Médias : la prise en charge de la violation de l’éthique et déontologie par les journalistes est collégiale CSAC et UNPC(une tribune de Me Guy Blaise Kitiki)

       I. Contexte et justification

La liberté de la presse étant un droit fondamental et constitutionnel, son exercice requiert un encadrement légal. En RDC, la modalité d’exercice est du domaine de la loi, précisément la loi n°96-002 du 22 juin 1996 fixant les modalités de l’exercice de la liberté de presse, mais aussi corporatif, c’est-à-dire par le principe de la Co-régulation, notamment, par le CSAC comme institution d’appui à la démocratie (article 212 de la constitution du 18 février 2006), de l’autorégulation par l’UNPC (union nationale de la presse du Congo), qui est régi par la loi n°004/2001 du 20 juillet 2001 portant disposition générale applicables aux ASBL et aux établissements d’utilité publique en RDC et MILRDC (l’association des médias en lignes)

Cependant, en cette période de l’émergence de la démocratie en RDC, il s’est dégagé un comportement un peu plus rocambolesque dans le chef des professionnels de médias, à savoir, l’insouciance, le libertinage, le populisme, l’appât des gains au détriment du professionnalisme. Bon nombre d’entre eux, se permettent d’enfreindre le code d’éthique et déontologie, en commettant les fautes professionnelles, par des propos diffamatoires et imputations dommageables, prévus et punis par le code pénal livre 2, en ses articles 74 et

75.  

In specie, plusieurs professionnels des médias ont été poursuivis, d’une part par l’autorité de l’autorégulation(UNPC), par son Tribunal des pairs et d’autre part, par les cours et tribunaux de droit communs, à l’instar de Pero LUWARA et tant d’autres. Le cas

Peter TSHANI, qui fait couler l’ancre et la salive, n’est pas une première et il en existe encore qui ne sont pas poursuivis. 

Cependant, le sieur Peter TSHANI, passe dans une émission télévisée, il tient des propos qualifiés diffamatoires et vexatoires en l’endroit d’une personnalité politique Lambert MENDE OMALANGA. Ce dernier, par son conseil saisi le CSAC, pour obtenir réparation et l’autorité de régulation s’exécute et lance une invitation à Peter TSHANI pour pre2senter ses moyens de défense, l’UNPC revient à la charge et cri à l’usurpation des prérogatives.   

       II. Faits et analyse

1. Faits 

En date du 03 janvier 2023 aux alentours de 18h00’, sur la chaine Télé 50 au cours de l’émission Kin-direct, le journaliste Peter TSHANI invité, avait tenu des propos qualifiés de discourtois en l’encontre du député national Lambert MENDE OMALANGA, à savoir,

’délinquant politique, de croc mort, ayant le sang des congolais sur les mains et autres’’. Lésé, par ses avocats-conseils, il a saisi le CSAC (conseil supérieur de l’audiovisuel de la communication), pour se plaindre de propos du journaliste Peter TSHANI, tels qu’énoncés ci-haut. 2. Analyse

De tout ce qui précède, pour mieux appréhender cette question, des interrogations méritent des réponses idoines découlant de ces faits énoncés. Le plaignant Lambert MENDE OMALANGA en saisissant le CSAC avait-t-il mal dirigé sa requête ou sa plainte ? Le CSAC estil compétent pour connaitre un litige énervant l’éthique et la déontologie par un professionnel, sur quelle base juridique la convocation de CSAC se repose-t-elle pour agir ?  L’UNPC entant qu’autorité de l’autorégulation a-t-elle le droit de se plaindre de l’usurpation des compétences ? quel aurait été son attitude face au comportement du journaliste ?

               –       De l’action du plaignant

Lésé par les propos qualifiés de diffamatoires et discourtois du journaliste Peter TSIANI, il avait en face de lui et de sa conscience, deux actions pour agir, sur le plan pénal et civil. Du point de vue civil, Lambert MENDE OMALANGA pouvait faire application de deux instances, UNPC par sa commission de discipline –Tribunal des pairs et le CSAC au regards de sa loi organique et de son règlement intérieur. Sur le plan pénal, il est clair et net que le parquet prés le TGI (tribunal de grande Instance) serait saisi, en vertu des article 74 et 75 du code pénal livre 2. 

