Patrice Lumumba, les femmes de sa vie

Patrice Lumumba n’est plus à présenter. Le nom du Congolais le plus vénéré a parcouru les mers et les continents. Mais au-delà du mythe, que sait-on de l’homme, du père et surtout de l’époux qu’il a été ? Ses biographes se sont surtout penchés sur ses activités politiques. Faisant le chemin inverse, nous avons voulu explorer un autre aspect de la vie du héros national en parlant de sa vie de couple et de ses escapades amoureuses.  

 Vie privée, vie publique      

Patrice Lumumba a vécu comme monsieur tout le monde. Si on connaît beaucoup de choses sur sa vie d’adulte, on sait très peu de choses sur sa jeunesse d’Onalua à Stanleyville où il vécut à partir de 1944 avant de s´installer à Léopoldville vers 1958. Il est encore très jeune lorsqu’il épouse sa première femme. Patrice connaît des amours en dents de scie, des relations à rebondissements avec des hauts et des bas. Si sa vie publique est rose avec une fulgurante ascension sociale, sa vie privée par contre est orageuse, tumultueuse, difficile. Les mariages, divorces, remariages voire concubinage se mêlent et se succèdent. Tout est marqué du sceau de sa personne. Plusieurs de ses relations affectives sont des parenthèses qu’il ferme pour ouvrir aussitôt la page d´une nouvelle aventure sentimentale. Pour le meilleur comme pour le pire, qui sont ces femmes qui ont partagé tant soit peu la vie de Patrice Lumumba? Voici une ébauche de ces amours qui ont marqué l’existence du Premier ministre.

  1. Henriette Maletawa

Lumumba se marie très jeune. Il a 20 ans lorsqu’il se met en ménage. Henriette Maletawa est sa toute première épouse. C’est une femme lokele de la région de Stanleyville. Le mariage coutumier a lieu le 21 octobre 1945 à Stan mais l’idylle ne dure que l’espace d’un matin. Ils se séparent vite. Car ambitieux et soucieux de s´élever dans l´échelle sociale, Henriette Maletawa n´est pas pour Lumumba une épouse à la hauteur de l´homme qu´il est et de la personnalité qu´il souhaite devenir. Le divorce est prononcé en 1947. Le couple n’a pas eu de progéniture.

  1. Hortense Sombosia

Lorsque Lumumba quitte Henriette Maletawa, il épouse directement Hortense Sombosia, une femme de la région. Il convole en noces avec elle le 25 juin 1947 à Stanleyville selon la coutume. Bien qu’il ait connu de bons moments avec elle, le mariage ne dure pas. Le divorce intervient le 9 février 1951 à la demande de Lumumba. En trois ans d’union conjugale, Hortense n´a pas donné d’enfants à Patrice.

  1. Pauline Nkie

En 1947, Lumumba est à Léopoldville où il suit une formation à l’école postale. Il fait la connaissance de Pauline Nkie. C’est le coup de foudre. Patrice éprouve un amour fou à cette jeune femme née à Banningville (Bandundu-ville). C’est une Sakata originaire de Tolo dans la région du Lac Maï-Ndombe. Elle est déjà mère d´une fille prénommée Léonie. Son père est batelier à l’Otraco. Leur relation ne dure pas car Nkie doit quitter Léopoldville pour suivre ses parents mutés à Port-Franqui (Ilebo). Les deux amants se séparent contre leur gré mais se retrouvent de nouveau en 1948 à Stanleyville alors que Lumumba est marié à Hortense Sombosia. Dans cette ville, Nkie lui donne son tout premier fils. Celui-ci voit le jour le 20 septembre 1951 et porte le nom de son  père, François TolengaLes deux tourtereaux ne se marieront pas. La cohabitation est de courte durée. Lorsque l’idylle prend fin, Pauline regagne Léopoldville avec son fils dans les bras. Patrice envoie de l´argent chaque mois à son ex compagne pour les besoins de l’enfant. De Lumumba, Nkie dira que c’est un homme soigneux qui s’habille bien, qui dévore quantité de bouquins et qui écrit beaucoup. En 1960, elle viendra même rendre visite à Patrice Lumumba, premier ministre déchu en résidence surveillée.

