Poursuites contre Matata Ponyo à la demande du Procureur Général près la Cour Constitutionnellee : Ça sens mauvais! l’acharnement

Essai de réponses à quelques interrogations soulevées

En l’espace d’un peu plus de 20 jours, j’ai lu sur les réseaux sociaux trois importantes et sensibles correspondances qui me font penser qu’il y a quelque chose qui ne va pas. La première datant du 28 avril 2021, soutient que le congrès autorise notamment les poursuites contre le sénateur Matata (et consorts), mais sous le régime réservé pourtant au PR et au Premier ministre. A la suite des publications de la presse, faisant état d’une probable résistance des sénateurs, il y a eu une deuxième correspondance, cette fois-ci signée le 12 mai 2021. Celle-ci a clairement voulu rectifier la première. Dans un troisième courrier, réceptionné au sénat le 18 mai 2021, on peut lire la justification de la compétence de la cour constitutionnelle à juger un ancien Premier ministre, avec une gymnastique pas facile à saisir.

Après consultation, je formule quelques questions pour chercher entre nous, quelques clarifications.

1.    L’article 163 de la Constitution dispose ce qui suit : « La Cour constitutionnelle est la juridiction pénale du Chef de l’Etat et du Premier ministre dans les cas et conditions prévus par la Constitution ».

QUESTIONS :

  • Peut-on dire que les cas et conditions en question incluent notamment les anciens Présidents et Premiers ministres ?
  • Qu’en est-il du cas d’un Premier ministre étranger ?
  1. L’article 101 de la LOI de la Cour constitutionnelle dispose ce qui suit : « Si le Procureur Général estime devoir poursuivre le Président de la République ou le Premier Ministre, il adresse au Président de l’Assemblée Nationale et au Président du Sénat UNE REQUÊTE aux fins d’autorisation des poursuites »….

QUESTION : Les trois REQUISITOIRES que nous lisons sur les réseaux sociaux sont-ils des REQUETES ? (Donc, il y a une synonymie ?).

  1. L’article 105 LOI de la Cour constitutionnelle dispose : « En cas de condamnation du Président de la République ou du Premier Ministre, la Cour prononce sa déchéance. Cette sanction s’applique, mutatis mutandis, aux coauteurs ou complices revêtus de la puissance publique ».

QUESTION : En cas de condamnation de l’actuel sénateur mis en cause, notre Cour constitutionnelle va-t-elle le déchoir de quelle qualité (Premier ministre, ancien Premier ministre, sénateur ?) .

  1. Certains commentateurs sur les réseaux sociaux évoquent la cristallisation sans précision. En lisant LIKULIA, on comprend qu’en DROIT PÉNAL SPÉCIAL, il existe le principe de CRISTALLISATION DE LA QUALIFICATION (Principe qui veut que la qualification d’une infraction s’apprécie ou se cristallise au moment de la commission de l’infraction, et qu’elle ne change pas, nonobstant les modifications intervenues ultérieurement. C’est ainsi que le vol reste vol même si, entre le moment de la réalisation et les poursuites, le voleur a remis la chose volée à la victime).
  2. QUESTION : Puisque la compétence est d’attribution, peut-on justifier la compétence de la Cour constitutionnelle à juger un ancien Premier ministre par le principe de cristallisation ? S’agit-il de la cristallisation de la qualification (en droit pénal spécial) ou d’un nouveau principe (« cristallisation de compétence de juridiction » !!!) nécessitant d’amples explications .

J’avoue éprouver d’énormes difficultés à justifier la compétence pénale de la Cour constitutionnelle à juger un ancien Premier ministre, à l’état actuel de notre législation. Étant donné que la compétence pénale de la Cour constitutionnelle est exceptionnelle, sans la moindre prétention, je suis fortement tenté de pencher vers la Cour de Cassation, et cela, pour trois raisons ci-après :

  1. Aucun texte actuellement en vigueur n’attribue cette compétence à la Cour constitutionnelle.
  2. La personne mise en cause est maintenant, au moment des poursuites, bénéficiaire des privilèges de juridiction à cause de sa qualité officielle de sénateur (justiciable de la Cour de Cassation).
  3. Dans son arrêt sous RPA 121 du 23 décembre 1986, la CSJ avait décidé que c’est la qualité au moment des poursuites qui détermine la juridiction compétente, étant donné que le prévenu avait, après avoir commis l’infraction sous un statut ancien (Chef de division), été porteur d’une nouvelle qualité (Directeur) au moment des poursuites; situation qui, à mon humble avis, pourrait se rapprocher du cas qui nous intéresse actuellement.

En conclusion , sans la moindre prétention d’avoir raison dans un tel débat que je voudrais purement scientifique, il me semble qu’un sénateur, simplement parce qu’il est sénateur, bénéficie d’un traitement de faveur, consacré par notre Constitution. C’est ainsi qu’il ne peut pas être soumis à un autre juge, ni à d’autres règles de procédure que celles prévues et rattachées à sa qualité. De la même manière qu’il est juridiquement infondé de traduire un sénateur devant une juridiction militaire, nonobstant le fait pour lui d’avoir été militaire et commis à l’époque, des infractions sous cette qualité d’homme en uniforme. De même, il me paraît inexpliqué de le traduire devant la Cour constitutionnelle pour des faits commis lorsqu’il était son justiciable. Il n’existe pas de principe de CRISTALLISATION DE COMPÉTENCE en droit judiciaire ; enfin, je pense !

Postface :

Au-delà de questions soulevées et auxquelles nous avons répondu, d’autres demeurent :

  1. Pourquoi le Procureur adresse trois REQUISITOIRES alors que la loi l’oblige à adresser plutôt une requête ?
  2. La doctrine congolaise veut-elle inventer la théorie de la cristallisation des compétences des juridictions ?

Pius Romain Rolland

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