Léopold Bondekwe : l’Architecte oublié de l’Indépendance congolaise, 60 ans déjà !

 

Léopold Sylvère Bondekwe, un nom qui résonne encore aujourd’hui dans les mémoires des Congolais, notamment à Kinshasa, Lubumbashi et Kisangani, où il était une figure charismatique et respectée. Un homme d’avant-garde au destin tragique qui pourtant, a joué un rôle crucial dans les luttes pour l’indépendance du Congo. 60 ans après son assassinat le 14 août 1964 à Stanley Ville, aujourd’hui Kisangani, les Boyomais se sont mobilisés pour immortaliser cette grande figure  emblématique de l’histoire du Congo-Belge. 

Hélas, il reste largement méconnu, éclipsé par les figures plus populaires tels que Lumumba, Tshombe et autres héros de la libération.

Bondekwe, l’ardent défenseur

Bondekwe n’était pas un simple acteur politique, mais un intellectuel brillant, un pionnier du journalisme congolais et un ardent défenseur d’une « indépendance séquentielle» qui, selon lui, devait être progressive et contrôlée, afin de permettre au Congo de se forger une identité propre et de maîtriser sa transition vers l’autonomie.

Au début des années 1950, alors que le Congo Belge était en proie aux tensions pré-indépendances, Bondekwe s’est imposé comme une voix influente, à travers son journal « Mon pays». Ce média, qui a contribué à l’émergence d’une conscience nationale, a fait de lui un intellectuel respecté, reconnu par ses pairs comme Paul Soppo Priso, qui le qualifiait de « fine fleur de l’intelligentsia congolaise».

Bondekwe, un visionnaire

Sa vision politique, basée sur une approche stratégique et pragmatique, se distinguait des appels à l’indépendance immédiate qui dominaient le débat politique de l’époque. En 1960, alors que les tractations pour l’indépendance battaient leur plein, Bondekwe fonde l’Union Nationale Congolaise (UNACO), la première force unioniste du pays. Il prône une transition progressive, soulignant les dangers d’une accession précipitée à l’autonomie, qui risquait de conduire à une instabilité politique et à une dépendance économique vis-à-vis des anciennes puissances coloniales.

Son concept « d’indépendance séquentielle», basé sur une « step by step» vers l’autonomie, visait à permettre au Congo de se construire progressivement, en maîtrisant les étapes de sa transition. Malheureusement, cette vision d’une indépendance contrôlée et bien préparée sera mise de côté par l’impatience d’une majorité de ses contemporains, plus enclins à l’appel à la liberté immédiate.

La suite de l’histoire sera tragique pour Bondekwe. Victime de son engagement, il sera assassiné sans avoir pu voir la réalisation de sa vision d’une indépendance solide et durable.

Aujourd’hui, le nom de Léopold Sylvère Bondekwe demeure souvent absent des récits sur l’histoire de l’indépendance du Congo. C’est une injustice historique, qui nous rappelle la complexité des luttes pour la libération et la nécessité de revisiter les récits historiques pour rendre justice aux figures souvent oubliées, mais qui ont pourtant contribué à façonner le destin de leur nation.

Bondekwe, le stratège oublié de l’indépendance congolaise, nous rappelle que l’histoire est souvent écrite par les vainqueurs, et que les voix des visionnaires, des penseurs et des bâtisseurs qui n’ont pas eu le temps de voir leurs idées aboutir méritent d’être entendues et célébrées.

Léopard Sylvestre Bondekwe Baelongandi naquit le 20 Décembre 1925 à Yanonge, un village Lokele situé à 60Km à l’Ouest de la ville de Kisangani au bord du fleuve Congo, de l’union conjugale entre Monsieur Georges Bondekwe , et Madame Liyalaniongo Nia Maliamu, tous Anamongo, respectivement Lokele et Mbole.

Il était de l’ex Province Orientale (Tshopo), Territoire d’Isangi, secteur des Yaokandja, Groupement Lileko et du village de Yalufi.

