Mohamed Ali, l’abeille ne pique plus

Mohamed Ali terrasse Frasier par chaos

LA RÉVÉRENCE. Déjà affaibli par la maladie de Parkinson, le boxeur légendaire perd le dernier combat de sa carrière dans un relatif quasi-anonymat, à 41 ans.

S’il a été incontestablement « The Greatest » (« le meilleur ») tout au long de sa carrière remplie de péripéties, la fin de sa vie sportive n’a pas été glorieuse. Alors qu’il avait décidé de raccrocher une première fois les gants en juin 1979, Mohamed Ali annonce, un peu à la surprise générale, l’année suivante qu’il souhaite remonter sur les rings.

Malgré son palmarès époustouflant avec 56 victoires pour 59 rencontres, le natif de Louisville doit repartir au combat. Pourtant, son état physique inquiète les siens. Déjà atteint de la maladie de Parkinson qu’on lui reconnaîtra officiellement en 1984, Mohamed Ali n’a plus la fougue qui le caractérisait. Son retour sur scène sera un échec, avec deux défaites consécutives.

Une première déconvenue face à son ancien partenaire d’entraînement

Il était redevenu champion du monde des poids lourds à la suite de sa revanche sur Leon Spinks, en 1978. Après cette courte pause, Mohamed Ali décide donc de sortir de sa préretraite. À 38 ans, il est toujours une icône de la boxe mondiale. Son ancien partenaire d’entraînement Larry Holmes est le nouveau champion de sa catégorie et son prochain adversaire. Si l’entourage d’Ali est préoccupé par son état, le boxeur n’a rien perdu de son talent en conférence de presse, où il n’hésite pas à provoquer son ancien sparring-partner. « Je suis arrivé au point où c’est la vie ou la mort. Je suis comme un kamikaze, plus rien ne pourra m’arrêter. Holmes ne pense qu’à sa femme, ses gosses, sa belle maison et sa piscine. Moi, je ne pense qu’à la victoire. »

De son côté, Holmes se montre plus respectueux envers Ali. S’il se prépare pour le combat de sa vie, il n’oublie pas de lui rendre hommage par la même occasion. « J’avais 21 ans quand je suis devenu son sparring. Vous imaginez, pour un gamin, ce que ça représentait de travailler avec « The Greatest » ? Il est l’homme qui m’a donné un boulot, qui m’a tout appris de la boxe. Il m’a fait grandir de 20 centimètres », expliqua par la suite Holmes à The Ring. L’affrontement organisé à Las Vegas le 2 octobre 1980 est le début de la fin pour Mohamed Ali, méconnaissable sur le ring. Amaigri et peu impactant par ses coups, le champion olympique de Rome 1960 n’est plus que l’ombre de lui-même. Même s’il voulait encore combattre, le verdict tombe au dixième round : il est officiellement vaincu pour la quatrième fois de sa carrière.

Un ultime combat chaotique dans l’organisation

Pour Mohamed Ali, la défaillance face à Holmes lui coûte sportivement mais aussi médiatiquement. Sa faible prestation de Las Vegas n’incite pas les organisateurs à organiser un nouveau combat, du moins aux États-Unis. Peu importe, le nom d’Ali fait toujours vendre et les Bahamas se positionnent pour accueillir l’événement. C’est le Jamaïcain Trevor Berbick qui a été désigné pour le défier. Ce combat à Nassau le 11 décembre 1981, connu comme le « drame des Bahamas », est un flop auprès du public : moins de 7 000 billets vendus (contre 24 000 à Las Vegas pour le match face à Holmes) et surtout une diffusion à la télévision très limitée. À part ONTV dans l’Ohio, aucune chaîne nationale n’a fait d’offre pour retransmettre le combat.

C’est d’ailleurs dans une organisation indigne du rang d’Ali que le combat se déroule. L’opposition entre le « Greatest » et Berbick commence avec deux heures de retard, car la clé de l’entrée principale a été égarée et que la traditionnelle cloche nécessaire pour terminer chaque round a disparu. Une fois que tout est rentré dans l’ordre, l’affrontement bahaméen commence. Si Ali s’en sort mieux que dans le Nevada, il est tout de même malmené par son adversaire. Offensif d’entrée, le boxeur américain accumule les coups sans conséquence et, à partir de la sixième reprise, il décline lentement mais sûrement. Berbick est finalement désigné vainqueur par les juges, au bout de dix rounds.

« Comme regarder un roi partir en exil à l’arrière d’un camion poubelle »

Cet ultime combat de Mohamed Ali s’achève donc dans la douleur, mais aussi dans l’indifférence. « Au moins, je ne suis pas tombé. Il n’y aura pas de photos de moi par terre, passant à travers les cordes, la gueule en sang ou les dents cassées », analyse-t-il, tentant de nuancer sa piètre performance. Hugh McIlvanney, célèbre journaliste sportif anglais qui a assisté à cette rencontre, ne cacha pas sa tristesse de voir une telle légende terminer ainsi. « Voir Ali perdre face à

à un boxeur aussi modeste dans un contexte aussi sale, c’était comme regarder un roi partir en exil à l’arrière d’un camion poubelle. » Cet échec est celui de trop, Mohamed Ali ne remettra plus jamais les gants pour un combat professionnel.

De toute façon, ce come-back à 38 ans était-il une bonne idée ? Le journaliste Robert Lipsyte estime que l’envie de combattre chez Ali était trop forte, malgré les mises en garde de son médecin Ferdie Pacheco. La pression de son entourage, avec le pactole financier comme enjeu, a fini par prendre le dessus. « La seule personne qui a vraiment essayé de le convaincre d’arrêter, c’est Pacheco. Mais comment dit-on à quelqu’un d’arrêter la seule chose qu’il sait vraiment faire ? Et, de toute manière, il y avait trop de gens qui lui mettaient la pression pour gagner de l’argent et il avait une responsabilité vis-à-vis de son clan et de sa famille. »

Avec la maladie de Parkinson qui s’installe définitivement dans sa vie, le déclin est inexorable. Il apparaît notamment en 1996 à la cérémonie d’ouverture des JO d’Atlanta pour allumer la vasque olympique, montrant ainsi au grand public la fragilité de son état. Il est reçu plusieurs fois à la Maison-Blanche, notamment par George Bush père, et participe à l’investiture de Barack Obama. Il s’éteint finalement le 3 juin 2016, à la suite d’une pneumonie. Si l’épilogue d’Ali n’a pas été brillant, il est finalement relégué au second plan tant sa carrière et sa vie ont été exceptionnelles. La légende de l’anciennement nommé Cassius Clay est encore tenace aux États-Unis. Sa mythique ceinture de champion du monde en 1974 décrochée face à Foreman à Kinshasa a récemment été vendue 6,18 millions de dollars aux enchères. Preuve que le roi Ali continue de traverser les époques.

Le Point

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