Stephen Mvemba est-il le premier universitaire congolais ?

Dans l’histoire du Congo bien des choses ne sont pas connues. Le passé de notre pays cache bien des secrets et peut-être même des mystères. Les historiens ont du pain sur la planche. Patrice Lumumba a eu raison de dire que « l’Afrique écrira sa propre histoire ». Les noms de plusieurs fils du pays qui au demeurant devraient être connus sont tus parfois pour des raisons inavouées. L’histoire du Congo doit certainement être réécrite afin que la RDC se réconcilie avec son passé. Les écrits sur les universitaires et des diplômés congolais des grandes écoles dont les instituts  supérieurs prêtent parfois à confusion. Si les colons nous ont fait savoir que Thomas Kanza est le tout premier universitaire congolais diplômé en Belgique, il est apparu plus tard que ce fut plutôt Victor Promontorio, métis de père italien qui dans les années 30 a fait des études de droit à Bruxelles.

Il est avéré que bien avant, à l’époque de l’Etat indépendant du Congo, notre pays avait ses intellectuels. Stephen Mvemba avait obtenu son diplôme aux Etats-Unis à l’Université Shaw à Raleigh en Caroline du Nord en 1894. Il est de ce fait le tout premier universitaire congolais. On ne sait pas grand-chose sur lui. Il semble qu’il a été amené en Amérique par les missionnaires protestants. On ignore encore les études qu’il avait faites ni ce qu’il était devenu au terme de celles-ci. Il avait eu la facilité d’étudier dans cette université car elle était uniquement réservée aux Noirs. C’est la première institution d’enseignement supérieur historiquement noire du Sud des États-Unis.       

Tout commence au XIXe siècle, vers les années 1881, des missionnaires protestants amènent en Europe (Suède, Grande-Bretagne) des jeunes Congolais pour leur servir d’assistants. D’autres sont envoyés aux USA soit en tant qu’étudiants, soit pour faire la promotion de la cause des missionnaires surtout par la récolte des fonds. Stephen Mvemba, Margaret Rattray Nkebani, Nkoyo, Edith Lukoki et tant d’autres sont ceux qui sont partis au pays de l’Oncle Sam. Zana Aziza Etambala, l’historien congolais de langue flamande qui en parle, affirme que le niveau d’éducation de ces jeunes était égal voire parfois supérieur à celui de certains missionnaires blancs. Paul Panda Farnana et l’abbé Stephano Kaoze sont les rares Congolais connus à avoir bénéficié d’une bonne instruction au tout début du 20e siècle. Même si le nombre des ressortissants congolais en Europe est insignifiant, il n’en demeure pas moins que leur passage en Grande-Bretagne figure dans les récits de l’époque. Notons que Williams Hughes de la Baptist Missionary Society (BMS), un ancien de l’EIC a fondé The Congo House  à Colwyn Bay au Pays de Galles en 1889 pour accueillir les jeunes étudiants africains.

L’instruction des Congolais en Occident n’a pas commencé au XIXe siècle. Lorsque l’on remonte dans le temps, on retrouve au XVIe siècle les traces du prince Dom Henrique dont le nom congolais est Ndodidiki Ne Kinu a Mvemba. L’illustre roi (Mani Kongo) Alfonso Ier (né Mvemba Nzinga) a besoin d’une classe sociale éduquée et d’un clergé autochtone au sein du premier royaume chrétien d’Afrique noire.  Il envoie plusieurs jeunes élites pour se former au Portugal pour remplacer les prêtres portugais. Parmi eux figure son fils Dom Henrique. Il reçoit une éducation au monastère Saint-Éloi où il étudie le latin et la théologie.

Élevé à la dignité d’évêque par le Pape Léon X en 1518, il est ordonné prêtre en 1520. Il reçoit son ordination épiscopale en 1521 comme évêque in partibus infidelium (sur les terres des infidèles) d’Utique dans l’actuelle Tunisie. Il est aussi suffragant (dépendant) de l’évêché de Funchal dans l’île portugaise de Madère et vicaire apostolique du royaume du Kongo. Monseigneur Dom Henrique Ne Kinu A Mvemba est donc le premier évêque noir de l’Eglise catholique romaine. Né à Mbanza Nsundi, il est considéré comme Congolais parce que son lieu de naissance se trouve dans l’actuelle RDC.

L’histoire des universitaires congolais mérite une étude sérieuse de la part des historiens. Combien étaient-ils entre 1885, année de la création de l’EIC et le 30 juin 1960, date de l’avènement du Congo à la souveraineté internationale? Si les noms de Stephen Mvemba et Panda Farnana ont été longtemps occultés, on ne sera pas surpris de découvrir d’autres compatriotes qui ont fait de grandes études. L’histoire qui est têtue finira un jour par dévoiler les patronymes de tous ces intellectuels congolais que parfois la mauvaise foi des hommes a jeté dans l’oubli.

Si Paul Panda Farnana a eu la chance que l’on parle de lui-même sur le tard, Stephen Mvemba est par contre le grand inconnu. Son nom ne figure dans aucun manuel  d’histoire. Il doit sa « résurrection » aux récits de quelques historiens zélés qui tentent de rétablir la vérité historique afin que ce digne fils du pays retrouve sa place au soleil de l’intelligentsia congolaise.

Samuel Malonga

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *