Transport des marchandises au Congo

Le commerce informel bat son plein dans notre pays. C’est lui qui fait vivre la quasi-totalité des familles congolaises. Mais le grand souci auquel sont confrontés les petits commerçants est le transport des marchandises du lieu de leur achat à celui de leur vente. Ce casse-tête a été résolu par l’utilisation des moyens locaux de transport des produits divers. Pour une difficulté locale, une solution locale a aussi été trouvée. Diverses sortes de machines fabriquées sur place sont utilisées dans les différentes provinces du pays. Privés de moteur, ces engins sont poussés à la force des bras et le plus souvent sous un soleil accablant. Ce qui requiert un grand effort physique. Ces drôles d’engin made in Congo sont incontournables car ils font le lien entre les demi-grossistes et les détaillants. Parfois, ils servent aussi à transporter des colis, des déchets ménagers, des meubles. Ces engins sont écologiques car non polluant pas.  Voici la liste de ces moyens de transport de marchandises qui jouent un rôle déterminant dans l’économie du pays.

  1. Le pousse-pousse (charrette-cargo)

En réalité, ce porte-tout appelé pousse-pousse n’est pas une invention congolaise. Il est utilisé dans plusieurs pays d’Afrique noire. Sa présence est signalée en Afrique de l’Ouest (Mauritanie, Sénégal, Mali, Côte d’Ivoire) et en Afrique centrale (les deux Congo, RCA, Cameroun, Tchad). On l’appelle pousse-pousse ou pusu dans les deux Congo et wotro en Côte d’Ivoire Les petits commerçants sont les grands bénéficiaires de ses services. Cet engin peut transporter en traction humaine des charges allant jusqu’à 600 kg.

A Kinshasa, depuis des décennies, ces charriots à deux roues sillonnent toute la ville pour assurer le transport des produits divers. Ils se concentrent surtout à proximité des marchés. A Brazzaville et Kinshasa, une étape est même franchie lorsque le pousse-pousse est employé comme moyen de transport en commun. Pour aller d’un quartier à un autre, certains Brazzavillois et Kinois s’en servent pour se déplacer comme alternative au taxi. A Kinshasa, les traîneurs des pousse-pousse à bagages sont appelés pousse-pousseurs ou kasongo (du nom d’un célèbre pousse-pousseur kinois qui à l’époque remporta toutes les courses de pousse-pousse organisées dans les artères de la capitale par une brasserie de la place), gankpo gblégblé au Bénin, pousseur à Douala. Cet engin tout-terrain dessert même les zones dépourvues de routes carrossables.

  1. Le Tshukudu (trottinette-cargo)

A plus de 1.500 km de Kinshasa, un engin étrange inventé localement assure comme dans la capitale le même rôle que le pousse-pousse. Il est indissociable de la ville de Goma et de ses environs. Il y joue un rôle indispensable pour le développement socio-économique de la région. Cette drôle de machine s’appelle tshukudu (chukudu). Conduit par un tshukudeur ou tshukudiste, l’engin dont le berceau est la localité de Kibumba, apparaît vers 1973 dans le paysage kivutien. Il peut transporter jusqu’à 500 kg de marchandises.

C’est une grande trottinette de 2 m de long munie de deux roues surmontées d’un haut et large guidon rappelant les cornes des vaches du Masisi. Le tshukudu est en bois. Il est devenu l’arme qui permet aux plus démunis d’affronter la pauvreté et l’oisiveté. Au carrefour de Kiwanja par exemple, les tshukudeurs attirent les clients avec des slogans qui honorent leur job.  « Kazi ni kazi » (il n’y a pas de sot métier), « Usi zarau kazi » (ne négligez pas le travail), « Uzuri wa mwanaume ni kazi » (le travail fait la beauté de l’homme) peut-on entendre. Certains de ces slogans sont mêmes écrits telle une devise sur leurs machines. Les tshukudus assurent le transport des produits agricoles cultivés dans les montagnes verdoyantes au nord de Goma qui alimentent ses marchés. La capitale du Nord-Kivu compte au moins 4.000 tshukudeurs.

Le samedi 16 mars 2013, les volontaires de l’Onu ont organisé une course de tshukudus pour la paix. Pas moins de cent-dix tshukudeurs, amateurs et professionnels confondus, ont pris part à cette course de 6,25 km à travers les principales artères de Goma. Le tshukudu est devenu le symbole même de cette ville qui a érigé une statue géante dorée sur un rond-point représentant un tshukudeur et sa machine. Dans l’autre bout du monde, à Banaue aux Philippines, existe aussi un scooter qui à bien des égards ressemble au tshukudu. Chez ce peuple des montagnes, l’engin n’est pas utilisé pour le transport des marchandises. Il sert plutôt à faire la course au cours de laquelle les participants dévalent les collines escarpées de la région..

  1. Le vélo ya bayanda (vélo-cargo)

Cet engin de fortune a fait son apparition dans le paysage kasaïen dans les années 1990 à la suite de la détérioration du réseau routier de la région. La débrouille a alors engendré le phénomène bayanda c’est-à-dire le transport par vélo sur de longues distances des produits manufacturés ou du carburant destiné aux grandes villes. Le vélo ya bayanda est en effet une bicyclette dont les pédales ont été enlevées, où des planches ont été ajoutées, dont le porte-bagages et le guidon ont été renforcés pour permettre à la machine de supporter de lourdes charges. Ce vélo transformé en cargo a littéralement remplacé le camion. Il peut transporter jusqu’à 350 kg de marchandises. Les bayanda sont ces transporteurs de marchandises par vélo qui en réalité sont de vrais forçats de la route. Ils ont remplacé les camionneurs et parcourent des centaines de kilomètres à pied des villages, lieux de production par excellence, vers les villes qui sont les centres de vente.  Ces jeunes gens marchent pendant des jours et des nuits en poussant leurs vélos sur des chemins défoncés en s’entraidant. Le plus souvent, ils empruntent les axes  Muene-Ditu – Mbuji-Mayi, Kananga – Tshikapa en passant par Luebo, Mweka–Demba à Kananga. Ils sont au moins 6.000 dans la seule ville de Kananga.

Avec le phénomène bayanda, beaucoup de commerçants et autres anciens propriétaires de camions de transport définitivement tombés en panne se sont procurés des bicyclettes et ont engagé de nombreux bayanda contre un salaire dérisoire. Ces travailleurs taillables et corvéables à merci dont l’âge oscille entre 17 et 50 ans portent plusieurs appellations au Kasaï : chockers, cyclistes-piétons, commerçants-pédaleurs, cyclistes-transporteurs, cyclistes-camionneurs. A Lubumbashi, les vélos sont aussi utilisés pour le transport de marchandises dans la ville.

Au Congo, le transport des marchandises pose un grand problème, En réalité aucune province n’est épargnée. La débrouille exprimée à travers ce que l’on appelle communément Article 15 a donné aux Congolais l’occasion de s’adapter aux difficiles circonstance de leur existence et d’innover à leur manière dans la recherche des moyens pouvant assurer à la fois leur propre survie et tant soit le développement de leur contrée. Seulement, la non motorisation de ces engins de fortune met au-devant de la scène publique congolaise le problème de santé de ses utilisateurs.

Samuel Malonga

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