LA POLITIQUE ÉTRANGÈRE DES ÉTATS-UNIS À L’AUNE DU TRUMPISME

En prélude à l’élection présidentielle de 2016 qui allait l’opposer à la candidate démocrate Hillary Clinton, le candidat Donald TRUMP, parlant de la gestion des relations internationales des États-Unis par l’administration Obama, avait déclaré ceci : “Notre politique étrangère est un désastre total !”. Pour étayer son propos, Donald TRUMP avait énuméré une série “d’humiliations” subies, de son point de vue, par son pays. La politique étrangère des États-Unis vue à travers le prisme de Donald TRUMP se résumait à l’époque par l’importance de la souveraineté nationale, la volonté de déconstruire l’héritage de Barack Obama et – à l’instar du Général de Gaulle -, une certaine méfiance vis-à-vis des organisations multilatérales. De fait, au “YES WE CAN!” de Barack Obama, Donald Trumprépondait par “AMERICA FIRST!”.

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Il y a en fait chez Donald TRUMP, qui appréhende la politique étrangère comme un businessman surveille les différentes incidences sur les marchés financiers, une constante qui fonde, selon moi, sa politique étrangère : le respect dû aux États-Unis d’Amérique, notamment par ses alliés au sein de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord. Le trumpisme pourrait donc se définir comme un modèle idéologique dans lequel prévaut l’exaltation de la souveraineté nationale, la réaffirmation de l’hégémonie militaire et économique des États-Unis et la reconnaissance de celle-ci par tous  comme marque de respect au regard de l’importance que joue le dollar américain dans l’économie mondiale.

De fait, le trumpisme trouve sa principale source d’inspiration dans les confins du conservatisme américain, là où sourde une volonté permanente de perpétuer la tradition, de magnifier Dieu et la bannière étoilée, de bannir le communisme qualifiée de doctrine de l’échec, de transcender l’idéal du libéralisme économique tout en reconnaissant le droit au citoyen de porter une arme pour sa propre défense et pour la défense de la mère-patrie. Cette exhumation permanente des canons du conservatisme américain est au cœur de l’idéologie trumpiste et transpire dans la majeure partie de ses interventions et de ses décisions.

Enfin, le trumpisme c’est aussi la désignation – de manière quasi infaillible et épidermique – de la Chine comme le seul réel rival des États-Unis dans le monde, en insistant sur la multiplicité des domaines dans lesquels joue cette rivalité : militaire, économique, technologique, politique et culturel. La priorité donnée à cette rivalité est d’autant plus importante qu’elle constitue un des rares éléments de consensus entre Républicains et Démocrates.

DE L’ADMINISTRATION TRUMP ET DE L’AFRIQUE

Parler de la rivalité entre les États-Unis et la Chine permet de faire aisément le lien avec la vision de l’administration Trump en matière de politique étrangère des États-Unis relativement à l’Afrique.

Pour l’administration Trump, les relations avec l’Afrique doivent essentiellement consister à :

Tirer parti du potentiel de la jeunesse africaine en tant que force d’ingéniosité et de prospérité.
Travailler avec les gouvernements africains pour créer un contexte équitable pour les entreprises américaines et encourager ces mêmes entreprises à faire des affaires en Afrique.
Promouvoir la paix et la sécurité par le biais de partenariats avec les gouvernements africains et de mécanismes régionaux.
Contrer le discours de la Chine et montrer clairement que l’ampleur et la profondeur de l’engagement des États-Unis en Afrique sont incomparables.

C’est donc dans l’optique de créer un partenariat “gagnant-gagnant” entre les entreprises américaines et les gouvernements africains que la compagnie américaine General Electric (GE) avait annoncé un investissement de plusieurs milliards de dollars dans l’énergie hydroélectrique et gazière de la RD Congo, ainsi que dans les soins de santé dans la foulée de l’élection de Donald Trump en 2016.

Malgré cette bonne volonté affichée par l’administration Trump de collaborer avec les États africains, force est de reconnaître que ce que l’africain moyen retient du premier passage à la Maison-Blanche de Donald Trump c’est d’avoir limité l’immigration africaine vers les États-Unis, d’avoir réduits certains financements de programme de développement dédiés à l’Afrique voire tout simplement d’avoir “ignoré” le continent africain ou d’avoir fait expulser des africains du territoire américain.

S’agissant de la République Démocratique du Congo, en particulier, il faudrait absolument consolider les acquis des investissements réalisés par les États-Unis – sous l’administration Biden – dans le corridor de Lobito, cette ligne de chemin de fer traversant l’Angola, la RD Congo et la Zambie et dont la finalité est le transport des matières premières essentielles vers l’ouest pour leur évacuation par l’océan.

