Dans la prestigieuse salle Irina Bokova du siège de la Direction Générale de l’UNESCO à Kinshasa, une table ronde s’est tenue ce lundi 18 novembre 2024, sur le thème : « Les archives audiovisuelles à l’ère de la numérisation : État des lieux en RDC ». À l’heure où le patrimoine audiovisuel mondial connaît des défis liés à sa conservation, cette initiative, organisée par l’UNESCO, a jeté un éclairage inédit sur la situation en République Démocratique du Congo.
Un plaidoyer du représentant de L’UNESCO
En ouvrant les débats, Dr Isaias Barreto da Rosa, représentant pays de l’UNESCO, a planté le décor avec un discours incisif et visionnaire. Il a souligné l’urgence de déclencher des initiatives robustes pour élaborer une politique nationale en matière d’archives audiovisuelles.
« Les archives ne sont pas de simples supports d’information ; elles incarnent notre histoire, nos cultures et nos identités. En RDC, où ce patrimoine est menacé, cette table ronde marque une étape cruciale pour impulser une véritable transformation dans sa gestion », a-t-il déclaré.
Dr Barreto a insisté sur le rôle pivot de l’UNESCO dans l’accompagnement technique et institutionnel pour préserver ces trésors à travers des technologies modernes, notamment la numérisation et l’intelligence artificielle.
La dynamique gouvernementale : des discours prometteurs
Prenant la parole pour ouvrir officiellement les travaux, le Directeur de Cabinet de la Ministre de la Culture, représentant cette dernière empêchée, a appelé à un sursaut national.
« L’archivage audiovisuel, à l’ère du numérique, est une priorité nationale. Il ne s’agit pas de censurer les contenus, mais de promouvoir un patrimoine authentique, témoin de nos mœurs et de notre identité culturelle ».
Il a également souligné que la RDC, bien que riche de son patrimoine, reste largement absente des grandes plateformes mondiales de diffusion culturelle. Il a exhorté à la mobilisation collective pour combler ce vide et à saisir les opportunités offertes par les avancées technologiques.
Professeur BOBUTAKA : les archives, mémoires de la postérité
Le premier panel de la journée, animé par le Professeur Bobutaka de l’Institut Supérieur de Statistique, a mis en lumière les enjeux techniques et historiques des archives audiovisuelles.
« Les archives ne sont pas de simples traces, elles sont notre identité, notre mémoire collective. Perdre ces archives, c’est perdre une partie de nous-mêmes », a-t-il martelé.
L’intervenant a présenté les différentes formes d’archives (textuelles, sonores, photographiques et numériques) et leur rôle dans la construction des sociétés. Il a également évoqué les défis spécifiques à l’Afrique, où la révolution numérique reste largement sous-exploitée, et appelé à un changement de paradigme pour mieux intégrer le continent dans cette dynamique globale.
INACO: le chemin de la reconstruction
Le Professeur Jean Bedel Iyoka, Directeur des Études et représentant du Directeur général de l’Institut National des Archives du Congo (INACO), a dressé un tableau sans complaisance de l’état actuel des archives nationales. Selon lui, trois grandes dimensions méritent des réformes profondes :
1. La dimension juridique : Il a dénoncé l’obsolescence de la loi de 1978 sur les archives, ainsi que celle de 1996 sur les modalités d’expression. Ces textes doivent être actualisés pour répondre aux réalités actuelles.
2. La dimension opérationnelle : L’INACO a entamé un recollement des archives entre 2016 et 2018, mais les efforts restent insuffisants face à l’ampleur de la tâche.
3. Les infrastructures : Parmi les projets prioritaires figurent la création d’un coffre-fort numérique et la numérisation des archives des médias historiques.
Il a plaidé pour un accompagnement accru des autorités nationales et des partenaires internationaux, notamment en matière de formation et d’équipements.
RTNC : Une mémoire archivistique fragile
Le Professeur José Adolphe Voto, Directeur Général Adjoint de la RTNC, a quant à lui fait un récit poignant de l’histoire des archives audiovisuelles de la chaîne publique. De la création de la RATESCO en 1963 à l’inauguration de la télévision nationale en 1976, il a révélé comment chaque régime politique successif a effacé les traces de son prédécesseur, mettant ainsi à mal la mémoire audiovisuelle du pays.
« En 60 ans, nous sommes passés par tous les supports audiovisuels possibles, mais nous n’avons jamais eu une véritable stratégie de conservation », a-t-il regretté.
Il a aussi dénoncé le manque de formation des personnels, l’absence de technologies adaptées et le pillage fréquent des archives. Cependant, il a salué le plaidoyer auprès des autorités pour disponibiliser les ressources et élaborer un plan stratégique commun.
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Vers des solutions durables
Les débats ont abouti à des recommandations ambitieuses :
• Modernisation légale : Actualisation des lois régissant les archives pour les adapter à l’ère numérique.
• Infrastructures et équipements : Acquisition de serveurs et de technologies modernes pour une numérisation optimale.
• Éducation et sensibilisation : Intégration de la culture de l’archivage dans les écoles et universités.
• Collaboration interinstitutionnelle : Développement de synergies entre la RTNC et l’INACO pour optimiser la conservation et la diffusion des archives en y intégrant le Musée National, la bibliothèque nationale et l’institut national de de géographie.
La table ronde, clôturée par le Secrétaire Général du Ministère de la Culture, a marqué un tournant décisif dans la gestion des archives audiovisuelles en RDC. Grâce à l’implication de l’UNESCO et des institutions nationales, une feuille de route prometteuse a été dessinée pour préserver ce patrimoine unique.
Ensemble, acteurs publics, institutions culturelles et partenaires techniques se sont engagés à transformer les paroles en actions concrètes, redonnant ainsi vie à une mémoire audiovisuelle qui reflète l’âme et l’histoire du Congo.
Glad NGANGA
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