Expulsion de migrants au Rwanda: le premier vol annulé, une volée pour Boris Johnson

A Boeing 767 sits on the runway at the military base in Amesbury, Salisbury, on June 14, 2022, preparing to take a number of asylum-seekers to Rwanda. – The British government was to send a first plane carrying failed asylum seekers to Rwanda on Tuesday despite last-gasp legal bids and protests against the controversial policy. A chartered plane will land in Kigali on Tuesday, campaigners said, after UK judges rejected an appeal against the deportations. (Photo by JUSTIN TALLIS / AFP)

L’avion qui devait expulser 130 demandeurs d’asile vers Kigali est resté cloué au sol mardi soir, après une décision en urgence de la Cour européenne des droits de l’Homme.

Ce Boeing 767, stationné sur la base militaire d’Amesbury, devait décoller mardi soir avec 130 demandeurs d’asile à son bord. (Justin Tallis/AFP)

C’est un revers humiliant pour le gouvernement britannique de Boris Johnson : malgré sa détermination à expulser des migrants vers le Rwanda pour dissuader les arrivées illégales au Royaume-Uni, le premier vol prévu mardi soir a été annulé à la suite de recours de dernière minute. Avec ce projet d’envoyer des demandeurs d’asile de différentes nationalités, arrivés clandestinement au Royaume-Uni, dans ce pays d’Afrique de l’Est, à plus de 6 000 km de Londres, le gouvernement prétend freiner les traversées illégales de la Manche, qui ne cessent d’augmenter malgré ses promesses répétées de contrôler l’immigration depuis le Brexit.

Ce projet, critiqué par l’ONU, est très populaire au sein de l’électorat conservateur, alors que Boris Johnson tente de restaurer son autorité après avoir échappé à un vote de défiance de son parti. Mais après des recours en justice et une décision en urgence de la Cour européenne des droits de l’Homme, l’avion spécialement affrété pour des centaines de milliers d’euros est finalement resté au sol.

«On ne nous découragera pas»

Un volte-face qui a «déçu» la ministre de l’Intérieur Priti Patel qui s’en est pris à la CEDH. «J’ai toujours dit que cette politique ne serait pas facile à appliquer et je suis déçue que les contestations judiciaires et les réclamations de dernière minute aient empêché le vol d’aujourd’hui de décoller», a-t-elle déclaré mardi soir. La ministre juge «très surprenant que la Cour européenne des droits de l’homme soit intervenue malgré des succès antérieurs répétés devant nos tribunaux nationaux».

On ne nous découragera pas de faire ce qu’il faut et de mettre en œuvre nos plans pour contrôler les frontières de notre pays», a-t-elle cependant averti, ajoutant que l’équipe juridique du gouvernement «examine chaque décision prise sur ce vol et la préparation du prochain vol commence maintenant». A Kigali, le gouvernement rwandais affirme de son côté qu’il n’est «pas découragé» par l’annulation du vol et reste «engagé» dans ce partenariat.

A l’origine, les autorités comptaient expulser jusqu’à 130 migrants (Iraniens, Irakiens, Albanais ou Syriens) dans ce premier vol, un chiffre qui s’est réduit comme peau de chagrin à la suite de divers recours individuels. Et dans un rebondissement de dernière minute, la CEDH a stoppé mardi soir l’expulsion d’un demandeur d’asile irakien, en prenant une mesure d’urgence provisoire. Une source de soulagement pour les associations de défense des droits des migrants, qui jugent le projet du gouvernement cruel et inhumain.

La CEDH, basée à Strasbourg, a estimé que l’expulsion de cette personne irakienne devait être repoussée jusqu’à ce que la justice britannique ait examiné la légalité du projet de loi, ce qui est prévu en juillet. Il s’agit en particulier de s’assurer que les migrants puissent avoir accès à des procédures équitables au Rwanda et que le Rwanda soit considéré comme un pays sûr. Le gouvernement rwandais est régulièrement accusé par des ONG de réprimer la liberté d’expression, les critiques et l’opposition politique.

«Consternant»

Des associations ou organisations de soutiens aux réfugiés se félicitent de ce dénouement comme Refugee Council qui fait part sur Twitter de son «immense soulagement». Selon le quotidien conservateur The Telegraph, le gouvernement britannique pourrait reconsidérer son adhésion à la Convention européenne des droits de l’homme afin de pouvoir mettre en œuvre sa stratégie, malgré les critiques, de l’église anglicane jusqu’au prince Charles qui juge le projet «consternant», selon le Times. En attendant, pour le gouvernement le revers est cinglant. Les quotidiens Metro et le Daily Mirror évoquent une «farce cruelle» tandis que le le Guardian souligne le «chaos» provoqué.

Depuis le début de l’année, plus de 10 000 migrants ont traversé illégalement pour atteindre les côtes britanniques sur de petites embarcations, une hausse par rapport aux années précédentes, déjà record. Plusieurs centaines sont arrivés ces derniers jours et mardi matin. En vertu de son accord avec Kigali, Londres doit financer dans un premier temps le dispositif à hauteur de 120 millions de livres (environ 140 millions d’euros). Liz Truss, la ministre britannique des Affaires étrangères, a déclaré de son côté qu’elle ne pouvait pas chiffrer le coût du vol charter – estimé à plus de 288 000 euros – mais insiste, en boutiquière, sur le fait qu’il s’agissait d’un «bon rapport qualité-prix» pour réduire le coût de la migration irrégulière.

Afp

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