Sur l’action civile, en vertu de l’article 57, 2 de statut particulier de la commission de discipline, sur la qualité de saisir le Tribunal des pairs pour faute professionnelle, qui est défini comme violation du code de l’éthique et de la déontologie, ‘’ Les personnes morales et physiques lésées par un cas de faute professionnelle’’. Et l’article 57 du même statut fixe les conditions de saisine et de sa recevabilité. Il se dégage que Lambert MENDE avait toutes les voies devant pour saisir l’UNPC, par son Tribunal des pairs. Mais hélas ! il a choisi une autre voie, una electa. 

Aussi, suivant toujours l’action civile, le requérant Lambert MENDE a préféré saisir le CSAC, ce en application des dispositions des articles 57 et 58 de la loi-organique nº 11/001 du 11 janvier 2011 portant composition, attribution et fonctionnement du Conseil Supérieur de l’Audiovisuel et de la Communication : ‘’Toute personne physique ou morale…peut saisir le CSAC, d’une plainte à charge de toute entreprise de médias dont le professionnel viole les règles d’éthique et de déontologie en matière de l’information et de la communication.,’’ Combiné à l’article 86, point 4du règlement intérieur du CSAC qui dispose : ‘’Concernant la presse audiovisuelle et en ligne, la plainte doit comporter toute mention permettant l’identification du professionnel et du propos concerné ainsi que le jour et l’heure de la diffusion ou de la mise en ligne et de la consultation.’’ Il s’avère que Peter TSHANI est passé dans une chaine de télévision

Télé 50, un média audiovisuel, le 03 janvier 2023 et à 18h00’, toutes les conditions de recevabilité de la requête de MENDE par la régulation ont été remplies.

Toutefois, au regards de l’article 87, la plainte ou la requête adressée au CSAC dirigée contre un professionnel de média, pour violation des règles d’éthique et de déontologie, le Conseil notifie les griefs formulés à la personne incriminée en l’invitant à présenter ses moyens de défense dans un délai de 7 jours. Donc, le conseil était donc bel et bien en droit de convoquer le professionnel des médias fautif., en occurrence Peter TSHANI.  

  • De la convocation du CSAC

Le conseil supérieur de l’audiovisuel CSAC est un organe institutionnel et constitutionnel. L’une de ses prérogatives tel que précisé à l’exposé des motifs et à l’article 8 de la loi-organique du 11 janvier 2011, ‘est de veiller au respect de la déontologie en matière d’information’’. En effet, le terme déontologie est défini à l’article 4 de la même loi, comme un ‘’ : Ensemble de règles édictées par la corporation pour une pratique correcte de différentes catégories des métiers intéressant les professionnels des médias ;’’. Au terme de ces dispositions, le CSAC a aussi un droit de regard sur la violation du code d’éthique et de la déontologie.

De même et dans le cas ci-haut évoqué, tirant les conséquences des dispositions des articles 57 et 58 de la loi-organique du 11 janvier 2011 et des articles 86, point 4 et 87 du règlement intérieur du CSAC suffisamment évoqués supra, le bureau du CSAC représenté par son président était en droit d’adresser une convocation en bonne et due forme contre le professionnel des médias Peter TSHANI. En conséquence, il n’y a pas lieu de considérer une quelconque violation, ni de la loi-organique ni de son règlement intérieur. 

  • De la position de l’UNPC

En tant qu’autorité de l’autorégulation, l’UNPC par sa commission de discipline, l’un de ses organes est dotée de certaines prérogatives, parmi lesquelles : de réprimer les faits répréhensibles d’infraction qualifiée de ‘’faute professionnelle de presse’’, entendue comme violation du code d’éthique et de déontologie du journaliste congolais et tout autre manquement en dehors de la profession. Elle est le Tribunal des pairs (articles 1 et 34 du statut particulier de la commission de discipline).

Cependant, elle examine les questions relatives au respect des règles d’éthique et de déontologie lui soumises, avec l’une des attributions telle prévue à l’article 34, point 1 poursuivre les professionnels congolais de la presse coupables des fautes professionnelles de presse, considérée à juste titre comme délit de presse, causant un préjudice présumé à autrui, quel que soit le support médiatique (article 35 du même texte). Et, l’article 36, point 1 précise, ‘’Tout manquement, avec intention de nuire, notamment, l’imputation dommageable, aux propos injurieux, et outrageants.’’

En effet, le tribunal des pairs en vertu de l’article 38 des statuts de l’UNPC, peut se saisir d’office (auto saisine article 57,2) en cas des incriminations flagrantes et avérées, surtout dès qu’il est informé de fautes professionnelles, par les membres du comité directeur et aussi par toute personne physique ou morale lésée (articles 54, du statut particulier). La saisine doit être écrite avec des mentions substantielles essentielles et obligatoires au risque d’irrecevabilité (articles 5557).

