RDC: Tout savoir au sujet de la taxe sur l’éclairage public (rapport des experts)

Il s’observe depuis quelques temps des attaques contre la Société Nationale d’Electricité, SNEL SA, par certaines organisations dites citoyennes et autres structures non autrement identifiées par rapport à la taxe sur l’éclairage public à Kinshasa.

Cependant, il y a lieu de donner encore de l’éclairage sur cette affaire qui porte à confusion quant aux acteurs qui entrent en jeu dont la SNEL SA qui est un simple prestataire et certaines villes comme Kinshasa la capitale, Kolwezi, Bukavu etc.

De la responsabilité des villes

Il y a lieu d’affirmer que l’éclairage public n’est effectif que sur quelques artères importantes dans la ville-province de Kinshasa. Dans certaines artères, cet éclairage public émane des lampadaires solaires, qui ne concernent donc pas directement le courant électrique fournie par la Snel.

Pourtant, apprend t-on, il existe une taxe sur l’éclairage public, perçue à travers les factures d’électricité émises par la Société nationale d’électricité (Snel). L’instance publique de l’électricité perçoit la texte qui est gérée par l’Hotel de Ville. La Snel n’est donc qu’un simple prestataire pour le gouvernement provincial:

En octobre 2020, le gouverneur de la ville de Kinshasa, Gentiny Ngobila Mbaka, avait été invité à s’expliquer sur la gestion de la taxe sur l’éclairage public. « … Cette taxe s’avère être une taxe provinciale au regard de l’ordonnance-loi n°18/004 du 13 mars 2018 fixant la nomenclature des impôts, droits, taxes et redevances de la province et de l’entité territoriale décentralisée ainsi que les modalités de leurs répartitions. Un million de Kinois payent 500 CDF par mois, au titre de la taxe sur l’éclairage public, soit l’équivalent de 250.000 USD par mois, au profit de la province… mais les artères de la ville sont littéralement dans le noir », relevaient à l’époque un certain Alain Ikala et Chris Shamatsi, dans une correspondance adressée au gouverneur.

Une initiative des villes

En fait, la taxe 1% avait été introduite par la Snel dans la facture de consommation d’électricité depuis octobre 2015 à Kinshasa. Le gouvernement provincial comptait à l’époque financer les travaux d’éclairage public dans la capitale. La même taxe d’éclairage public est perçue à Kolwezi dans la province du Lualaba.

En mars 2022, l’adjoint du maire de la ville recevait le directeur provincial de la Snel/Katanga, venu lui rendre compte de la perception de la taxe urbaine par la Snel. C’était à la suite du protocole d’accord signé entre la Snel et la mairie, autorisant à la Snel à percevoir la taxe urbaine sur l’éclairage public et d’en rendre régulièrement compte pour la bonne traçabilité des recettes y afférentes. A Bukavu, le président national de la Nouvelle dynamique de la société civile, NDSCI, Jean Chrysostome Kijana, avait rappelé que la mairie perçoit la taxe d’éclairage public dans les factures d’électricité sans faire quelque chose pour éclairer la ville.

Il revenait donc à l’hôtel de ville de s’acquitter de cette tâche, au lieu de tracasser la population qui paie pour l’éclairage public.

A Tshikapa dans le Kasai, la Lucha avait rappelé également au gouvernement provincial de trouver un compromis avec la société EDC, un prestataire privé, afin de réduire le prix de la location compteur à 3$, pour ainsi permettre à toute la population d’avoir accès à l’électricité.

Ce que dit le rapport des experts

Dans le cadre de son rôle du suivi de l’impact des dépenses publiques dans le développement local, le Centre de Recherches en Finances et Développement Local (CREFDL) a obtenu de la Coalition des Organisations de la Société Civile pour le suivi des réformes de l’action publique

(CORAP) un appui pour mettre en œuvre un micro-projet « Campagne pour une électricité de qualité » à Kinshasa.

Dans ses actions, une mini-enquête sur l’accès à l’électricité a été menée dans la Commune urbano-rural de la N’sele, située à l’Est de la Ville Province de Kinshasa. Ce travail a eu pour objectif de démontrer le fardeau fiscal des ménages, les causes profondes du déficit énergétique, promouvoir la redevabilité des autorités locales en charge des Entités sous leur gestion, susciter un débat public et mener un plaidoyer pour assurer l’accès universel aux ressources énergétiques à la population de la Commune de N’sele. 

Cette enquête a été organisée entre le 1er et le 14 mars 2023 par les équipes de CREFDL. Son contenu se présente de la manière suivante :

I. Ce que l’on sait de la N’sele

N’sele est une commune Urbano-rurale de l’Est de la Ville Province de Kinshasa, située sur la rivière éponyme et le long du boulevard Lumumba qui se prolonge vers les anciennes provinces du Bandundu et le Kasaï. Elle est une commune rurale, tout comme sa voisine Maluku sur l’autre rive de la rivière N’sele. L’urbanisation gagne cependant la commune, en particulier en sa partie occidentale proche de l’aéroport international de N’djili. 

Par la présence du domaine présidentiel et des anciens immeubles d’intendance du mouvement populaire de la révolution, la commune s’est développée durant les années 1960-1970. La commune de la N’sele a une superficie de 898,79 Km2. Elle est la deuxième commune après Maluku de par son étendue et compte à ces jours près de 500.000 habitants, d’après les dernières estimations datées du service de l’habitat[1].

