Le paradoxe des Kuluna – Une jeunesse sacrifiée par l’État(une tribune deCyrille LUDUNGE BAGENDA BANGA)

 

La décision récente du gouvernement congolais, sous l’impulsion du ministre de la Justice, Mutamba, d’envisager des exécutions pour les jeunes qualifiés de Kuluna (délinquants), marque une étape inquiétante dans la gestion de la crise de la délinquance juvénile en RDC. Plutôt que d’adresser les causes profondes de ce fléau, cette approche répressive reflète un aveu d’échec flagrant de l’État à protéger et à valoriser sa jeunesse.

Il est facile de sortir un jeune du ghetto, mais sortir le ghetto de son esprit est une autre affaire. Ces Kuluna, souvent décrits comme une menace, ne sont pas nés violents ou délinquants. Ils sont le produit d’une société déchirée par des décennies de mal-gouvernance, marquée par l’effondrement des systèmes éducatif et social, et une pauvreté endémique qui condamne des millions de jeunes à l’errance et au désespoir. Ces gangs émergent principalement dans les quartiers marginalisés, là où l’État est absent, et où le quotidien est une lutte pour la survie.

Des origines multiples, un destin tragique

Les Kuluna sont le visage d’une tragédie nationale. Certains d’entre eux ont été jetés à la rue par leurs propres familles, accusés de sorcellerie, un fléau social qui continue de hanter la RDC. Livrés à eux-mêmes, ces enfants ont dû apprendre à survivre sans le moindre soutien, dans des environnements où la loi du plus fort règne. D’autres, issus de familles extrêmement pauvres, se sont retrouvés aspirés dans un cycle de violence, faute d’opportunités éducatives ou économiques.

Des tentatives comme l’envoi de jeunes à Kanyama Kasese pour cultiver du maïs se sont révélées largement inefficaces. Plutôt que d’offrir des perspectives, ces mesures ont été perçues comme punitives et humiliantes. Peut-on réellement réinsérer un jeune sans lui donner une vision claire d’un avenir meilleur ?

Une solution répressive qui aggrave le problème

Aujourd’hui, la situation atteint un point critique. Plutôt que de réformer les structures défaillantes, le gouvernement s’engage dans une voie périlleuse : la peine de mort. Une telle décision soulève des questions éthiques et pratiques majeures. Combien d’innocents seront étiquetés Kuluna et exécutés sans procès équitable ? Ces jeunes, souvent victimes d’un système qui les a abandonnés, méritent-ils d’être traités comme des criminels irrécupérables ?

Une société qui condamne à mort ses propres enfants témoigne non seulement de son échec, mais aussi de son incapacité à se projeter dans l’avenir. La répression brutale n’est pas une solution durable ; elle alimente le ressentiment et perpétue un cycle de violence.

Des alternatives existent

Les expériences d’autres pays montrent qu’il est possible de rompre ce cycle. Plutôt que de stigmatiser, des programmes basés sur l’éducation, la réhabilitation et l’intégration sociale peuvent transformer ces jeunes en acteurs positifs du changement. Pourquoi ne pas investir dans :

Des centres de formation professionnelle qui leur offrent des compétences concrètes et valorisantes.

Des programmes de mentorat pour reconstruire leur confiance en eux.

Des services de soutien psychologique pour les aider à surmonter leurs traumatismes.

Ces solutions, bien que demandant des efforts conséquents, sont les seules à même de garantir un avenir à la jeunesse congolaise.

La responsabilité politique

Le ministre de la Justice, Mutamba, sera un jour confronté à ses responsabilités, que ce soit devant l’histoire ou devant des institutions internationales. Mais la question la plus pressante demeure : combien de temps encore allons-nous tolérer que l’État détourne les yeux des vraies causes de la délinquance juvénile ?

La jeunesse de la RDC est sa plus grande richesse, mais elle est aujourd’hui traitée comme un fardeau. Si elle est laissée à l’abandon, privée d’opportunités et de perspectives, elle se transformera inévitablement en une bombe à retardement. Il est temps que l’État cesse de punir sans comprendre, et qu’il mette en œuvre des politiques qui redonnent à cette jeunesse l’espoir d’un avenir meilleur.

CLBB

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