Un intellectuel chevronné 

Léopard Sylvestre Bondekwe fut un intellectuel de marque : il fut ses études primaires à l’école Chololo chez les frères maristes où il obtint son certificat et ses Études secondaires au Petit Séminaire Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus de Mandombe (PSM), ensuite il décide de se former en sténographie et dactylographie par correspondance et, enfin en 1953, il poursuivit ses Études Supérieures de Droit et de Journalisme à Elisabeth-Ville(Lubumbashi) au sein de l’Institut Boniface où il termina avec distinction.

Fervent défenseur des droits humains, il travailla avec les Ongs et Actions Civiques pour la Paix. Il était Homme de Culture et des Arts, Défenseur judiciaire, Syndicaliste, Journaliste, Magistrat et Leader Politique. Bondekwe devient le premier défenseur judiciaire noir car la profession d’avocat se trouvait de facto tenue par les blancs.

Il a milité au sein du Syndicat chrétien avec pour Compagnons Alphonse Roger Kithima-Bin-Ramazani, André Bo-boliko Lokonga, Jean Marie Kititwa Benga-Tundu. C’est dans ce contexte qu’il effectue un voyage d’études en Belgique. Il travailla à la poste en 1945 à Stanley Ville, il est élu dans le comité directeur l’Association des Évolués de Stanley-Ville(AES) qui en 1954 avait pour ambition de se transformer en un groupe de pression politique pour modifier la situation de l’élite colonisée. Il créa la troupe théâtrale  » La Troupe » pour valoriser l’aspect culturel où il faisait souvent passer des messages de l’unité patriotique garantissant la paix. En 1959, il entre dans le monde des médias et édite le journal  » Mon pays », premier hebdomadaire indépendant de la Province orientale 100% africain dont le premier numéro paru le samedi 04 juillet 1958. Le sens de l’humour, de la critique et de l’analyse était si pointu que chaque parution constituait un évènement en soi. A l’annonce de l’indépendance, Sylvestre Bondekwe créa le parti politique UNACO(Union Nationale Congolaise).

Après le 30 juin, après plusieurs arrestations, maltraitances et menaces de mort, il s’exile avec sa famille à Léopard-Ville.

En 1961, il fait partie des 11 Premiers Magistrats Congolais qui prêtent serment.

Léopard Sylvestre Bondekwe prend la tête de la résistance et devient président du gouvernement de la Province Orientale en exil (1961-1962) et à ce titre, il représente la Province orientale aux accises de Antananarivo pour mettre fin à la sécession Katangaise. Il sera nommé Commissaire Spécial et Extraordinaire à Luluabourg(Kananga) pour régler les différents entre les Gouverneurs Lubaya et Mukenge qui se contestaient mutuellement. Il est parmi les pères de la constitution de Luluabourg comme l’un des rédacteurs.

La mort d’un héros 

La rébellion atteint Stanley Ville le 05 Août 1964 avec une progression patente des rebelles. Plusieurs dirigeants quittent la ville. Mais lui refusa de partir ; on ne le saura probablement jamais. Il est sauvagement assassiné le vendredi 14 Août 1964 à 15h au pied du monument de Patrice Emery Lumumba. Lorsque l’issue s’avère fatale, son fils (Jean Michel Bondekwe, décédé ) lui demanda comment voudrait il être vengé. Il répondit en ces termes :

 » si à ton tour tu tues parce que je suis tué, quelle différence entre mon assassinat et toi devenu aussi un assassin ? La vengeance est un cycle sans fin, la meilleure revanche à prendre sur la vie, c’est de réussir ta vie« .

L’officier commandant, le Peloton d’exécution joue aux enchères. Il propose au supplicié de se prosterner devant l’effigie de son mentor et renier de ce fait ses convictions. En échange, il aura la vie sauve: » je me prosternerai devant mon Dieu, non devant un homme « , rétorque l’infortuné qui s’avance aussitôt et offre son torse nu aux rebelles. Ce refus péremptoire met l’officier sur les nerfs et ordonne au peloton de faire feu à volonté. Lorsque la victime se vide de son sang, un spectateur se détacha de la foule, lui fend la poitrine pour s’approprier son cœur et le mangea tout cru. C’est paraît il pour son courage.

 

Glad NGANGA

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