  1. Pauline Opango

Tetela par son père, elle voit le jour le 1er janvier 1937 à Wembo-Nyama dans le territoire de Katako-Kombe, district de Sankuru. Sa grande-sœur est l’épouse d’un ami de Lumumba. Une fois son mariage arrangé conclu, Pauline quitte son village natal pour rejoindre son mari dans le chef-lieu de la province Orientale. Elle et Patrice ne se connaissent pas avant leur union. C’est une fille nubile que Lumumba épouse coutumièrement à Stanleyville le 15 mars 1951. Novice dans cette nouvelle vie conjugale, Pauline qui n’est sûrement pas bien préparée à sa tâche de femme ignore bien des choses du ménage. C´est Patrice lui-même qui lui apprend tout. Mariage mouvementé, les disputes sont fréquentes, les séparations du corps aussi. Pauline finit même un jour après une grave querelle par plier bagages pour rentrer à Wembo-Nyama chez ses parents. Elle ne divorce pas pour autant. Elle rejoindra le toit conjugal à Stanleyville où son mari continue son ascension fulgurante. C´est avec elle qu’Emery forme une grande famille. Outre François Tolenga qu’elle élève comme son propre fils, Pauline donne quatre enfants à Lumumba : Patrice Okende (Patrice Junior) né le 18 septembre 1952 et décédé le 30 mai 2014, Juliana Amato (du nom de sa mère) née le 23 août 1955, Roland-Gilbert Okito né en 1958 et Marie-Christine Lumumba née en 1960. Alors que le couple est en résidence surveillée, Pauline Opango accouche prématurément à cause des émotions vécues. L´enfant est née malade, atteinte de jaunisse. Marie-Christine est envoyée en Suisse pour des soins appropriés mais meurt quelque temps après. Pauline Opango Onosomba ne s’est jamais remariée après la disparition brutale de son mari alors qu’elle n’a que 24 ans. Elle qui déclara que « lorsqu’on a vécu avec un homme comme Patrice, on n’a aucune raison de vouloir vivre avec un autre » a tiré sa révérence le 23 décembre 2014 à Kinshasa. Son veuvage a duré 53 ans.

  1. Béatrice Okoko

Fin des années 50, le Stanleyvillois Lumumba est de passage à Onalua, son village natal. Il y fait un retour remarqué. L’élégant et séduisant jeune homme venu de la ville attire les regards et est l’objet d’une grande curiosité de la part de la gent féminine. Le citadin est habillé comme un osungu (blanc en tetela). Il rencontre une jeune fille nommé Béatrice Okoko et lui fait la cour. Elle est célibataire, il est marié. Le dandy venu de Stanleyville a-t-il réussi à séduire la jeune villageoise ? La suite de cette romance n’est pas connue. En 2011, Béatrice Okoko en a elle-même fait la confidence à un Belge venu sur les traces de Patrice Lumumba à Onalua à l’occasion du cinquantième anniversaire de sa disparition tragique.

