Au cœur de la finance congolaise, l’affaire Kazadi secoue les plus hautes sphères du pouvoir. Ancien ministre des Finances, Nicolas Kazadi est accusé de pratiques de rétrocommissions par des témoins de premier plan, révélant des détails troublants qui jettent une ombre sur sa réputation et sur la gestion de l’argent public. Portrait de cet homme controversé à travers les témoignages retentissants de Gabriel Mokia Mandembo et Adios Engongo Alemba.
Le “Monsieur 30%” de Kinshasa ?
Nicolas Kazadi, ancien ministre des Finances, s’est construit une image de technocrate et réformateur, mais aux yeux de nombreux Congolais, il est devenu “Monsieur 30%”. Surnommé “Tutu Nicolas wa lampadaires ne forages” pour sa gestion controversée des projets publics, il incarne pour ses détracteurs le symbole même de la corruption institutionnalisée. Malgré les accusations, Kazadi nie catégoriquement et défie quiconque de prouver ses prétendues pratiques de rétrocommissions. Mais les témoignages récents de Gabriel Mokia et Adios Alemba soulèvent des questions brûlantes sur ses méthodes.
Mokia : “700 000 dollars pour être payé”
Le premier à briser le silence est Gabriel Mokia Mandembo, homme d’affaires et politicien influent. Début 2022, alors que Kazadi est encore en poste, Mokia affirme avoir subi une demande de rétrocommission pour le règlement de ses dettes publiques. Selon lui, Kazadi aurait exigé un montant de 700 000 dollars pour débloquer les paiements des DTO (dettes de l’État). « Ce n’est pas du chantage », précise Mokia, évoquant son alliance avec le président de la République et l’injustice de cette exigence. Face à cette dénonciation publique, Kazadi reste étrangement silencieux, niant les faits sans jamais prendre d’initiative judiciaire pour se défendre, alimentant encore les soupçons.
Alemba : “On signe pour 24 millions, on reçoit 12 millions”
Quelques mois plus tard, un autre témoignage éclate : Adios Engongo Alemba, ancien président de la SONECA, dévoile une expérience similaire. En 2021, alors que la SONECA doit recevoir 24,4 millions de dollars d’impayés, Kazadi aurait exigé de verser seulement la moitié de cette somme, les 12 millions restants disparaissant mystérieusement. Alemba, se sentant acculé, accepte cette condition et signe pour 24 millions, mais ne reçoit que 12 millions. Cette accusation n’est pas la première de sa part ; cependant, elle reste sans réponse de la part de Kazadi, ni même de la présidence ou du ministère de la Justice.
Un schéma de corruption déguisée ?
Au-delà de ces deux cas spécifiques, d’autres rapports soutiennent que Kazadi aurait favorisé les dettes intérieures pour maximiser ses gains personnels. Selon Florimond Muteba, président de l’Observatoire de la dette publique, le ministre aurait joué sur les décotes, où des dettes de 100 millions sont payées seulement 30 millions, le reste devenant une “commission” pour Kazadi et ses alliés. Un rapport de la Cour des comptes vient d’ailleurs renforcer ces soupçons, notant que plus de 51% du budget 2023 a été dépensé sans conformité administrative.
Conclusion : Silence coupable ou manque de preuve ?
Face à cette avalanche de révélations, Nicolas Kazadi campe sur ses démentis et continue de défier ses accusateurs à prouver les faits. Mais son silence en réponse aux témoignages de Mokia et Alemba laisse planer un doute grandissant sur son innocence. Le débat ne fait que commencer, et si la justice ne s’en mêle pas, c’est l’opinion publique qui tranchera, dans une affaire qui pourrait redéfinir les contours de la lutte anti-corruption au Congo.
L’affaire Kazadi met en lumière un système financier opaque, où la politique et les affaires publiques semblent s’entremêler dans un ballet dangereux pour les finances de l’État.
NGK
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