PORTRAIT DE MAVUNGU MALANDA MAMONGO

Dans l’histoire de la presse audiovisuelle, un homme a su tirer son épingle de jeu en se distinguant dans les ″cartes blanches″. Mavungu Malanda Mamongo s’est particulièrement prêté à ce jeu. Il a mis sa voix, sa verve oratoire et sa grandiloquence au service de la révolution et du Guide. Il ouvrait comme toujours la grande édition télévisée du soir celle de 20 heures. Il semble bien que sieur Mavungu ne fut pas toujours l’auteur des textes qu’il lisait, certains étant attribués à Dominique Sakombi Inongo, le tout puissant ministre de l’Information de l’époque.

Tout commence en 1968. Le conflit fraternel entre Mobutu et Ngouabi éclate au grand jour. C’est le branle-bas de combat dans la rédaction audiovisuelle à Kinshasa. Pour défendre le Guide, le ministère de l’Information crée une nouvelle sorte d’éditorial à la fois belliciste et incendiaire, arrogant et populiste : la carte blanche. Devenues de vrais pamphlets politiques, elles portent des titres. De l’autre côté du fleuve, comme une réponse du berger à la bergère, la « carte rouge » sert de réponse à toutes les attaques médiatiques venues d’en face. La guerre des ondes entre les deux stations de radio des deux capitales les plus rapprochées du monde vient de commencer. Dans cette guéguerre qui ne dit pas son nom, Alphonse Mavungu Malanda Mamongo de la Voix du Zaïre, le grand tam-tam d’Afrique à Kinshasa, fait face à trois protagonistes. En effet, La Voix de la Révolution à Brazzaville dresse contre lui François Itoua, Marie-José Mathey et André-Bernard Samba. Ils sont chargés de répondre à toutes ses attaques. La pomme des discorde n’est autre que l’assassinat de Pierre Mulele diligenté par les autorités de Kinshasa qui n’ont pas respecté l’amnistie générale qu’ils ont eux-mêmes accordée à tous les exilés politiques. Mobutu et Ngouabi règlent leurs comptes par médias interposés.

Le 4 juin 1969, Les étudiants désarmés manifestent pacifiquement dans les rues de Kinshasa. Le régime qui n’acceptent aucune contestation envoie l’armée. La répression se fait dans le sang.  Mais cette boucherie n’émeut aucunement le chantre de la révolution mobutiste. La révolution n’a-t-il toujours pas raison ? Dans la grande édition du journal télévisé du soir à 20 heures, Mavungu revient sur les incidents de la veille. Il ne mâche pas ses mots. Aussi s’en prend-t-il violemment aux « étudiants cancres, armés de cocktails-molotov et manipulés par des extrémistes maoïstes ».

En 1971, le général Mobutu vient de mettre en marche sa politique de recours à l’authenticité. Le rejet des prénoms européens au profit des noms zaïrois est imposé à tous. La subordination de toute la jeunesse zaïroise au JMPR est la goutte qui fait déborder le vase. L’Eglise catholique par la bouche du cardinal Malula s’oppose à ce que les séminaires soient sous la coupe du mobutisme. Sa prise de position se fait accompagner d’une réprimande du Bureau politique du MPR. Ce malentendu oppose directement le président au cardinal. C’est le conflit entre l’Eglise et l’Etat.

La presse nationale est mobilisée pour abattre un homme qualifié de tous les mots et qui désormais incarne le mal absolu. Pour cette énième joute, toutes la forces sont jetées dans la bataille afin que le MPR et Mobutu gagnent devant le cardinal, sur qui on a jeté l’anathème. Il y a du rififi dans l’air. La propagande du régime se met à l’œuvre. Encore une fois , le noble rôle de lecteur patenté des cartes blanches échoit à Alphonse devenu Mavungu Malanda Mamongo pour les besoins de l’authenticité. Sur les ondes de La Voix du Zaïre, il ouvre le journal parlé de midi par la lecture avec emphase de son édito. Avec une voix sereine empêtrée du mobutisme triomphant, Mavungu mastique les mots, articule les phrases de son texte avec une limpidité à vous couper le souffle.

 En ce début de l’année 1972, le journaliste Mavungu réserve deux diatribes au prélat catholique dans le journal parlé de La Voix du Zaïre. Le premier, celui du 22 janvier, s’intitule ″Le voile d’un archevêque″. Le texte est rediffusé le soir et le lendemain. Le second lu dans l’édition de la mi-journée a pour titre ″La révolution et l’archevêque renégat″. Mavungu accuse le cardinal Malula d’être ″la vipère qui a dirigé son venin contre la révolution″, qu’il est de ce fait un ″illuminé de la protestation négativiste, produit du chantage et de la subversion néocolonialiste, archevêque caméléon, récidiviste indécrottable″. Vite la situation sombre pour le cardinal. Le 26 janvier, le Bureau politique du MPR réuni charge le ministre de la justice de déposer une plainte contre l’ecclésiastique. Devant toute les menaces et en accord avec les autorités vaticanes, le cardinal finit par s’exiler à Rome du 11 février au 28 juin 1972. Il a évité l’humiliation grâce à la ténacité de Mama Mobutu qui s’est imposée devant son mari de président. Joseph-Albert Malula n’a pas été écroué comme son collègue guinéen, l’archevêque de Conakry. Accusé lui aussi par le régime dictatorial de Sékou Touré, Mgr Raymond-Marie Tchidimbo a été arrêté, humilié et torturé. Il a passé presque neuf ans au funeste camp Boiro,

Allergique à toute critique, monsieur ne permet aucun écart de langage. Considérée comme le bastion de la subversion, la Belgique et sa presse ne sont pas épargnées. Alphonse Mavungu s’en prend violemment à La Libre Belgique qui ne ménage pas le Guide. Dans un éditorial digne d’une leçon de psychologie, il répond audit journal. Le titre de la carte blanche du jour est éloquent : ″Le chien de Pavlov est La Libre Belgique″. Le trépidant chantre du mobutisme cite même son Maître pour bien marquer ses propos : « Même s’il  faut tailler notre chemin dans le roc, nous le taillerons dans le roc″.

En 1973, c’est l’époque de la génération dorée du football congolais. L’équipe nationale compte en son sein des joueurs de talent. De ce fait, ils volent de victoire en victoire, écrasant tout sur son passage. Cette année-là, les Léopards font d’une pierre deux coups. Ils sont champions d’Afrique des nations et se qualifient pour la phase finale de la Coupe du monde en Allemagne. Une première. Ces victoires à répétition inspire l’encenseur de Mobutu qui dit avec grandiloquence : « Une victoire des Léopards, est une victoire du Guide ».

Devenu directeur de l’OZRT (office zaïrois de Radio et télévision), citoyen 3M n’a jamais cessé d’encenser son chef dans ses éditoriaux. Pour lui, il utilise à côté des superlatifs élogieux les pseudonymes élogieux que la révolution lui a donné : le Guide éclairé, le Pacificateur, le Timonier, le Léopard du Zaïre, l’Aigle de Kawele.

Dans les années 80, l’homme continua à faire parler de lui chaque fois que la révolution avait besoin de ses services. Avant de tirer sa révérence, il a été de nouveau bombardé directeur de Radio Kin Malebo par un certain Dominique Sakombi Inongo.

Samuel Malonga/Mbokamosika.com

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