« Eloigne-toi du mal et fais le bien ; recherche la paix et poursuis-la » (Ps 34, 14)
Mes chers Diocésains, chers frères et sœurs,
Uviroises et Uvirois,
0. « Paix à vous » (Jn 20, 26). Je viens vous adresser ce message en cette situation difficile pour lancer un appel pressant au respect de la vie des personnes et de leurs biens, à ceux et celles qui sont impliquées dans ce conflit armé.
1. A Uvira, depuis plus d’une semaine, alors que la guerre proprement dite n’est pas encore arrivée, nous vivons une situation traumatisante avec le crépitement des balles partout nuits et jours partout ; le pillage systématique avec violence voire tuerie, dans des maisons familiales, les couvents des prêtres, des religieux et religieuses des commerces, etc. Tous les services, banques, pharmacies, centres de santé, marchés, kiosques de change des monnaies, des opérations téléphoniques, etc., sont fermés. Presque toutes les autorités politicoadministratives et celles de l’armée, de la police et une bonne partie de la population ayant fui vers le Burundi voisin, ou à Kalemie, voire en Tanzanie, le reste d’habitants terrés dans leurs maisons sont livrées au vandalisme de la part des hommes en arme, faux et vrais militaires en désertion des fronts et d’autres miliciens non autrement identifiés. Sans marché ni des provisions à la maison, dont la majorité de la population meurtrie vit du jour au jour ; sans service de transport, sans eau et électricité pour beaucoup.
2. Aussi, je lance ce cri d’alerte et de larme. A nos soldats, les FARDC, les Wazalendo et les éléments de M23/AFC à ne pas oublier la cause de leur combat qui est, à ce qu’il semble, la défense du pays et du peuple pour les uns, et la libération de ceux-ci pour les autres. Un vrai soldat doit toujours savoir non pas nécessairement pour qui, mais absolument pourquoi il se bat, pourquoi il est prêt à verser son sang. C’est le sens que nous devons donner au cri de ralliement « la patrie ou la mort », qui va au-delà de l’allégeance à des hommes et des régimes politiques. Les causes pour lesquelles vous vous battez les uns contre les autres, quoique différentes, vous exigent, donc tous à sauvegarder avant tout les vies de vos frères et sœurs et leurs biens, ainsi que l’intégrité du territoire national. C’est ce qui donne crédit à la cause que les uns et les autres vous prétendez défendre. Dans ce sens, les combats que se livrent ces derniers temps à Uvira et dans la plaine de Ruzizi, les
FARDC et les Wazalendo, censés se battre pour la même cause, n’est pas de nature à rassurer
I, Q. Nyamianda- B.P. 18 Uvira, Congo- C/ 0 645 Bujumbura-Burundi,
999936043 ; E-mail : [email protected]
no ur sécurité. Déjà on compte plus de 20 morts dans la ville d’Uvira, certains paàes balles perdùes, d’autres visés directement, voire par machette.
3. « Eloigne-toi du mal et fais le bien ; recherche la paix et poursuis-la », nous dit le Psalmiste (34, 14). Dans n’importe quelle guerre, il existe une morale militaire et un droit naturel, fondés sur trois interdits fondamentaux, qu’on trouve chez tous les peuples et même dans la Bible : 1 0 Ne pas tuer ; c’est le 5e commandement : « Tu ne tueras pas » (Ex 20, 13). Mais, pire que tuer, c’est massacrer. 20 Ne pas commettre d’adultère, c’est le 6e commandement : « Tu ne commettras d’adultère » (Ex 20, 14 ; Dt 5, 17). Mais, pire que commettre l’adultère, c’est violer. 3 0 Ne pas voler ; c’est le T commandement : « Tu ne voleras pas » (Ex 20, 15 ; Dt 5, 19). Mais, pire que voler, c’est piller. Même dans nos traditions africaines et bien sûr dans celles de beaucoup d’autres peuples aussi, le soldat, le guerrier qui va au front s’interdisait de tuer l’ innocent, de toucher à la femme ou la fille et aux biens d’ autrui, de peur de tomber sous le coup de la première balle.
