Le Congo traverse une phase critique de son histoire politique, marquée par des pratiques qui minent la démocratie et aggravent les inégalités sociales. Deux événements récents retiennent l’attention et suscitent une indignation légitime : le projet controversé de changement constitutionnel et l’utilisation abusive des fonds publics pour corrompre les soutiens nécessaires à cette initiative. Ces pratiques mettent en péril les bases fragiles de notre démocratie et creusent davantage le fossé entre les dirigeants et les citoyens. Il est urgent de remettre en question ces dérives pour donner une nouvelle chance à notre pays.
Un référendum hors budget : une décision irresponsable
Le président Félix Tshisekedi propose un référendum constitutionnel qui, de manière inquiétante, n’est même pas inscrit dans le budget national de 2025. Une telle initiative soulève plusieurs interrogations légitimes :
Comment justifier un projet aussi coûteux alors que les priorités budgétaires essentielles, telles que la santé, l’éducation et les infrastructures, demeurent sous-financées ?
Pourquoi solliciter des fonds publics pour un projet perçu comme servant des ambitions personnelles au lieu de répondre aux besoins urgents des Congolais ?
Prenons un exemple concret : selon les données du budget 2024, seulement 8 % des dépenses nationales étaient allouées au secteur de la santé, contre un minimum recommandé de 15 % par l’Organisation mondiale de la santé. Dans ce contexte, financer un référendum au coût estimé à 50 millions USD (selon des sources internes au ministère des Finances) semble irresponsable et indécent. Cette absence de planification budgétaire ne reflète pas seulement un manque de rigueur, mais aussi une déconnexion profonde entre les décideurs politiques et les réalités socio-économiques du pays.
Une corruption enracinée comme levier politique
Le recours à des pratiques douteuses pour garantir des soutiens politiques compromet les principes fondamentaux de la démocratie. Des rapports récents d’organisations telles que Transparency International indiquent que le Congo figure parmi les pays les plus corrompus, avec un indice de perception de la corruption de 19 sur 100. Cette situation a pour conséquence l’exploitation des ressources publiques à des fins personnelles.
Des enquêtes journalistiques ont révélé l’attribution discrétionnaire de fonds publics pour financer des campagnes favorables au changement constitutionnel. Ces pratiques renforcent l’idée que la politique congolaise est devenue un outil au service d’intérêts privés, plutôt qu’un levier de développement national. Les conséquences de cette corruption sont dramatiques pour la société congolaise :
1. Une érosion de la confiance du peuple envers les institutions : Les citoyens, de plus en plus désabusés, voient leurs aspirations sacrifiées sur l’autel des ambitions personnelles des dirigeants.
2. Une paralysie de la société civile et de l’opposition : Les ressources publiques détournées limitent leur capacité d’action et d’influence.
Les promesses non tenues de Félix Tshisekedi
Lors de son accession à la présidence, Félix Tshisekedi avait promis un leadership fondé sur le respect de l’État de droit et des aspirations populaires. Cinq ans plus tard, le bilan est décevant. Les réformes attendues, particulièrement dans les domaines institutionnels et économiques, n’ont pas vu le jour. L’amélioration des conditions de vie des Congolais reste une promesse non tenue.
Malgré une croissance économique modeste annoncée par la Banque mondiale à 6,1 % en 2023, les inégalités se creusent et le pouvoir d’achat s’effondre. Les grands projets d’infrastructure et les programmes sociaux restent au stade des annonces. Les citoyens, quant à eux, continuent de lutter pour un accès digne aux services de base.
Le rôle crucial de l’opposition
Face à ces dérives, l’opposition doit jouer un rôle déterminant en adoptant une double approche :
1. Mobilisation et manifestations pacifiques : L’opposition doit organiser des actions de masse pour exprimer une opposition claire au référendum constitutionnel. Les manifestations pacifiques permettront de faire entendre la voix du peuple et de marquer une opposition sans équivoque aux dérives actuelles.
2. Éducation politique du peuple : La sensibilisation des citoyens aux conséquences de leurs choix électoraux devient une priorité. Il est essentiel d’informer la population sur l’importance de demander des comptes aux dirigeants et de l’inciter à voter pour des leaders compétents et honnêtes.
L’opposition pourrait ainsi lancer une plateforme numérique pour diffuser des informations fiables, organiser des débats publics et mobiliser la diaspora congolaise pour soutenir cette cause.
Une réforme urgente de la CENI et du système électoral
La Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI) est au cœur de la crise démocratique en République Démocratique du Congo. Sa dépendance politique et son opacité renforcent les doutes sur la crédibilité des processus électoraux. Des réformes profondes sont nécessaires pour redonner confiance aux électeurs et assurer des élections libres et transparentes.
Quelques pistes pour réformer la CENI et le système électoral :
1. Nomination indépendante des membres de la CENI : À l’image de pays comme le Ghana, la CENI devrait inclure des représentants de la société civile et des experts neutres, pour garantir une gestion équitable et transparente.
2. Transparence totale des résultats : Les résultats devraient être publiés bureau par bureau pour limiter les fraudes et garantir la confiance du peuple dans le processus électoral.
3. Digitalisation des processus électoraux : L’adoption d’outils numériques, permettant de garantir une traçabilité des votes et des financements, est indispensable pour moderniser notre système électoral.
La DTC comme solution transformatrice
La Division du Travail Citoyen (DTC) apparaît comme une innovation capable de réformer en profondeur le système électoral congolais. Elle offre une alternative crédible pour maximiser l’impact du vote citoyen tout en minimisant les effets néfastes du clientélisme et de la corruption qui gangrènent nos processus démocratiques. En attribuant à chaque citoyen un rôle spécifique, en fonction de ses compétences et de ses capacités à contribuer au développement local, provincial ou national, la DTC réduit la probabilité de manipulations telles que le tristement célèbre « Chance Eloko Pamba ».
En transformant chaque bulletin en un outil précieux, la DTC redonne au peuple le pouvoir de choisir des leaders compétents et dévoués. Cette réforme, si elle est correctement mise en œuvre, pourrait mettre fin à la corruption électorale en donnant à chaque citoyen une véritable valeur de son vote, et par conséquent une responsabilisation face aux enjeux du pays.
Conclusion : Un bulletin de vote comme levier de changement
La solution à la crise congolaise ne viendra ni de l’extérieur, ni d’un messie politique. Elle repose sur la capacité des citoyens et des élites à innover, à s’organiser et à exiger des institutions fortes et transparentes. La DTC, intégrée dans une réforme globale, représente une opportunité inédite pour reconstruire la confiance entre le peuple et ses institutions.
Si nous continuons sur la voie actuelle – marquée par des manipulations électorales, des promesses non tenues et une gouvernance déconnectée – nous risquons de perpétuer l’instabilité et l’appauvrissement. Mais si nous saisissons cette chance de réinventer notre démocratie, chaque vote deviendra un véritable acte de transformation.
Chaque citoyen, en votant en conscience et avec conviction, contribue à poser une pierre sur l’édifice d’un Congo nouveau. Notre avenir collectif dépend de la capacité de chacun à faire de son vote un outil de changement réel et durable. Ensemble, construisons un Congo où le bulletin de vote devient une arme pacifique mais puissante pour façonner un meilleur avenir.
Cyrille LUDUNGE BAGENDA BANGA