Lu pour vous:La corruption dans le milieu parlementaire en RDC, une origine lointaine….( Cleophas Kamitatu )

Palais du peuple

Loin de moi l’idée de banaliser la corruption en milieu parlementaire, surtout en cette période où le Président de la RDC veut faire de la lutte contre la corruption son cheval de bataille….mais l’actualité récente en RDC m’a poussé  à aller fouiller dans le passé …j’ai eu la chance de tomber sur un texte qui décriait  certaines habitudes repréhensibles  de nos aînés que nous chérissons tant dans nos propos  , dans son livre publié en 1973 (1), Cléophas Kamitatu, décrit ,in tempore non suspecto , certaines scènes que nous vivons une cinquantaine d’années après…

Je vous cite quelques extraits de son livre, sous réserve de droit de réponse de ses adversaires politiques de l’époque.

A la veille de la date fixée pour l’ouverture de la campagne électorale dans le pays (il s’agit ici des élections législatives de 1965) Tshombe réunit à Luluabourg (actuel Kananga) un congrès des partis politiques. Plus de quarante partis se retrouvent à ce rendez-vous pour décider de la fusion et de la constitution d’un parti gouvernemental dont Tshombe serait le secrétaire général, et qui porterait la dénomination de « convention nationale congolaise ». Il est évident, comme nous le verrons par la suite, poursuit-il, de nombreux partis et groupuscules se rendront à Luluabourg en vue de bénéficier du soutien matériel et moral de Tshombe dans l’organisation de la campagne électorale, qui, malgré tout, s’avère coûteuse. Et comme d’autre part, on sait que Tshombe n’a aucun scrupule ( je cite Kamitatu…)  , certains hommes politiques dont les fiefs sont entièrement contrôlés par les nationalistes, profitent de sa position pour faire passer leur liste électorale, sans même que les populations qu’ils représentent aient émis le moindre vote (rien n’est donc nouveau en RDC !!!) .

A ce congrès des partis, cinq grands absents :

–    Le Mouvement national congolais dont Kiwewa est président ;

–    L’Abako du président Kasa-Vubu

–    Le parti solidaire africain de Kamitatu ;

–    L’Unimo de Justin Bomboko

–    La Balubakat dirigée, après l’assassinat de Sendwe, par Evariste Kimba, dont la rupture avec Tshombe a été consommée depuis la fin de la sécession du Katanga.

Tandis que Tshombe accorde assistance et facilités aux groupuscules qui viennent de faire acte d’allégeance, il multiplie à plaisir les difficultés et ennuis aux partis qui ont refusé de se placer dans sa coupe : falsification dans les actes de dépôt de candidatures, mesures d’intimidation, actions de subversion, et j’en passe. Le seul parti épargné est celui du président de la République, contre lequel il mène une action plus souterraine, provoquant en son sein la division et l’éclatement.

Comme il fallait s’y attendre les élections dans un premier temps, donnent une victoire écrasante à Tshombe. Cependant la cour d’appel, à la suite de nombreuses irrégularités, procèdera à l’annulation des élections dans plusieurs régions du pays où les populations sont invitées à retourner aux urnes…pour l’histoire Tshombe disposera tout de même d’une majorité confortable…(ah ! comme l’histoire a tendance à se répéter…)

Suite du récit de Cleophas Kamitatu, encore plus édifiante…

Pour mieux comprendre les événements politiques qui vont se précipiter à cette époque, il est sans doute bon de faire une constatation importante :

Alors qu’en 1960, les élus se réclamaient de leurs petits partis, en 1965, en revanche la tendance dominante est la division du parlement en deux camps politiques opposés gravitant, l’un autour de Kasa-Vubu, le Front démocratique congolais (FDC) et l’autre autour de Tshombe, la Convention nationale du Congo (Conaco).

Tshombe disposait des moyens financiers puissants, le FDC n’avait pas de fonds, sauf quand de temps en temps, Mobutu intervenait pour sauver certaines situations désespérées. Kamitatu raconte une anecdote :

Quelque peu démoralisés par le déploiement des moyens financiers dont Tshombe dispose pour attirer vers lui certains parlementaires faibles, nous nous rendons, Bamba et moi, auprès du président Kasa-Vubu pour lui demander une aide financière massive en vue de combattre la Conaco à armes égales. Le président, affichant son fameux sourire, nous dit : « voulez-vous gagner la bataille ? Jésus l’a dit : la foi peut transporter des montagnes. Il vous suffit d’avoir foi dans le peuple, dans la justesse de votre cause et vous gagnerez.

–    Oui, mais les autres utilisent de très grands moyens. Joignons-nous aussi d’autres moyens à la foi, et nous serons sûrs de gagner.

–    Non, puisque l’argent est un mauvais maître, vous ne pouvez pas vous fier à lui pour gagner, luttez seulement, renforcez votre foi et vous aurez la victoire contre le mal. »

Nous voilà donc Gros-Jean comme devant. Conclut Kamitatu….

(Sacré Kasa-Vubu toujours constant contre la corruption…)

Kamitatu poursuit…on a beaucoup épilogué sur la corruption des parlementaires congolais et sur ce que Mobutu a appelé l’appât au gain des membres des chambres (…) il est certain qu’il y a des parlementaires dont le vote a été influencé non par des considérations d’ordre politique, mais plutôt pour répondre aux engagements pris contre quelques centaines ou quelques dizaines de milliers de francs reçus d’un camp ou de l’autre. J’ai été moi-même responsable du Front, et je ne cache pas que j’ai été choqué par la manie de certains parlementaires inconscients qui n’hésitent pas à vous déclarer tout de go qu’ils étaient prêts à quitter le groupe auquel ils étaient censés appartenir si on ne leur accordait pas tel ou tel avantage matériel ; ce chantage s’étendait même parfois aux privilèges les plus insignifiants….

Cela ne vous dit-il pas quelque chose ?

La corruption en RDC , en milieu politique, a certainement des racines profondes…et a peut-être encore de beaux jours devant elle sauf si la prise de conscience générale lui tord le cou…

(1)    Cleophas Kamitatu. La grande mystification du Congo-Kinshasa. Edition Complexe, avec l’accord des éditions MASPERO, 1973, Belgique.

Tonduangu Kuezina Daniel, DK

Rosoy (France), le 12/07/20219

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