  1. Alphonsine Batamba (Alphonsine Masuba)
  2. )

C’est une jeune fille de tribu lokele qui est couronnée Miss Stanleyville en 1956. Lors d´un séjour à Boyoma, Louis-Richard Lumumba qui est l´ami de jeunesse de la plus belle fille de Stan la présente à son frère Patrice. Aussitôt, Emery tombe amoureux d´elle car il la trouve plus intelligente et mieux éduquée que toutes celles qu´il a jusque-là épousées ou courtisées. Lorsque le président du MNC gagne les élections de 1960 et s’installe à la primature, Alphonsine Batamba devient sa secrétaire personnelle. En sa qualité de fonctionnaire et de maîtresse du Premier ministre, elle réside dans un appartement sur le Boulevard du 30 Juin à Royal. L’endroit est vite devenu le lieu de rencontre des membres du MNC. Quand Lumumba meurt le 17 janvier 1961 au Katanga, Alphonsine Batamba attend famille. Enceinte de Patrice, Cléophas Kamitatu la protège et la cache jusqu’à l’accouchement de Guy-Patrice Lumumba à l’hôpital Elisabeth (Ngaliema) le 7 avril 1961. Le fils posthume ne verra ni ne connaîtra son père assassiné près de trois mois avant sa naissance. En réalité, il est né sous un faux nom par peur des représailles. C’est à 12 ans qu’il portera officiellement le nom de son géniteur. Enfant caché, le Congo mettra près de 44 ans pour le connaître. La RDC découvre ce jeune homme inconnu en 2004 lorsqu´il se porte candidat à l’élection présidentielle. Selon les confidences de Guy Lumumba au journal La Conscience, son père envoya sa mère à Brazzaville pour étudier avec la promesse faite à sa famille de l’épouser au terme de ses études. N´eut été sa révocation puis son assassinat, Patrice Lumumba aurait répudié Pauline Opango pour se marier avec Alphonsine Batamba. Le mariage était même prévu pour octobre 1960. L’ex Miss Stanleyville est décédée à Kinshasa des suites d’un cancer du sein en 1973.

  1. Hélène Bijou
C’est le 30 juin 1960, Le Congo entier s’est donné rendez-vous au Palais de la Nation. La proclamation de l’indépendance va se faire dans quelques instants. Les personnalités et les invités arrivent. Patrice Lumumba est seul, son épouse est absente. Pauline Opango refuse d’assister aux cérémonies de l´indépendance. La raison ? Les cheveux de son mari sont en désordre. Lors du bal, c’est une jeune femme inconnue, une belle Lulua qui va danser avec Patrice. Ce détail anodin est pourtant rapporté à la fois par Aimé Césaire dans sa pièce "Une saison au Congo" et Raoul Peck dans son film "Lumumba”. Cette belle femme qui sert de cavalière au Premier ministre du Congo indépendant s’appelle Hélène Bijou. Le poète et dramaturge Césaire la nomme ainsi en sa référant à son éblouissante beauté. Mais quel est son vrai nom ? Est-elle née de l’imagination de Césaire pour les besoins de son livre ? Qui est-elle en réalité, une maîtresse déguisée en collaboratrice  ou une vraie assistante de l’homme d’État? Quel poste a-t-elle occupé dans le cabinet de Lumumba? Il y a bien des questions en suspens. Car concernant cette jeune femme, aucune information fiable n´est malheureusement disponible sauf celle qui affirme qu’elle faisait bien partie de l´entourage du Premier ministre. 

 Un vrai dandy

Patrice Lumumba plait aux femmes et les femmes lui plaisent. Chaque fois que l’occasion se présente, il n’hésite pas à faire des avances aux jeunes femmes qui croisent son chemin. Beaucoup ne résistent pas à son charme. Ceux qui le fréquentent parlent d’un homme fou de femmes. Lumumba? Un monsieur attrayant, galant. Patrice? Un évolué mais aussi un vrai dandy. Car derrière ses sobres lunettes, sa raie impeccable, sa barbiche soignée, sa moustache clairsemée, sa taille imposante, sa fière allure, son apparence débonnaire et sa fascinante personnalité se cachait un véritable séducteur. Il y avait eu peut-être d’autres histoires d’amour signées de sa main ; d´autres conquêtes féminines inconnues ou cachées, lui qui lorsqu’il était jeune obligeait les filles à danser et à chanter qu’il était blanc.

Sources:

  • Karen BouwerGender and Decolonization in the Congo: The Legacy of Patrice Lumumba
  • Evariste Pini-Pini Nsasay, La mission cvilisatrice au Congo
  • Interview de Guy Lumumba dans le journal « La Conscience » de novembre 2004

Samuel Malonga

Patrice Lumumba, les femmes de sa vie

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