunément contre notre peuple en adressant sans délai une demande en ce sens aux Nations Unies ; 
  9. la promulgation d’une loi martiale pour nous donner les moyens de mobiliser les ressources nécessaires à la guerre ; 
  10. la publication de tous accords bilatéraux signés avec les pays agresseurs et la soumission de tout nouvel accord au débat à l’assemblée nationale et au référendum populaire pour adoption.

Monsieur le Président de la République,

En vous souhaitant, cette fois-ci, un dialogue constructif et bénéfique pour le peuple congolais à Nairobi, nous vous prions de prendre très sérieux la feuille de route du peuple congolais pour le retour d’une paix durable et d’agréer nos sentiments patriotiques très élevés.

Kinshasa, le 7 novembre 2022

Pour le Conseil Stratégique National de l’Appel Patriotique, Professeur Alphonse Maindo.

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