Depuis l’arrivée du nouveau gouverneur à la tête de la ville-province, la gestion de Kinshasa a pris un tournant radical. Là où certains ont préféré détourner le regard du chaos urbain, lui a choisi de l’affronter sans détour. Son credo, non déclaré mais perceptible dans les actes : « Savoir démolir pour bien reconstruire. »
Dans cette capitale tentaculaire, marquée par une urbanisation incontrôlée, des constructions anarchiques et des zones habitées sans aucune viabilisation, cette approche ne relève pas du simple slogan. C’est une nécessité brute. Accaparement de terrains publics, obstruction des servitudes, maisons bâties sur des lits de rivières : Kinshasa paie le prix d’une longue improvisation spatiale.
Les bulldozers sont désormais à l’œuvre. Des quartiers entiers sont rasés, parfois en une nuit. Si certains saluent une volonté politique assumée, d’autres s’interrogent : démolir, oui… mais pour reconstruire quoi ? Et pour qui ?
Dans une ville marquée par de profondes inégalités, ce sont souvent les plus vulnérables qui voient leurs habitations disparaître — sans relogement, sans explication, parfois sans égard. La peur de l’arbitraire grandit. Et avec elle, la colère. Les Kinois ne s’opposent pas à l’ordre, mais réclament une justice urbaine cohérente, prévisible, équitable.
La légitimité de toute politique de reconstruction repose sur un principe fondamental : la transparence. Où va-t-on construire ? Pour qui ? Et selon quel plan ? La crédibilité de cette gouvernance urbaine dépend de sa capacité à allier réforme et respect des droits fondamentaux.
Car Kinshasa ne souffre pas seulement d’un déficit d’ordre : elle souffre d’un manque de vision. Routes effondrées, réseaux d’assainissement inexistants, quartiers surgis hors de tout contrôle… Le vrai défi n’est pas la démolition, mais la refondation.
Le gouverneur a engagé un bras de fer avec un monstre urbain. Ce combat pourrait redonner espoir à une ville au bord de l’asphyxie — à condition que la pelle mécanique ne serve pas seulement à effacer le passé, mais à construire un avenir plus digne pour tous les Kinois.
La Rédaction