Certes, la RDC peut engloutir le Rwanda et le Burundi, mais une telle ambition mènerait inévitablement à un chaos monumental. La résistance acharnée des deux pays, alliée à l’opposition des puissances régionales et internationales, rendrait cette conquête peu probable. Toute action militaire provoquerait condamnations, sanctions, et, sans surprise, une intervention des grandes puissances, toujours prompts à défendre leur pré carré.
Si la RDC justifiait l’invasion en invoquant la protection des populations Hutus au Rwanda et Tutsis au Burundi, elle devrait ensuite instaurer une occupation militaire, réprimer la résistance locale, et sécuriser les infrastructures clés. Mais avec une armée rongée par l’inefficacité et la corruption, contrôler ces territoires serait une mission périlleuse.
Sur le plan économique, il va sans dire que le Rwanda et le Burundi, avec leurs économies modestes et leurs ressources limitées, ne sont déjà que des prolongements de la RDC. Grâce à des manœuvres commerciales habiles – accords exclusifs, coupures d’accès aux précieux minerais ou la masse des consommateurs – la RDC a déjà tissé une dépendance structurelle. En jouant de l’asphyxie économique, en bloquant routes et ressources essentielles, Kinshasa pourrait forcer ces nations enclavées, si dépendantes des marchés internationaux, à capituler sans même avoir à tirer un coup de feu.
Mais ne nous y trompons pas, au-delà de cette prétendue « libération » des groupes marginalisés au sein du Rwanda et du Burundi, il existe une option bien plus douce, plus subtile, et surtout infiniment moins coûteuse.
Mon jardin est aussi ma terre
La RDC doit revendiquer le Rwanda et le Burundi sur des fondements historiques indiscutables. Toute démarche inverse frôle l’absurde. Cette assertion repose sur les réalités administratives et géopolitiques qui liaient ces territoires au Congo belge durant la période coloniale.
Rwanda et Burundi, intégrés à l’Afrique orientale allemande, tombèrent sous le joug belge après la Première Guerre mondiale, suite à la défaite allemande. La Société des Nations confia à la Belgique un mandat pour gouverner ces régions, qui étaient souvent considérées comme des prolongements du projet colonial belge, partageant des traits administratifs, politiques et économiques. La délivrance de cartes d’identité du Congo belge aux Rwandais et Burundais en est une illustration frappante.
Ce système d’identification s’inscrivait dans une gouvernance coloniale plus vaste, symbolisant un contrôle bureaucratique implacable. La centralisation administrative, l’exploitation économique et la supervision politique conjointe montrent que le Rwanda et le Burundi fonctionnaient comme des extensions de facto du Congo belge.
Économiquement, le Rwanda et le Burundi étaient profondément ancrés dans le Congo. Une grande partie de la main-d’œuvre du Congo provenait de ces régions, notamment pour des secteurs intensifs en main-d’œuvre comme l’exploitation minière à Katanga, tissant des liens économiques indissolubles.
De plus, la Belgique centralisa son contrôle politique depuis Bruxelles, avec une supervision significative des autorités coloniales à Léopoldville (aujourd’hui Kinshasa). Bien que le Rwanda-Urundi fût un mandat et non officiellement partie intégrante du Congo, les décisions politiques pour les deux territoires étaient souvent orchestrées au siège colonial du Congo belge.
Ainsi, l’administration coloniale et la structure de pouvoir établissaient sans équivoque le Congo comme le cœur battant de l’empire belge en Afrique, reléguant le Rwanda et le Burundi à la périphérie, devenant en quelque sorte le jardin secret de cette immense colonie.
Comment procéder
La RDC doit porter cette revendication devant les Nations Unies, arguant que sa souveraineté sur le Rwanda et le Burundi repose sur des considérations historiques, économiques et de sécurité. L’argument le plus percutant serait de souligner que l’instabilité post-coloniale du Rwanda et du Burundi, notamment le génocide rwandais et les guerres civiles burundaises, a engendré une instabilité régionale qui a débordé sur l’est du Congo, entravant non seulement le développement régional mais également l’économie mondiale.
En invoquant des concepts de sécurité régionale et la nécessité d’une stabilité accrue, la RDC pourrait faire valoir que l’absorption du Rwanda et du Burundi est essentielle pour instaurer la paix et une gouvernance efficace.
Il sera impératif que la RDC priorise des investissements structurels et intellectuels pour désorienter les tensions tribales dans ces territoires hérités de la colonisation, tout en intégrant des réformes éducatives dans sa stratégie économique globale. Cependant, il conviendrait également que la RDC procède à sa propre désintoxication tribaliste avant d’accueillir ces deux nations culturellement chargées.
Jo M. Sekimonyo
Soyez le premier à commenter