Les petits métiers de Kinshasa( musique d’illustration)

Les petits métiers de Kinshasa

Tu gagneras ton pain à la sueur de ton front avait dit l’Éternel. Cette évidence est devenue en RDC une réalité bien éprouvante. La crise dans ce pays  s’est installée et est devenue comme une maladie endémique qui s’est prolongée dans le temps et dans la durée. Elle s’est implantée dans tout l’espace national tel un mal qui ronge tout un peuple.

Le travail est à la fois devenu une denrée rare et un luxe. Les rares privilégiés qui  travaillent cumulent des mois d’impaiement voire des années d’arriérés. Le salaire dans ce pays n’existe que dans la pensée des anciens. Le souvenir des fins du mois payé rappelle les années 80 lorsque les fonctionnaires de l’État percevaient leurs émoluments le 20 de chaque mois. Aujourd’hui, ceux qui travaillent ne sont ni payé ni indemnisé. Ils attendent impatiemment ce salaire qui ne vient plus, qu’ils ne voient plus, qui est plutôt devenu une promesse irréalisable de l’employeur. Les rares salariés qui l’obtiennent ne l’utilisent que l’espace d’un matin. Le salaire ne nourrit plus son homme.

Dans ce climat socio-économique sombre, le Congolais a su s’adapter grâce à l’article 15. Dans le domaine de l’informel s’est développé l’économie de la débrouille. Celle-ci a donné naissance à une multitude de petits boulots, les uns plus surréalistes que les autres. A la crise multiforme et multidimensionnelle comme le dit autrefois feu Doudou Ngafura dans un sketch, le Kinois a inventé des solutions à sa manière pour survivre au jour le jour. Face à la défaillance de l’État, il s’est pris en charge en devenant son propre patron.

Cette misère qui ne dit pas son nom est accompagnée par une baisse de moralité et une dépravation avancée des mœurs. C’est alors qu’apparaît les ujana, ces filles mineures qui ne portent ni soutien-gorge ni caleçon et qui n’aiment que des hommes âgés de la génération de leurs propres pères. Dans un autre registre, la misère a jeté dans les rues des milliers des shégés abandonnés à eux-mêmes et des kuluna qui terrorisent la population.

Face au cauchemar quotidien, le Kinois s’est distingué par sa créativité. La ville de Kinshasa s’est du coup transformé en un immense marché à ciel ouvert où les combines de tout bord (coopérations) se font et refont, les coup bas se succèdent dans la lutte pour la survie. Quelle que soit la façon dont l’argent est gagné, la débrouille est ici devenue un mode de vie, une culture même. A côté des milliers des ligablos (petites boutiques de fortune), des malewa (restaurants de fortune)  et des métiers traditionnellement anciens comme le quado (réchappeur des pneus), le cireur des chaussures, le commissionnaire de maisons, le pousse-pousseur ou kasongo, le kadhafi (vendeur d’essence au marché noir), le vendeur des journaux , d’eau ou des œufs, se sont greffés d’autres nouveaux petits boulots de l’informel créé par la crise.

Le système D bat son plein dans la capitale congolaise et fait vivre des millions des foyers et des chômeurs. Kinshasa est devenu la ville de la débrouille et de l’embrouille.

Mofuku na libenga

En vraie pourvoyeuse de métiers, la crise a jeté dans les rues de la ville des millions des Kinois à la recherche d’un petit rien pour vivre. On y trouve : le shayeur (vendeur à la criée), le bongolateur (trice) ou kwateur ou  bana kuata ou frappeur (cambiste parfois malhonnête), la mama bonheur, la mama bipupula (vendeuse de farine de manioc à même le sol), la mama kabola, la mama manœuvre (intermédiaire entre colporteur et revendeuse), le romain (porteur au beach), l’italien (vendeur des souliers ou des bijoux de contrefaçon), le wewa (conducteur de moto-taxi), le voltigeur, le fabricant des antennes, le revendeur des unités  ou crédit pour téléphone, le vernisseur, etc.

il n’y a pas de sot métier (Dindo Yogo)

La débrouillardise a sublimé l’auto-prise en charge de l’homme kinois devant la démission de l’État.

La vie est belle

Dans cette lutte pour la survie, il a su s’adapter pour ne pas mourir.  

Samuel Malonga/mbokamosika.com

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