Le moment venu, on peut manquer un « Ngbanda » et, pire, indisposer la facilitation…
L’Histoire, cette fois, ne bégaie pas. Elle se répète, sous nos yeux, 27 ans après. Alors qu’il avait juré à haute voix de ne jamais négocier avec l’Afdl qu’il présentait en supplétif de l’Apr (première dénomination officielle de l’Armée patriotique rwandaise avant de devenir Rdf), le maréchal avait discrètement chargé son conseiller spécial en matière de sécurité, Honoré Ngbanda, d’approcher les responsables du Front patriotique rwandais au pouvoir à Kigali depuis avril 1994 pour organiser un tête-à-tête avec Laurent-Désiré Kabila. Ignorant tout de ces tractations, Gérard Kamanda wa Kamanda, ministre des Affaires étrangères, sera catastrophé de découvrir ce qu’il avait considéré comme une perfidie dans le chef de Mobutu. Or, le maréchal, même affaibli par la maladie, avait gardé le réflexe de soldat : ne jamais sous-estimer l’adversaire. Car, ce dernier pouvait être juste un trompe-l’oeil…
SOLUTION DIPLOMATIQUE
Suite de l’affaire : Honoré Ngbanda s’en rendra compte en Afrique du Sud. Dans le local d’un hôtel où il attendait Laurent-Désiré Kabila, il se retrouva plutôt en face d’une délégation… américaine. C’est écrit noir sur blanc dans son ouvrage «Ainsi sonne le glas ! Les derniers jours du maréchal Mobutu».
Ainsi, l’ennemi soupçonné d’opérer sous le couvert de l’Afdl n’était ni Paul Kagame, ni son pays le Rwanda ! C’était Washington.
C’est vrai, 25 ans après le début de la deuxième guerre du M23 en 2022, la visibilité rwandaise derrière cette organisation insurrectionnelle qualifiée de terroriste est si évidente que le doute n’est pas permis. Après tout, un panel d’experts des Nations Unies a amplement démontré la présence des troupes rwandaises sur le territoire congolais. Ce qui, aux termes de la Charte de l’ONU, est une agression avérée
Seulement voilà : on va assister, une fois de plus, à l’exception congolaise, lorsqu’il s’agit d’un enjeu impliquant la communauté internationale.
L’agression rwandaise est certes dénoncée et condamnée par tous, sans cependant être suivie de sanctions. Au contraire, tous les partenaires étrangers, bilatéraux et multilatéraux – en tête desquels les 5 membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU n’ont pour solution diplomatique que le Processus de Luanda impliquant deux États belligérants (RDC et Rwanda) et le facilitateur de l’Union africaine, l’Angola.
«INSTRUMENTS DE LA GUERRE ENTRE ETATS» NE SONT PAS RÉUNIS
A un moment donné, nous devons, nous Congolais, apprendre à réfléchir bien.
Toute cette intelligence qu’on met à de-construire l’article 220 de la Constitution (suivez mon regard) aurait servi à mieux, c’est-à-dire à résoudre le problème le plus urgent auquel le Congo actuellement confronté : son existence en tant qu’Etat. Existence sans laquelle la Constitution, révisée ou changée, n’a aucun sens.
Cette intelligence aurait permis de poser les questions suivantes : -est-ce que la RDC et le Rwanda sont deux pays vraiment en guerre pour les amener à une solution diplomatique ? Réponse : non ! -y a-t-il côté RDC un acte de déclaration de guerre qui soit conforme à la Constitution, même si celle-ci est malmenée par les Congolais eux-mêmes ? Réponse : non ! -y a-t-il côté RDC une déclaration de fermeture de frontière dès lors que c’est l’un des actes qu’on prend en cas de conflit armé entre États ? Réponse : non ! -est-ce que la RDC a déjà sollicité la certification de l’agression par le Conseil de sécurité de l’Onu ? Réponse : non ! Pourquoi la certification ?
Avant de répondre, il est indiqué de se faire une idée exacte du panel pour la situation sécuritaire en RDC. Il s’agit, dans l’entendement des Nations Unies, d’un « Groupe d’experts créé par la résolution 2653 (2022) Zaïre 1967, RDC et Rwanda 2024 : l’histoire d’une agression-rébelliondu Conseil de sécurité. Le Groupe est composé de quatre membres qui travaillent depuis leur pays de résidence. Il a été créé en application du paragraphe 21 de la résolution 2653 (2022) pour une période initiale de 13 mois »
Mettons-nous d’accord, au regard de ce qui précède, sur le fait que du Panel d’experts des Nations Unies et de la Monusco, c’est celle-ci et non celui-là qui engage formellement New York sur le territoire congolais. Partant, la Mission onusienne est mieux outillée que le Panel pour effectuer un travail engageant directement, totalement, entièrement et pleinement l’Onu !