Au demeurant, il se dégage deux attitudes dans le chef de l’UNPC, à travers sa commission de discipline :

  • Primo, l’absence de saisi d’office ou l’auto saisine.

selon les faits répréhensibles à l’égards de Peter TSHANI, l’émission a été produite et diffusée en date du 03 janvier de l’année en cours, où le sieur avait tenu des propos outrageants, discourtois et injurieux tels que le considère le plaignant, Lambert MENDE OMALANGA, se sentant lésée, le 5 janvier de la même année, soit 2 jours après, il saisit le CSAC en demande de réparation de préjudice subi, l’atteinte à la dignité et à l’honneur, prévue et punie notamment, comme élément constitutif d’infraction de délit de presse, par les articles 74 et 75 du code pénal livre 2. Pourtant, le statut particulier de la commission de discipline de l’UNPC prévoit en son article 36, point 1 et puni ce comportement, qui renvoi à l’article 74 de la loi de1996 sur la liberté de la presse. 

Entretemps, il existe des cas de jurisprudence en la matière ; la dernière en date, celui du journaliste Pero LUWARA en cavale. En mai 2022, à la suite d’une émission sur sa chaine YouTube CPLTV avait tenu des propos outrageants et désobligeants à l’encontre du chef de l’Etat.

La commission de discipline s’en était saisie d’office dans un délai très bref, l’invitant à comparaitre et présenter ses moyens. Celui opposera un refus catégorique, et la commission de discipline en date du 5 mai 2022 avait pris une sanction draconienne, celle de sa radiation et du retrait de sa carte de presse. Mutatis mutandis, la commission de discipline aurait agi de la même manière, pour le cas du journaliste Peter TSHANI.

  • Secundo, l’attentisme et la tardiveté d’action

Consécutivement à l’invitation du CSAC de Peter TSHANI, qui avait tenu ses propos ci-haut décriés dans un média dont le propriétaire est le président provincial de l’UNPC ville de Kinshasa, sa maison de presse se situe en plein centre-ville de la capitale, j’ai cité ‘’TELE 50’’. Pourtant, l’UNPC provinciale Kinshasa comprend aussi, un président de la commission provinciale de discipline et d’éthique professionnelle, avec compétence d’instruire et statuer sous forme des conclusions à transmettre au Tribunal des pairs pour décision, (articles 29-30 du statut particulier).

A notre connaissance rien de telle initiative n’a été prise pour anticiper l’action en réparation introduite auprès du CSAC par le plaignant. La réaction tardive de la commission de discipline publiée en date du 12 janvier 2023, est fondée et fondamentale, d’autant plus que l’UNPC a considérée que ses compétences auraient été usurpées par le CSAC, c’est à juste titre et avec raison, parce qu’elle est l’autorité de l’autorégulation, protectrice de l’éthique et de la déontologie, mais ici, elle est court-circuitée par la saisine du député national Lambert MENDE auprès du CSAC en lieu et place du Tribunal des pairs.

       III. Conclusion

Toutefois, s’il s’avère que les faits sont graves de violation des règles d’éthique du chef du Peter TSHANI, après l’audition du CSAC, l’autorité de l’autorégulation doit être consultée pour la prise de décision exemplaire, (article 88 règlement intérieur de CSAC) ; selon le barème de sanctions applicables par le Tribunal des pairs prévu à l’article 39 du statut particulier de la commission de discipline. Puis que, le CSAC n’a pas pour attribution de réprimander ou de sanctionner le journaliste ou professionnel des médias, plutôt les médias ou les entreprises de presse, selon les prescrits de l’article 63 de la loi-organique, car son action n’est qu’une simple convocation, pour établir des responsabilités et fautes graves, au regards des faits lui soumis par le plaignant. Après la procédure engagée par l’autorité de régulation, l’audition du journaliste. En tant qu’autorité d’autorégulation, l’UNPC récupèrera ses prérogatives, pour infliger une sanction disciplinaire au regard des faits, tel que le prévoit le statut particulier de la commission de discipline de l’éthique professionnelle. Ainsi donc, son alerte à l’endroit du CSAC est légitime et attire l’attention sur le chevauchement des compétences et attributions.   

KITIKI KIWAKA Guy Blaise

Juriste et Politologue : Chercheur et doctorant en droit. Faculté de Droit Université de Kinshasa

+243998476891/822189329 Kitikiguyblaise26@gmail.com

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