4. C’est dès lors l’occasion pour moi de relayer les deux déclarations faites par le Baraza intercommunautaire, regroupant tous les leaders de différentes communautés que compte la ville d’Uvira et le Collectif des sociétés civiles — dont l’Eglise fait partie — ainsi que la Fédérations des Entrepreneurs du Congo (FEC) d’Uvira. En effet, considérant la situation de notre ville d’Uvira encastrée entre le lac Tanganyika et les montagnes, ce qui n’offre pas à nos populations, surtout les femmes, les enfants, les malades, les personnes âgées et celles vivant avec handicap, beaucoup d’ issues de secours, nous exhortons nos frères et sœurs soldats quelles que soient le camp politique ou le groupe armé d’épargner à nos populations le carnage, le bain de sang et les pillages. Plus de 30 ans, sans ne pas penser aux tristes événements des années 60, dont nos bienheureux Abbé Joubert et ses compagnons ont été victimes, la ville d’Uvira et tout le Sud-Kivu a déjà versé beaucoup de sang pour qu’on continue d’en ajouter. Ce qui a aussi fragilisé tout notre tissu économique, jadis prospère.
5. Nous en appelons aussi à la sagesse et à la solidarité de toutes nos communautés, en nous exhortant de veiller à la paix sociale en s’interdisant toute parole, tout geste et tout comportement de stigmatisation et de haine envers les autres. Comme nous le chantons dans notre hymne national « unis par le sort », désormais plus que par le sort, nous sommes unis par le destin. Nous devons en prendre plus conscience en ce temps de guerre.
6. A la population d’Uvira et d’ailleurs dans le Diocèse, notamment celles habitant aux abords des routes nationales no 2 et no 5, je vous appelle à la prudence et à la vigilance. Respectons les consignes de sécurités là où elles ont été données comme ici à Uvira, où l’on est soumis au couvre-feu à partir de 21h. Interdisons-nous, surtout à nous enfants, des sorties
l, Q. Nyamianda- B.P. 18 Uvira, Congo- C/ 0 645 Bujumbura-Burundi,
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inu jeunes, munissez-vous toujours de vos pièces d’identité, lorsque vous sortèi et répondez sagement aux agents de l’ordre lorsque vous êtes interpelés. Quant aux agents de l’ordre, et particulièrement à ce que nous appelons Balalarondo (ceux qui veillent à la sécurité la nuit dans nos quartiers), n’exaspérez personne, mais faites votre travail dans la sérénité. Nous remercions, félicitons et encourageons les quelques autorités de la ville restées sur place, et avec elles, le Service d’intervention des FARDC qui, via quelques numéros de téléphones rendus publiques, vient au secours de la population, nuits et jours.
7. En cas de graves situations, nous demandons aux prêtres de chercher l’asile chez les fidèles, sans abandonner l’ensemble de peuple de Dieu. Aux fidèles chrétiens à veiller à la survie de leurs pasteurs, et aux jeunes en particulier, à la sécurité de leurs paroisses. Enfin, à nous tous, prêtres, pasteurs, frères et sœurs musulmans, etc., le temps de guerre est celui de prier Dieu pour la conversion des cœurs des hommes, surtout ceux de nos décideurs politiques, pour plus de paix qui commence dans le cœur de chacun. Puisse nos prédications s’orienter plus dans cet appel à la conversion des cœurs pour la paix.
8. Dans ce sens, je nous exhorte tous à adhérer au « Pacte social pour la paix » que la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO) et l’Eglise du Christ au Congo (ECC) ont élaboré et d’accompagner de nos prières les démarches qu’elles mènent pour trouver les voies des sorties de cette crise, lesquelles voies passent nécessairement par le dialogue et la négociation entre les Congolais, au risque de cautionner le plan de la balkanisation de notre pays. L’on peut comprendre ceux/celles qui refusent absolument cette voie, mais quelle autre alternative nous offrent-ils face à l’incurie de notre armée et de notre diplomatie, ainsi que l’indifférence si pas l’hypocrisie de la Communauté internationale ?
9. Là aussi la sagesse des écritures peut nous éclairer, comme lorsque Jésus invoque l’exemple de ce roi qui veut aller en guerre contre un autre et qui commence par s’asseoir pour voir s’il peut, avec dix mille hommes, affronter l’autre qui vient devant lui avec vingt mille. S’il voit qu’il ne peut pas, il envoie, pendant que l’autre est encore loin, une délégation pour demander les conditions de la paix (cf. LC 14, 31-32). C’est la voie de la sagesse, de l’humilité qui sauve, plutôt que l’orgueil, l’arrogance sans aucun moyen de ses actions.
10. Aux uns et aux autres, je demande de ne pas trop paniquer. En cette Année Sainte et Jubilaire, placée sous le signe de l’espérance, laissons-nous entre les mains de Dieu. Puisse la Vierge Marie, notre Dame de la paix, intercéder pour nous tous auprès de son Fils, notre Seigneur.