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Par ailleurs, dans un communiqué du 11 octobre 2024, le gouvernement de la  RD Congo, par la voie de son Ministre chargé des Hydrocarbures, a annoncé l’annulation du processus d’appel d’offres des 27 blocs pétroliers qui  se répartissent dans les trois principaux bassins sédimentaires de la RD Congo à savoir : le Bassin Côtier, le Bassin de la Cuvette Centrale,  les Bassins de la Branche Ouest du Rift Est-africain. Et de poursuivre dans le même communiqué, en faisant état de la mise en place d’un mécanisme pour relancer incessamment ladite procédure. Ce sont donc là de vraies opportunités pour solliciter le savoir-faire des compagnies américaines dont la plupart disposent des technologies adaptées et respectueuses de l’environnement.

Dans l’approche à avoir avec Donald TRUMP, il ne faut jamais perdre de vue que l’on s’adresse à un Président de la République, mais, également, à un Chief Executive Officer. Dès lors, les notions de “profitabilité”, “de gains de compétitivité”, voire de “gains de parts de marchés” ou “de marges bénéficiaires” sont des notions auxquelles il est extrêmement sensible. Le discours consiste donc à proposer comme réponse à son “AMERICA FIRST!” : “AMERICAN COMPANIES ARE WELCOME IN DRC!

Même si, lors de sa défunte campagne électorale, il s’est engagé à mettre en place un droit de douane universel de 10 % sur tous les produits fabriqués à l’étranger – mesure qui rendrait les produits importés plus chers, et qui pénaliserait fortement les exportateurs africains qui seraient donc susceptibles de vendre moins de leurs produits sur le grand marché américain – il faut aller vers Donald Trump quitte à utiliser les canaux de l’évangélisme conservateur américain qui mènent directement à lui…

QUID DU CONFLIT DANS LA RÉGION DES GRANDS LACS ?

Lors de son premier mandat (2016-2020), Donald Trump – plus que jamais coulé dans le moule de sa doctrine “AMERICA FIRST!” c’est-à-dire de permettre aux entreprises américaines de pouvoir faire du business aisément – avait voulu supprimer la disposition 1502 de la loi Dodd-Frank, qui impose à près de 1 200 sociétés cotées en bourse aux États-Unis d’informer la Securities and Exchange Commission (SEC) – le gendarme de Wall Street – de leur utilisation des matières premières extraites dans la région africaine des Grands lacs.

La diplomatie étant l’art et la manière de conduire les relations internationales tant au plan bilatéral que multilatéral, l’approche consiste ici à relâcher la pression exercée actuellement sur les sociétés américaines accusées d’utiliser les minerais du sang pour engranger des gains politiques auprès de l’administration Trump. Inviter lesdites entreprises américaines à traiter directement avec le Gouvernement congolais dans l’optique d’un partenariat gagnant-gagnant. Les États n’ayant que des intérêts, sauvegarder les intérêts des États-Unis dans la Région des Grands Lacs, profiterait à la RD Congo qui doit s’imposer comme partenaire incontournable en raison du coffre-fort naturel que renferme son sous-sol.

De la même manière, étant donné que sur le plan politique, la diplomatie de la sous-traitance a montré ses limites, que les victimes continuent à s’amonceler – dans l’indifférence quasi générale et dans le silence assourdissant des officines de défense des droits de l’homme – dans les territoires occupés de l’Est de la RD Congo, le retour de Donald Trump à la présidence des États-Unis, doit servir à jeter les bases d’une nouvelle dynamique. Et l’enjeu de l’approvisionnement en minerais stratégiques et/ou critiques doit être la clé de voûte de cette nouvelle approche. En d’autres termes, il faut proposer aux États-Unis l’accès privilégié à nos minerais en échange de la garantie d’une paix durable dans l’Est du pays corrélativementau retrait de toutes les troupes étrangères présentes sur le sol congolais, à l’exception notable de celles des Nations-Unies, qui superviseraient ce retrait selon un calendrier convenu entre les différentes parties au conflit sur l’initiative des États-Unis.

Si le Président Donald Trump veut réellement contrer le discours de la Chine et montrer clairement que l’ampleur et la profondeur de l’engagement des États-Unis en Afrique sont incomparables, la RD Congo est sans doute le meilleur théâtre des opérations pour écrire un tel scénario…

L’on dit souvent que la diplomatie sans les armes, c’est comme la musique sans instruments, mais, chanter en à cappella l’hymne de la paix est un plaisir pour tout mélomane et lorsque les armes se seront définitivement tues à l’Est de la RD Congo, la diplomatie sans les armes fera entendre, sans fausse note aucune, toute la beauté de sa symphonie…

Roger Nzau

Kinshasa, RD Congo

Le 07 novembre 2024

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