A la COP26, 24 signataires pour la fin du développement des énergies fossiles

 Des barges pleines de charbon sur le fleuve Mahakam, en Indonésie.© Willy Kurniawan Des barges pleines de charbon sur le fleuve Mahakam, en Indonésie.

19 pays et 5 organismes ont ouvert la voie en signant un accord interdisant les financements des énergies fossiles à l’étranger. Serait-ce le début de la fin du charbon, du gaz et du pétrole ?

Un accord historique a-t-il été signé ce jeudi à la COP26 ? On aimerait le croire. Si une quarantaine d’Etats se sont déjà engagés à abandonner le charbon, 19 pays ont fait de nouvelles promesses : exit les financements de projets d’énergies fossiles à l’étranger d’ici 2023, si ceux-ci ne mettent pas en œuvre des techniques de capture de carbone. Forcément, les signataires sont fiers. Mais les ONG espèrent.

Selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE), pour pouvoir préserver l’objectif de +1,5°C, il faudrait immédiatement cesser tout financement de nouveaux projets dans les énergies fossiles. Or selon l’ONG Oil Change International, entre 2018 et 2020, les seuls pays du G20 ont financé de tels projets à hauteur de 188 milliards de dollars. Parties prenantes de l’accord, Washington et Ottawa investissent chaque année des milliards de dollars (autour de 3 milliards pour les Etats-Unis, entre 2 et 7 milliards pour le Canada) dans des projets basés sur le charbon et, surtout, gaziers et pétroliers.

Mais les voilà membres de ce deal, qui rassemble 19 pays et 5 institutions financières et organismes et qui pourrait bientôt être rejoint par de nouveaux acteurs, l’Italie et la Commission européenne. Les premiers signataires déclarent : «Investir dans des projets d’énergie fossile laissés tels quels comporte de plus en plus de risques sociaux et économiques […] et a des impacts négatifs sur le revenu des Etats, l’emploi local, les contribuables et la santé publique.»

«Cela permettra un bond du renouvelable»

Chez les Etats, l’heure est forcément à l’autopromotion. Du côté des Canadiens, on se félicite d’être «dans la bonne direction»«Nous sommes engagés à mettre fin aux subventions inefficaces aux combustibles fossiles d’ici 2023. Deux ans avant le reste du G20». Les émissions du secteur pétrolier et gazier devraient diminuer jusqu’à atteindre le zéro net d’ici 2050.

Si l’accord est salué par différentes associations de protection de l’environnement, c’est parce que le plan inclut pour la première fois gaz et pétrole, et promet de réorienter l’argent vers des énergies renouvelables«Cette annonce est un pas dans la bonne direction», a commenté Tasneem Essop, directrice du Climate Action Network International. «Mais elle doit être étendue à plus de gouvernements et d’institutions financières publiques, y compris les banques multilatérales de développement.» Katharina Rall, chercheuse à Human Rights Watch, qualifie quant à elle cet engagement d’étape importante. Tout en précisant que «les pays qui choisissent de ne pas signer, notamment le Japon, la Corée du Sud et l’Italie, manquent à leurs obligations en matière de droits humains».

Contactée par Libération, Lucile Dufour, responsable politique énergétique de l’Institut international du développement durable (IISD), explique que cet accord est une belle avancée, parce qu’il va permettre un transfert des investissements étrangers vers des énergies plus durables. «Cela va permettre aux pays plus pauvres, qui sont toujours en train de développer leur système énergétique et qui n’ont pas encore un accès universel à l’énergie, de faire un bond considérable sur le renouvelable.»

«Double jeu de la France»

Bien que le Canada et les Etats-Unis ne financeront plus de projets basés sur les énergies fossiles à l’international, rien ne mentionne toutefois les subventions domestiques. «Nous espérons que cette question sera abordée la semaine prochaine à la COP26 grâce au projet Beyond Oil & Gas Alliance, emmené par le Costa Rica et le Danemark qui souhaitent rallier les pays producteurs prêts à s’engager sur leur sol», précise Lucile Dufour.

De plus, une grande insatisfaction demeure : l’inaction de la France. Si l’Agence française de développement (AFD) fait partie de l’initiative, sa signature en bas de l’accord rappelle douloureusement que Paris va continuer à financer les énergies fossiles. Lucile Dufour dénonce ce «double jeu», alors que le pays se veut à l’avant-garde du combat climatique. «Cette opportunité manquée est une véritable incohérence.»

Un constat que partage Clément Sénéchal, le porte-parole climat de Greenpeace France. «La France a un agenda pro gaz et pro nucléaire», détaille-t-il à Libération. «Elle a besoin d’étendre sa stratégie et ses compétences nucléaires, notamment dans les pays de l’Est, et, pour cela, elle doit prendre en compte les intérêts de ces pays. Ce qui signifie développer des projets liés à l’industrie du gaz. La France est donc engagée par défaut sur cette énergie, alors qu’elle n’a pas d’intérêt économique majeur. C’est uniquement un investissement diplomatique. Mais du coup, avec ses délires pro gaz, la France se retrouve aujourd’hui complètement décrochée du peloton de tête de l’action climatique.»

L’an dernier, le ministre de l’Economie et des Finances, Bruno Le Maire, déclarait qu’à partir de 2035, la France n’apporterait plus aucune garantie publique pour les projets gaziers portés à l’étranger par des entreprises tricolores. Une avancée majeure, selon le ministre, pour faire du pays la première grande économie décarbonée. L’ONG les Amis de la Terre dénonçait déjà des mesures «anecdotiques» qui «ne forcent pas les industriels français actifs dans le secteur des hydrocarbures à changer de modèle économique».

La Lb

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