La guerre en Ukraine affame l’Afrique

 Une boulangerie à Sidon, au Liban, en août 2021© M. Zayyat/AFP Une boulangerie à Sidon, au Liban, en août 2021

Fortement dépendants des importations de blé venant de Russie et d’Ukraine, de nombreux pays arabes et subsahariens se retrouvent dans une situation économique et politique explosive.

Kristalina Georgieva, la directrice générale du Fonds monétaire international, l’a déploré le 13 mars: « La guerre en Ukraine signifie la faim en Afrique. » Première source de calories, le pain y est une question politique explosive. En 1977, le président égyptien Anouar el-Sadate avait tenté de supprimer les très coûteuses subventions qui permettaient de payer le pain un dixième de son coût. Les émeutes qui ont suivi l’ont fait revenir sur sa décision. La hausse des prix de la nourriture en 2008 et 2009 a contribué à l’émergence des printemps arabes.

A Rabat, capitale du Maroc, la police anti-émeutes est déjà déployée dans les rues. « Ces hausses ont toujours provoqué des émeutes en Afrique du Nord » , rappelle le journaliste marocain Amin Rboub. De nombreux régimes arabes et africains ont donc refusé de prendre parti dans le conflit Russie-Ukraine.Les exportations depuis la mer Noire sont à l\'arrêt. Or l\'Egypte est le plus gros importateur mondial, à qui la Russie et l\'Ukraine fournissent 86% de son blé.© Fournis par Challenges Les exportations depuis la mer Noire sont à l\’arrêt. Or l\’Egypte est le plus gros importateur mondial, à qui la Russie et l\’Ukraine fournissent 86% de son blé.

Les exportations depuis la mer Noire sont à l’arrêt. Or l’Egypte est le plus gros importateur mondial, à qui la Russie et l’Ukraine fournissent 86% de son blé.

Mais cela ne les empêchera pas d’en subir les conséquences. Exemple: le blé, dont la Russie et l’Ukraine sont respectivement les premier et cinquième exportateurs mondiaux. Les exportations depuis la mer Noire sont à l’arrêt. Or l’Egypte est le plus gros importateur mondial, à qui la Russie et l’Ukraine fournissent habituellement 86% de son blé. La pénurie pourrait alourdir le budget des importations égyptiennes d’au moins 1,5 milliard de dollars, soit 0,4% de son PIB. En Tunisie, la ministre du Commerce, Fadhila Rebhi, a fait savoir que la baguette subventionnée vendue 190 millimes (6 centimes d’euro) coûte désormais 420 millimes à produire. Au Liban, plongé dans une crise sévère, le prix d’un sac de galettes de blé a déjà augmenté de plus de 400% en deux ans.

La baisse des exportations de maïs pourrait aussi affecter l’Egypte, qui importe d’Ukraine 26% de ses besoins. La hausse du prix de cette céréale utilisée pour nourrir le bétail pourrait y faire grimper les prix de la viande, ainsi que celui de la bouillie de maïs, principal aliment d’Afrique méridionale.

Urbains et ruraux touchés

L’Ukraine est aussi le premier exportateur d’huile de tournesol. Le gérant d’une conserverie au Sahara occidental indique que les prix de cette huile et de l’aluminium qu’il utilise pour mettre ses sardines en conserve ont augmenté de 40% en une semaine. En Afrique subsaharienne, le Ghana et le Kenya seront les premiers touchés par la hausse du blé – qui représente environ le tiers des céréales consommées -, et le Nigeria, où les familles urbaines pauvres consomment énormément de nouilles instantanées. La hausse des prix des aliments touche essentiellement ces personnes, qui n’ont pas la possibilité de faire pousser leurs légumes, mais aussi les ruraux. Le coût de l’ammoniaque, composant des engrais, a bondi de 260% en un an. La baisse des exportations russes et biélorusses pourrait le faire encore grimper. Depuis des années, les autocrates arabes ont cherché à renforcer leurs liens avec la Russie. Aujourd’hui, ces mêmes autocrates doivent faire face à des budgets impossibles à boucler et à des citoyens en colère. Merci monsieur Poutine!

The Economist

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