L’annonce de l’interception, le lundi 30 juin 2025, d’un aéronef non identifié par les Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) dans la région de Minembwe, au Sud-Kivu, relance le débat sur les flux aériens dans les zones de conflit, leur traçabilité et les complicités supposées derrière certains vols obscurs. Un appareil sans immatriculation, dans un espace aérien aussi sensible, cela n’est pas nouveau. Ce qui étonne, c’est qu’il ait été repéré et cette fois, intercepté.
Un ciel longtemps poreux
Depuis plusieurs années, des avions non identifiés, souvent sans immatriculation apparente, atterrissent ou survolent les zones instables de l’Est congolais, notamment Ituri, Rutshuru ou Minembwe, sans être inquiétés. Ces vols discrets, généralement nocturnes, sont soupçonnés de ravitailler des groupes armés, transporter des ressources minières ou du matériel militaire. Pourtant, aucune interception n’avait jusqu’ici été officiellement rapportée. Pourquoi alors cet appareil a-t-il été neutralisé précisément aujourd’hui ? Et surtout, comment ?
La main invisible de Washington ?
Plusieurs sources sécuritaires, sous anonymat, évoquent une possible collaboration entre les FARDC et des partenaires étrangers, notamment les États-Unis, dont les moyens de surveillance aérienne et satellitaire dans la région sont bien connus. Washington, qui a récemment renforcé sa coopération sécuritaire avec Kinshasa, serait-il intervenu discrètement pour aider à détecter cet aéronef ? La question se pose, d’autant que la RDC semble soudain disposer de capacités de détection jusque-là absentes.
Une source diplomatique occidentale, évoque une « amélioration dans le partage de renseignements » entre la RDC et ses partenaires occidentaux, notamment en lien avec les activités suspectes dans les zones frontalières avec le Rwanda et l’Ouganda.
Une opération aux contours flous
Le communiqué des FARDC reste laconique sur la suite donnée à cette interception : l’appareil a-t-il été contraint d’atterrir ? Son équipage a-t-il été appréhendé ? Que contenait-il ? Rien ne filtre. Seule certitude : il ne portait « aucune immatriculation », une violation grave des normes de l’aviation civile internationale.
Mais cette version officielle est contestée. Le M23 accuse les FARDC d’avoir ciblé un avion humanitaire destiné à acheminer de l’aide aux civils. Une allégation que l’armée rejette catégoriquement, mais qui attise les tensions déjà explosives dans cette région, où les frontières entre actions humanitaires, opérations militaires et manœuvres clandestines sont souvent floues.
Une affaire symptomatique
Au-delà de cette affaire, c’est l’opacité persistante autour des mouvements aériens dans l’Est congolais qui est remise en lumière. Comment expliquer qu’un territoire aussi stratégique ait, pendant des années, été survolé par des appareils fantômes sans réaction étatique ? Et surtout, faut-il y voir un tournant sécuritaire, un signal que Kinshasa entend désormais serrer la vis avec, peut-être, un soutien international plus direct que ne le laissent entendre les communiqués officiels ?
L’interception de Minembwe pourrait marquer un avant et un après. Mais pour cela, encore faut-il que toute la lumière soit faite sur la nature exacte de l’aéronef et sur ceux qui l’ont autorisé ou laissé à voler au-dessus d’une zone déjà trop longtemps livrée aux silences du ciel.
Glad NGANGA