L’actualité congolaise de ce mardi est traversée par deux secousses de nature bien différente, mais qui révèlent un même fil rouge : la quête de justice, qu’elle soit terrestre ou céleste. D’un côté, un ministre de la Justice acculé, rattrapé par des accusations de détournement de fonds publics. De l’autre, un jeune martyr laïc élevé au rang de bienheureux, modèle de probité et de foi.
Constant Mutamba dans l’œil du cyclone judiciaire
C’est une claque politique qui résonne fort dans les couloirs du pouvoir. Le ministre d’État, ministre de la Justice et Garde des Sceaux, Constant Mutamba, est désormais sous le coup d’une interdiction formelle de quitter Kinshasa. Le procureur général près la Cour de cassation a activé cette mesure après avoir reçu le feu vert de l’Assemblée nationale pour sa mise en accusation.
Selon L’Agence congolaise de presse, cette interdiction de voyager s’inscrit dans le cadre d’une enquête pour détournement de fonds destinés à la construction d’une prison à Kisangani et à la réparation des victimes de la guerre des six jours entre armées rwandaise et ougandaise. Le Potentiel enfonce le clou en évoquant des montants importants siphonnés via des mécanismes obscurs, tandis que Mediacongo.net rappelle que la Constitution impose la démission du ministre dès l’instant où l’Assemblée nationale autorise sa mise en accusation.
Congo Nouveau pousse plus loin : « Mutamba est dans la peau de l’inculpé », écrit le journal, exhortant le chef de la DYPRO à rendre son tablier pour affronter sereinement la justice. Même son de cloche du côté de Forum des As, qui constate avec amertume la chute brutale de celui qui se voulait le parangon de la lutte anticorruption : « L’image du prince de l’intégrité s’effondre ».
Mais dans cette affaire où justice rime avec politique, Media Congo soupçonne une instrumentalisation en coulisse, dans un climat où les rivalités d’influence battent leur plein au sein de l’appareil d’État.
Quant à La Prospérité, elle met en lumière les revendications citoyennes : la LUCHA, fidèle à son rôle de vigie, applaudit l’élan judiciaire, exige la démission immédiate du ministre et réclame un audit rigoureux des fonds alloués au FRIVAO et au FONAREV, deux fonds censés servir les victimes de guerre mais soupçonnés d’alimenter des circuits de corruption élitistes.
Floribert Bwana Chui, bienheureux et martyr de la vérité
À Rome, c’est une autre image de la RDC qui se dessine : celle d’une jeunesse sacrifiée sur l’autel de la droiture. Floribert Bwana Chui, tué en 2007 à l’âge de 26 ans pour avoir refusé de céder à la corruption dans l’exercice de ses fonctions, a été béatifié ce dimanche 15 juin à la basilique Saint-Paul-Hors-les-Murs. Actu30 souligne qu’il devient ainsi le quatrième bienheureux congolais, après la sœur Anuarite, Isidore Bakanja et l’abbé Albert Joubert.
Un message fort pour un pays en quête de repères éthiques. Actualite.cd rapporte les paroles du Cardinal Fridolin Ambongo, qui a appelé les Congolais à s’inspirer de Floribert pour « davantage de transparence dans la gestion de la chose publique ». Le Cardinal a aussi annoncé une série de recommandations à venir de la part de la CENCO pour « poursuivre la lutte contre la corruption ».
Quant au Pape Léon XIV, il a reçu en audience spéciale les pèlerins congolais venus assister à la béatification, saluant le courage d’un « martyr africain », selon l’Agence congolaise de presse.
Entre chute et élévation
L’ironie est frappante : au moment même où un ministre de la Justice fait l’objet d’une inculpation pour détournement, un jeune fonctionnaire congolais, mort pour avoir résisté à la corruption, est élevé sur les autels. La RDC, ce mardi, se retrouve à la croisée de deux chemins : celui de l’impunité démasquée, et celui de l’intégrité canonisée.
C’est un double miroir que tend la presse nationale : l’un reflétant la décadence d’une élite politique minée par la suspicion, l’autre projetant la lumière d’un engagement sans concession pour le bien commun. Deux justices, un même pays, une même urgence : réconcilier l’action publique avec l’éthique.
NGK