Résultat : du moment que les «instruments de la guerre entre Etats» ne sont pas réunis, on ne voit pas, dans sa configuration actuelle, ce que représente réellement le Processus de Luanda pour la RDC. Même s’il arrivait que Kinshasa et Kigali se satisfassent de leurs revendications respectives (retrait de soutien au M23-AFC et neutralisation des Fdlr), ça ne serait pas la fin de la guerre.
Et pour cause !
DOUBLE STANDARD
Dans cette affaire, le Rwanda a marqué deux fois contre la RDC en faisant reconnaître le M23-AFC comme rébellion congolaise.
La première fois au travers du discours d’investiture du Gouvernement Judith Sumwinua.
La deuxième fois au travers de l’acceptation par Kinshasa d’envoyer cette rébellion au Processus de Nairobi réservé, on le sait, aux groupes armés congolais.
Or, à la différence d’autres groupes, le M23-AFC occupe des terres comme cela fut le cas autrefois avec le Rcd, le Mlc, le Rcd-Kml et le Rcd-N avant le Dialogue Intercongolais. C’est bien d’entendre la ministre d’Etat rdcongolaise Thérèse Kayikwamba Wagner réduire le Processus de Nairobi au PDDRCS.
Tout le monde a pourtant conscience qu’en reconnaissant au groupe M23-AFC la «nationalité congolaise», Kinshasa va devoir en assumer les conséquences. Les unes vont faire voler en éclats les Wazalendo comme ce fut le cas des Maï-Maï devenus une « nébuleuse ». Les autres vont porter sur le sort des négociations en interne.
Le rappeler n’est pas le souhaiter, ni le soutenir, moins encore le justifier. C’est plutôt inciter les décideurs à s’y préparer sérieusement.
Pour rappel, le Parlement congolais avait adopté le 8 novembre 2022 une résolution interdisant le Gouvernement de toute négociation avec les groupes armés dont le M23, organisation terroriste.
On ne voit pas le Gouvernement s’appliquer un double standard en négociant avec certains groupes et en ne le faisant pas avec d’autres.
A CETTE ÉTAPE DES ENJEUX, LE SILENCE EST GÉNÉRALEMENT D’OR
C’est ici l’occasion de clarifier les choses : ce n’est pas parce qu’un mouvement est qualifié de terroriste qu’on ne négocie pas avec lui, comme cela se perçoit dans le langage de la rue.
Les Occidentaux qui ont promu cette thèse sont les premiers à passer outre lorsque leurs intérêts stratégiques l’exigent.
On a vu les Américains négocier avec les terroristes Talibans leur sortie de l’Afghanistan.
On l’observe pour Gaza. Les Occidentaux sont en train de pousser Israël à négocier avec le mouvement terroriste Hamas. Parenthèse ouverte et fermée.
Ainsi, contrairement à l’enthousiasme qui s’empare de certaines forces politiques et sociales congolaises à l’annonce de l’absence de Paul Kagame à Luanda, puis à la publication de la décision de l’Onu de proroger pour une année le mandat de la Monusco, les Processus de Luanda et de Nairobi sont susceptibles de faire perdre à Kinshasa l’initiative politique, la pire des choses qui puissent arriver à la RDC. Ça s’est produit avec Mobutu en 1997 et L-D. Kabila en 1999.
Raison pour laquelle il ne va nullement dans l’intérêt du Chef de l’Etat de continuer d’afficher publiquement ses intentions susceptibles d’affecter le moral des forces politiques et sociales qui lui sont proches.
A cette étape des enjeux, le silence est plutôt d’or. Question de ne pas embarrasser les partenaires qui vous veulent du bien. Tout le monde, en temps de guerre, n’a pas le même tempérament. Un leader a l’obligation d’en tenir compte.
Le moment venu – honni soit qui mal y pense – on peut manquer un « Ngbanda » et, pire, indisposer la facilitation.
Omer Nsongo die Lema