MEMBRE DE  QUATRE ORGANISATIONS SOUS-REGIONALES, LA RD CONGO PEUT DEVENIR UNE PUISSANCE DE LA SOUS-REGION OU CROUPIR SOUS LE POIDS DES ENGAGEMENTS(Tribune de Dr Emmanuel Limbole)

Dr Emmanuel Limbole

La République Démocratique du Congo (RD Congo) a adhéré successivement, depuis plusieurs décennies, à quatre organisations sous régionales : la CEPGL en 1976, le COMESA en 1994, la CEEAC en 1983 et la SADC en 1997. A cela s’est ajoutée sa dernière adhésion à la zone de libre échange continentale (ZLECAF) depuis le 21 mars 2018.

Cette appartenance concomitante à plusieurs organisations sous-régionales est liée à sa position géographique à cheval sur trois zones : le centre, l’est et le sud.

Cependant, outre les avantages à tirer de cette multiple appartenance, celle-ci impose au pays de se conformer aux engagements en termes notamment de contributions financières ou d’abandon de certains actes de souveraineté qui ne sont pas sans conséquences sur ses ressources. Pour cette raison, il s’impose à la RD Congo la nécessité de réfléchir profondément sur les stratégies à mettre en place en vue de lui permettre de tirer meilleur profit de cet environnement régional, plutôt que d’en subir le coup. 

Le 1er secteur sur lequel il nous revient de réfléchir est celui de transport. En raison de sa grande superficie et de sa position géographique au centre de l’Afrique, la RD Congo se doit de tirer dans ce secteur un des plus grands bénéfices de cette multiple appartenance aux organisations sous régionales. Malheureusement, la réalité sur terrain est plutôt le contraire absolu. En effet, l’Afrique est traversée d’est à l’ouest et du nord au sud par neufs (9) autoroutes appelées autoroutes transafricaines (Trans-African-Highways, TAH). La RD Congo est traversée par deux (2) d’entre elles : la transafricaine numéro 8, Mambasa-Lagos, et la transafricaine numéro 9, Beira-Lobito.

La transafricaine numéro 8, longue de 6259 Km, va de Mombasa (Kenya) à Lagos (Nigeria) et traverse la RD Congo du nord-est au nord-ouest sur une longueur de 1505 Km. Sa traversée sur la RD Congo se confond avec la route nationale numéro 4 (RN4) qui va de Kasindi, à la frontière Ougandaise, à Ndu, à la frontière Centrafricaine, en passant notamment par Beni, Mambasa, Bafwasende, Kisangani, Banalia, Buta, et Bondo. Ses extrémités occidentales au Nigeria, au Cameroun et en République centrafricaine sont pour la plupart terminées, mais le tronçon sur la RD Congo constitue le principal chainon manquant qui empêche actuellement l’utilisation pratique et complète de cette autoroute. La RD Congo constitue donc un obstacle à la circulation par voie routière des personnes et des marchandises entre les

versants indien et atlantique du continent, entre l’Afrique de l’est et l’Afrique de l’ouest, en passant par l’Afrique centrale.

La transafricaine numéro 9, longue de 3523 Km, va de Beira, au Mozambique, à Lobito, en Angola, en traversant la RD Congo dans sa partie sud. Son parcours congolais passe successivement par Kasumbalesa, Lubumbashi, Likasi,Nguba, Kolwezi et Dilolo.

Elle relie l’Océan Indien et l’Océan Atlantique dans la partie sud du continent. Une bonne portion en RD Congo et en Angola n’est pas asphaltée.

Signalons que la traversée d’une région par une voie routière de portée internationale induit un effet d’entrainement économique, social et culturel favorable aux communautés riveraines, ce dont la RD Congo se prive actuellement. Bien plus, la RD Congo inflige un manque à gagner économico-financier important à l’ensemble des pays riverains de ces deux autoroutes transafricaines.

Devant une si triste réalité, comment peut-on expliquer le silence et l’inaction de l’Etat Congolais, depuis plusieurs décennies, dans ce domaine d’intégration continentale?  A quoi auront servi ces multiples adhésions successives ?

Le lancement en juin dernier par le Chef de l’Etat Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo et son homologue Ougandais des travaux d’asphaltage de l’axe Mpondwe- Kasindi-Beni-Butembo, axe reliant l’Ouganda à la RD Congo, est un bon signal dans ce secteur mais il y a lieu de faire observer, comme l’avait souligné le Chef de l’Etat, qu’il s’agit d’une initiative du Président Ougandais. Au-delà du souci de bon voisinage, l’Ouganda l’a fait d’abord par un souci stratégique de s’ouvrir au vaste marché de l’est de la RD Congo. De surcroit, l’axe Beni-Butembo ne fait pas partie de la route transafricaine (numéro 8), mais constitue plutôt une bretelle de celle-ci. On peut néanmoins se réjouir de l’intérêt que cela comporte sur le plan à la fois économique et sécuritaire pour la RD Congo. Quoi qu’il en soit, il n’en demeure pas moins vrai qu’à ce jour, toute la traversée congolaise de la transafricaine numéro 8 reste impraticable, créant ainsi un obstacle majeur à l’intégration régionale.

Si elle a l’ambition d’être une grande  puissance africaine,  Il est temps pour la RD Congo de mettre en place des stratégies géopolitiques et géoéconomiques efficaces. Pascal BONIFACE, dans son livre « LA GEOPOLITIQUE », affirme que la géo- économie serait l’analyse des stratégies d’ordre économique décidées par les Etats qui peuvent agir en liaison avec leurs entreprises, pour protéger et développer leurs économies nationales, maitriser les technologies sensibles, améliorer leur compétitivité commerciale, conquérir des marchés extérieurs et définir les secteurs d’activité économique considérés comme stratégiques.

La RD Congo est l’un des rares pays au monde à posséder des ressources naturelles stratégiques sans avoir la stratégie de leur utilisation ; à avoir une position géostratégique dans le continent sans une stratégie de l’utilisation efficiente de celle-ci.

 Voilà donc posée la problématique, et nous en appelons à l’intelligence stratégique de la nation congolaise pour lui faire jouer son rôle catalyseur dans la région et faire profiter à sa population des bienfaits d’une intégration régionale réussie.

Dr Emmanuel LIMBOLE BAKILO, Président de FORREP

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