Chaque jour, près de 10 millions de dollars sont dépensés en République démocratique du Congo (RDC) pour le charbon de bois, ou makala. Ce marché colossal de 4 milliards de dollars annuels est à la fois un moteur économique et un fardeau environnemental. Face à cette situation, Fabrice Lusinde, directeur général de la Société nationale d’électricité (SNEL), voit une opportunité : orienter cette énergie financière vers l’électrification, en particulier autour des projets phares comme le Grand Inga.
Lors de la 10ᵉ édition du Forum Makutano à Kinshasa, Fabrice Lusinde, intervenant au panel intitulé « Où en est-on avec le Grand Inga ? En attendant Inga, l’heure des mini-réseaux », a présenté une vision claire et ambitieuse, « La priorité, c’est de construire la phase 1 du Programme Inga, soit le barrage de la Bundi et l’usine d’Inga 3 pour commencer».
Un modèle énergétique dépassé : le charbon de bois domine encore
Avec 67 % du marché énergétique dominé par le charbon de bois et seulement 3 % par l’électricité, la RDC est encore prisonnière d’un modèle insoutenable. Cette dépendance au makala alimente une déforestation massive, contribuant au réchauffement climatique et menaçant les forêts du bassin du Congo, pourtant cruciales pour la planète.
Mais comme l’a souligné Lusinde, cette réalité ne peut pas être une fatalité. Les besoins énergétiques actuels de 6 milliards de dollars par an offrent une base pour un transfert progressif vers l’électricité.
« Si nous réorientons ne serait-ce qu’une partie des dépenses allouées au makala vers l’électricité, nous pouvons réduire la pression sur nos forêts et amorcer une transition énergétique durable », a-t-il affirmé.
Le rêve d’Inga : un levier pour transformer la RDC
Fabrice Lusinde a également profité du Forum Makutano pour détailler les étapes clés de l’ambitieux Programme Inga, considéré comme un pilier du développement énergétique de la RDC :
• Phase 1 (2026-2032) : construction du barrage de la Bundi et de l’usine d’Inga 3, comprenant les deux premières turbines. Ce projet, d’un coût estimé à 8-9 milliards de dollars, nécessitera une mobilisation annuelle de 1,5 milliard. « Si nous lançons les travaux en 2026, nous pourrons livrer cette première phase d’ici 2032 », a précisé Lusinde.
• Phase 2 (2032-2040) : les revenus générés par la vente d’électricité produite par les deux premières turbines serviront à financer les turbines suivantes d’Inga 3.
• Phases 3 et suivantes (à partir de 2032) : développement des centrales Inga 4, 5, 6, 7 et 8, en lien avec un programme d’industrialisation national à horizon 2035-2050.
Pour garantir la réussite de ce projet, Lusinde appelle à la création d’une Société de Projet Inga 3, un modèle qui avait permis la réalisation d’Inga 1 entre 1968 et 1972.
« Nous devons finaliser les études d’ici 2026, mobiliser les financements et, surtout, investir dans la formation de nos ingénieurs congolais pour qu’ils exploitent Inga 3. »
Un avenir à portée de main
Le Programme Inga ne se limite pas à l’électricit, il représente une vision intégrée du développement. Lusinde a d’ailleurs présenté les projets structurants et intégrateurs de la SNEL pour 2025-2029, s’inscrivant dans la Politique des entreprises du Portefeuille adoptée en septembre 2024 par le Conseil des Ministres.
Ces projets incluent des mini-réseaux pour électrifier les zones rurales et combler le déficit énergétique en attendant Inga. Cette démarche reflète une stratégie duale, répondre aux besoins immédiats tout en préparant les infrastructures pour un avenir industriel et écologique.
Entre charbon et électricité : un choix décisif pour la RDC
Le charbon de bois, bien que profondément ancré dans la culture et l’économie de la RDC, ne peut plus être le pilier énergétique d’un pays riche en ressources hydroélectriques. La transition vers l’électricité, incarnée par le Programme Inga, est non seulement une réponse écologique, mais aussi un levier pour transformer l’économie nationale.
« La dictature du makala doit prendre fin, et l’électricité doit devenir la colonne vertébrale de notre développement », a conclu Fabrice Lusinde. Un message clair pour un pays à la croisée des chemins, prêt à se libérer des chaînes du passé et à construire un avenir éclairé et durable.
Sphynxrdc avec la CELLCOM SNEL
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