
Les présumés ADF ont attaqué, le vendredi 12 novembre, l’agglomération de Kisunga, dans le groupement d’Isale-Vuhovi, chefferie des Bashu en territoire de Beni, en province du Nord-Kivu, selon nos sources sur place. Le bilan fait état de 65 victimes, 20 motos et 14 maison incendiées.
Témoignage d’une rescapée parmi les femmes enceintes témoins de ces événements macabres (traduit du Kinande, langue du milieu)
« Ils sont arrivés alors que nous étions déjà couchées. Les portes étaient fermées. Ils ont frappé à la porte, mais nous n’avons pas ouvert. Alors, à coups de pieds, ils ont forcé les portes qui se sont immédiatement ouvertes. Ils étaient très nombreux. Ils sont directement entrés tandis que d’autres restaient à l’extérieur. Ceux qui sont entrés ont encerclé tous les lits au point qu’il était même très difficile de bien voir ceux des autres lits. Certains prenaient nos effets pour les amener dehors. Si tu voulais crier, on te fermait directement la bouche par des menaces. Quand ils ont fini de mettre nos bagages dehors, ils nous ont fait sortir une à une, mais sans nous frapper. Alors, ils nous ont mises dehors et nous ont placées en ligne. Ils nous ont dit : ‟C’est ici qu’on va vous tuer” ! Après, on est allé chercher aussi à la maternité les femmes qui avaient accouché, ainsi que leurs gardes. On a rangé avec nous les femmes qui avaient accouché, mais les ont été mises à part. Nous sommes restées là. Alors l’un des assaillants a posé la question : ‟ On va les tuer à quel moment ? ” On va laisser les gardes et celles car c’est elles qui vont nous aider à transporter les bagages. L’autre lui a répondu : ‟ Non, il ne faut pas les tuer ; car si elles accouchent, ces enfants nous aideront au travail, et ces bébés-ci nous aideront demain”. Nous sommes restées là. Alors, on a obligé les garde-malades d’emballer les bagages et on les a placées debout près des bagages, tandis que nous restions de l’autre côté. Alors un autre est venu et a dit : ‟ Commençons à tuer. Nous allons couper les têtes et nous allons les amener près de la route. Ainsi, chaque familier pourra facilement retrouver les identités des morts. Ils parlaient en Kinande. Nous sommes restés là, dans l’angoisse profonde. L’autre a dit : ‟Non ; il ne faut pas les tuer”. Et il nous a dit : ‟Mais vous, les femmes enceintes, restez là, ne bougez pas, ne pensez pas à aller ailleurs. Puisque si tu penses t’enfuir pour aller accoucher à Kyondo, ou bien là où il y a l’école de nutrition de Vusamba, partout là-bas, nous y serons. Et si tu nous échappes une première fois, tu ne pourras pas nous échapper une deuxième fois. Nous ne perdons jamais la physionomie des personnes ” »
Au sujet de ceux qui ont été tués, cette rescapée raconte : « Ils sont allés les chercher dans les salles. On les amenait déjà ligotés. On les a placés dans la cour devant nous, toujours ligotés, on les a frappés avant de les jeter sous les flammes du bâtiment de l’hôpital. Ils criaient et le plafond tombait sur eux… Mais ils tiraient des balles en désordre dans l’air ».
Par ailleurs, il semble qu’il y avait une cible privilégiée : le médecin et l’Infirmer Titulaire (I.T. Voici encore le témoignage : « Ils étaient habillés en tenue militaire, avec des fillettes en tenue civile, et des enfants pouvant avoir l’âge d’être en troisième année primaire, tous avaient des armes. Ils sont arrivés vers 21h00. Ils nous ont demandé le contact de l’I.T. et du Docteur. C’est après cela qu’ils ont commencé à emballer nos effets. Et quand le médecin a entendu nos cris, c’est alors qu’il s’est échappé par la fenêtre. Mais on a emporté son garçon. »
Selon cette témoin, des infirmiers ont aussi été victimes de cette attaque : « Ils ont arrêté trois infirmiers : le laborantin, un infirmier et une accoucheuse. Cette dernière était dans la salle d’accouchement avec une femme qui s’apprêtait à accoucher. On a pris l’infirmière accoucheuse et, la femme enceinte, on l’a directement descendue du lit et on l’a ramenée vers nous. Elle a essayé de secrètement de s’enfuir dans la brousse, et c’est là qu’elle a commencé à accoucher. »
Sam Nzita