Trois grands groupes d’âge se dégagent dans la structure de la population de la commune de la N’sele. Il s’agit des jeunes âgés de 0 à 19 ans soit 54,9%, des adultes âgés de 20 à 74 ans soit 42,4% et les vieux ayant plus de 75 ans avec 2,7%.

La population de la N’sele est à dominante féminine. D’une manière générale, il naît plus de filles que de garçons dans cette commune.  

II. Des Infrastructures énergétiques 

Au départ très occupée par les anciens dignitaires de l’ancien Président Mobutu, la commune de N’sele est en pleine transformation et compte 52 quartiers, d’après les estimations de service des affaires intérieures. Elle est aussi classée par la Société nationale d’électricité comme sa voisine de Maluku commune les moins électrifiées.

A l’instar des communes de Maluku et de Kimbanseke, la commune de la N’sele a bénéficié du projet PMURR-3 pour résorber le déficit en électricité en 2017, financé par la Banque Mondiale à hauteur de 10 millions de dollars. Objectif, renforcer la puissance des sous-stations Campus, Kinkole et N’sele par un transformateur 30/20 kV – 15 MVA chacune et Electrification des poches noires de la Zone Est de Kinshasa.  Ce projet avait été exécuté par la société belge ABC Contracting.[2].

III. Le raccordement à l’électricité

Pour permettre aux ménages d’avoir accès à l’électricité, l’implantation de 68 cabines MT/BT avec les réseaux MT et BT associés y compris le raccordement des clients avec installation des compteurs à prépaiement[3] a été effectué. A cela s’ajoute, la distribution des compteurs prépayés monophasés et triphasés. 

Au début la distribution a été gratuite. Après la remise des équipements à la SNEL (Société nationale d’électricité) à la fin du projet, le raccordement au réseau électrique a été fixé à 100 dollars et l’achat d’un compteur nage entre 100 à 300 dollars américains. Trop cher, selon 70% des personnes interrogées par CREFDL. 30% ont indiqué que malgré le coût, ils engagent des négociations avec les agents de la SNEL pour obtenir l’électricité. Avec une population qui vit en majorité en dessous 2,15 dollars par jour  par jour[4], il est impossible de promouvoir l’accès équitable à l’électricité dans cette zone de la ville de Kinshasa en pleine transformation.

IV. Degré de consommation

Dans le quartier Bahumbu I par exemple, le prix officiel du kilowattheure n’est pas connu moins encore affiché à l’entrée du centre des ventes et services de B.A.T. Après analyse de certaines factures, CREFDL constate que le prix du kilowattheure est fixé à 1,2 USD. La SNEL facture aussi l’éclairage public, qui n’existe pas. Ce qui apparait à l’escroquerie des ménages. 

Ainsi, 55% des personnes interrogées ont indiqué qu’elles dépensent entre 3 à 7 dollars par mois, 15% entre 7 dollars à 15 dollars, 10% de 15 à 30 USD et 20% entre 30 USD à 50 USD.

V. Causes de la persistance du déficit énergétique 

68% de la population interrogée n’est pas satisfaite de la qualité de l’électricité fournie par la SNEL. Ceux qui ne disposent pas de moyen pour y accéder procèdent à des raccordements clandestins. Une situation à la base des pannes récurrentes dans différents quartiers.  

CREFDL constate que la persistance du déficit énergétique dans les manages dans cette partie de la ville de Kinshasa est liée :

        ·    Coût élevé d’accès à l’électricité

        ·     Boom immobilier et l’expansion démographique;

        ·             Infrastructures électriques en place n’arrivent plus à satisfaire la demande;

        ·     Demande accrue de l’énergie électrique par la population;

        · Faible expansion de la SNEL dans des nouveaux quartiers ;

        ·     Existence de poches noires;

        ·                  Utilisation irrationnelle de l’énergie;

        ·   Saturation de la ligne de transport;

Conclusion et Recommandations

La déserte en électricité dans la commune enquêtée (de N’sele) se fait en dent de scie. Elle viole la constitution et l’objectif 7, pilier 1 des objectifs de développement durables (ODD), qui consiste à garantir l’accès de tous à des services énergétiques fiables et modernes, à un coût abordable. L’accroissement démographique dans cette Entité exige la mise en place des nouvelles politiques énergétique pour assurer son développement. 

Ainsi, CREFDL invite le Gouvernement à :

  • Investir massivement afin de relever le niveau de l’offre et mieux maîtriser la demande;
  • Faciliter la population à avoir accès au service d’électricité à un prix socialement abordable ;
  • Garantir la quiétude de la population par les éclairages publics pour lui permettre à circuler sans crainte ;
  • Recours aux énergies renouvelables pour garantir l’accès de tous à des services énergétiques fiables, durables et modernes, à un coût abordable, conformément à l’Objectif 7 des objectifs de développement durable (ODD).

Tout compte fait, il y a lieu de ne plus confondre la responsabilité des acteurs qui entrent en jeu dans cette affaire au vue de l’éclairage donné en distinguant la Société Nationale d’Electricité, SNEL SA, qui n’est qu’un prestataire, et les villes. Il est plus que temps que l’on laisse à la Direction générale de cette institution de grande importance nationale l’opportunité de se concentrer sur des dossiers prioritaires pour donner de l’électricité à la population congolaise, une denrée très rare de nos jours.

Qu’on se le dise.

Don Petit N’Kiar

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