Attendue comme un tournant majeur dans la scène politique congolaise, la déclaration publique du sénateur à vie Joseph Kabila Kabange, faite depuis l’étranger à 19h30 de Kinshasa, a tenu toutes ses promesses. Quelques jours après la levée de ses immunités par le Sénat, l’ancien président de la République a brisé six années de silence. Ce discours-fleuve, d’une rare densité politique et émotionnelle, marque un moment historique pour la RDC.
UNE PRISE DE PAROLE INÉDITE APRÈS SIX ANS DE SILENCE
« J’ai décidé de briser le silence… pour ne pas être poursuivi devant le tribunal de l’histoire, pour non-assistance à cent millions de compatriotes en danger », a déclaré d’entrée Joseph Kabila. Calmement mais avec gravité, il a dressé un tableau sombre de l’état de la nation : une République “gravement malade”, un peuple “asphyxié”, et des institutions “instrumentalisées”.
L’ancien chef de l’État a justifié sa réserve passée par un souci de préserver la stabilité et d’éviter toute polémique inutile, malgré les attaques personnelles et les campagnes de diabolisation menées à son encontre.
SÉCURITÉ : UN APPEL À RESTRUCTURER L’ARMÉE ET À RESTAURER L’AUTORITÉ DE L’ÉTAT
Au cœur de son intervention, la situation sécuritaire préoccupante dans l’Est du pays. Kabila s’est adressé directement aux forces armées, qu’il dit avoir “formées, commandées et conduites au front”, affirmant que les problèmes ne viennent pas de leur loyauté, mais du “commandement” et de la “prise en charge”.
Il condamne l’usage de mercenaires, demande le retrait immédiat de toutes les troupes étrangères et salue la décision de la SADC de retirer la SAMIDRC. Kabila appelle à neutraliser tous les groupes armés, nationaux et étrangers, et exhorte à “réconcilier les Congolais” pour reconstruire la cohésion nationale.
POLITIQUE : UNE PROPOSITION POUR UN PACTE CITOYEN
Joseph Kabila lance une proposition forte : un Pacte Citoyen pour un sursaut patriotique national. Il y énumère douze engagements clairs, dont :
• Mettre fin à la tyrannie
• Restaurer l’autorité de l’État
• Réconcilier la nation
• Redonner vie à la démocratie
• Relancer la gouvernance économique
• Réinstaurer le dialogue avec les pays voisins
• Restaurer la crédibilité internationale de la RDC
Il appelle tous les Congolais, sans distinction, à se mobiliser autour de ce pacte. « Le Congo vaut mieux que la caricature qu’en donnent ses dirigeants actuels », lâche-t-il, dans une attaque directe à l’actuelle majorité.
ACCORDS AVEC SON SUCCESSEUR : LA VÉRITÉ SELON KABILA
Pour la première fois, Kabila est revenu sur les accords conclus en 2019 avec son successeur Félix Tshisekedi, dans le cadre de la coalition FCC-CACH. Il affirme avoir accepté cet arrangement “pour garantir la stabilité du pays, faciliter le fonctionnement harmonieux des institutions et éviter une crise politique majeure”. Il déplore que des “contre-vérités” aient été diffusées sur cet accord, y compris par ceux qui en étaient signataires.
ÉCONOMIE : DES RÉFORMES SABORDÉES SELON LUI
Kabila critique sévèrement la gestion économique du pays depuis son départ. Il pointe du doigt un usage improductif des ressources publiques, malgré l’augmentation des recettes. Il rappelle que les réformes économiques clés, comme les codes minier, forestier, ou encore celui des assurances, ont été adoptées sous son mandat.
« Aucun investissement stratégique n’a été réalisé pour moderniser le pays ou stimuler sa croissance. Le peuple ne ressent aucun impact de cette croissance budgétaire », dit-il.
UN DERNIER APPEL À L’UNITÉ NATIONALE
Dans un ton plus grave, Joseph Kabila a exprimé sa solidarité envers les victimes de la guerre dans l’Est et dénoncé l’isolement bancaire et logistique de cette région. Il appelle à humaniser la politique du gouvernement vis-à-vis des populations marginalisées.
UNE CONCLUSION CHARGÉE D’ESPOIR ET DE RESPONSABILITÉ
Le discours s’est achevé sur une note solennelle :
« Mobilisons-nous pour restaurer l’unité nationale, sauver le Congo et préserver son indépendance. Car l’Afrique et le monde nous regardent. »
Avec ce discours, Joseph Kabila ne fait pas que revenir sur la scène publique : il se pose en recours, en patriarche politique, et en défenseur de l’unité et de la souveraineté nationale. Alors que le pays entre dans une phase préélectorale incertaine, sa parole pourrait bien redessiner les alliances, réactiver des clivages et raviver un débat de fond sur l’avenir de la RDC.
Le silence est rompu. Le Congo retient son souffle.
Glad NGANGA
