TRIBUNE LIBRE 100
Doha ou l’art du réalisme stratégique
Pourquoi vous taire ? M’a-t-on taquiné hier après la publication du communiqué de Doha.
À moi de répondre: il est des silences pleins d’écoute, des silences qui précèdent la parole éclairante.Voici donc, pour la centième fois, cette parole que vous attendiez depuis hier non comme un bruit de plus dans le tumulte,mais comme une lame dans l’épaisseur du brouillard.
Il faut parfois revêtir les habits du diplomate pour mieux déshabiller l’ennemi. Les pourparlers de Doha ne sont pas une consécration du M23, encore moins une absolution pour Kagame. Bien au contraire,ils en sont la mise à nu. C’est parce que Fatshi a, en amont, échangé directement avec Kagame que les dés ont été lancés. Deux chefs d’État se sont parlé, puis chacun a désigné ses mandataires. Il n’y a là ni équivoque,ni faiblesse : une délégation représentait Kinshasa, l’autre Kigali. Le duel, c’est entre les deux présidents.
Certains crient à la contradiction, évoquant les propos tenus par le Chef de l’État à l’égard des évêques plaidant hier pour un dialogue avec le M23. À ceux-là, je rappelle : le Président n’a jamais promis l’absolu silence, mais la juste distance. Il avait dit aux princes de l’église : Allez les écouter si vous voulez, mais moi, c’est avec Kagame que je discute. Or que s’est-il passé à Doha ? Le Président a discuté avec Kagame. Ensuite, il a dépêché une mission technique, non pour négocier la souveraineté, mais pour écouter, comme on interroge un accusé avant de prononcer la sentence. L’ossature du processus demeure: Nairobi comme épilogue, Doha comme prélude logistique. Rien n’a fléchi, tout s’est ajusté.
Ceux qui cherchent la trahison du Président à Doha ne la trouvent que parce qu’ils veulent la voir. La constance ne réside pas dans l’immobilisme, mais dans l’harmonisation des principes avec le cours des choses.
Quant au M23 et le Rwanda, leur situation n’est pas enviable. Trois ans pour tenir quelques localités sans jamais conquérir une province entière: voilà le palmarès d’une rébellion surcotée. À ce rythme, il leur faudrait un demi-siècle pour effleurer Moanda. Une illusion d’expansion soigneusement entretenue par une orchestration médiatique savamment menée à Kigali et relayée par quelques mégaphones de mauvaise conscience
à l’instar de ce journaleux peroreur qui dans ses émissions devenues monotones ne cesse de prédire la chute imminente de Félix chaque soir, sans visiblement y croire.
Mais la réalité, la voilà : le Rwanda et le M23 sont sous pression. Les USA , partenaires stratégiques dans la région, ont haussé le ton et exigé leur retrait pur et simple . Ce n’est pas une proposition,c’est un ordre. Et dans le langage des puissances, un ordre ne se discute pas, il s’exécute.
Ainsi donc, Doha n’est ni une reddition, ni une compromission. C’est la confirmation que la diplomatie, lorsqu’elle est adossée à une posture militaire dissuasive et à un alignement géopolitique cohérent, peut débloquer ce que les armes seules ne peuvent conclure. Coup de Chapeau à Fatshi et à Wagner, notre notre maillot jaune du Gvt.
C’est une victoire. Une victoire sans tambours, mais pas sans intelligence.
L’ Histoire retiendra que c’est sous le mandat de F. Tshisekedi que le cycle des agressions répétées du Rwanda a été brisé, que la vérité géopolitique a été exposée au grand jour, et qu’un partenariat gagnant-gagnant a été scellé avec la 1ere puissance mondiale pour la paix, la reconstruction et la modernisation de la RDC.
Oui, j’avais gardé silence hier. Mais ce silence était un prélude, non un aveu. Aujourd’hui, pour cette centième tribune, je rends à la plume sa charge et sa vigueur. Car il est bon, parfois, de laisser les événements parler, avant d’y poser le sceau de l’intelligence. Et pour ceux qui espéraient que le pouvoir eût perdu la face, qu’ils se souviennent : la RDC ne se plie pas, il encaisse pour mieux frapper.
Il recule d’un pas pour avancer de dix.