Evocation : le cyclone Evoloko et la révolution de la rumba

Evoloko Joker sur l’avenue de la Libération, Ex. 24 Novembre

Le musicien kinois Evoloko aujourd’hui en retrait des estrades est un de ses hommes au destin hors de commun. Bénéficiaires de la grâce divine, ces hommes prédestinés descendent de temps en temps sur terre, pour un laps de temps, montrer la voie à la multitude dans un domaine d’activité que le Maître des cieux leur a prescrit.  Ce sont des météores. Au temps de sa grâce, Antoine Evoloko  survola à la vitesse d’un météore la scène musicale congolaise qu’il révolutionna à tout jamais. Il était alors populairement connu sous diverses appellations : Evoloko Anto, Evoloko Lay Lay, Evoloko Lay Ngoy, Evoloko Joker, Evoloko Atshuamo, Evoloko Koumou… A tout seigneur, tout honneur !

Au commencement des années 70, Pascal Tabou, le seigneur Rochereau qui deviendra bientôt le seigneur Ley avait déjà pris une sérieuse longueur d’avance sur ses éventuels concurrents sortis de l’école musicale de Kallé Jeff. Au terme d’un mûrissement interne, il s’était défait du manteau de la mélancolie qui recouvrait plusieurs de ses succès des années 60. Sa voix naguère efféminée avait retrouvé des accents virils. Sa posture scénique avait aussi changé : statique au départ, Tabou Ley était devenu un show man au jeu de pied déroutant. .Au sommet de son art, et en butte à des persécutions politiciennes, l’homme s’auto proclama un jour « Mokitani ya Wendo », c’est-à-dire le successeur de Wendo dont la mort serait une perte incommensurable pour la cause musicale. Il était, en effet, à cette époque, le leader incontesté de la rumba jouée sur les deux rives du Congo.

Toutefois, cette rumba dite tranquille malgré tout le talent de son artiste, tout comme la rumba jouée par Franco et son groupe, le Tout-Puissant OK Jazz était devenue, pour les jeunes nés dans les années 50, une borne dont il fallait lever l’équivoque.

Le coup de semonce de la future révolution viendra justement des gamins, des jeunes gens dont l’âge moyen tournait autour de 16 ans, collégiens et lycéens. Aujourd’hui encore, l’audition d’une chanson telle que « La Tout Neige » de Nyoka Longo produite à cette époque   révèle des voix juvéniles, innocentes chantant un amour innocent. L’innocence, la jeunesse, ses espoirs et ses amours devraient bientôt s’insurger et prendre le devant de la scène. Comme dans toute véritable révolution, les hommes et les choses se mirent en place pour impulser le changement. Il n’y a pas de révolution sans structure révolutionnaire. Zaîko Langa-Langa, l’orchestre formé par Nyoka Longo et compères en décembre 1969 entrait en scène à point nommé courant les premières années de la décennie 70. Dans ce groupe, un jeune homme du nom de Manuaku Waku encore appelé Pépé Felly d’origine angolaise se révèlera comme un génie de la guitare. Son leader instrumental était si nouveau dans tous les termes de ce mot qu’il bouleversera à jamais le jeu de la guitare solo sur les rives du Congo. Au niveau des instruments, le jeu du drummer Meridjo Belobi tranchait aussi avec la façon de jouer de ses prédécesseurs.

Pour se démarquer de la voie tracée par Tabou Ley, Franco et autres, il fallait plus que des guitaristes et drummers de génie. Parallélisme de forme oblige et, tout proportion gardée, à la rumba tranquille et ses ténors, il fallait opposer une autre rumba et d’autres ténors. C’est ici qu’Evoloko et ses amis entrèrent  en scène.

Une retraire méritée

Evoloko Anto, Shungu Wembadio, Gina Efonge, Mavuela Somo, et Nyoka Longo constituaient la ligne des chanteurs de Zaïko langa-Langa. Evoloko deviendra rapidement la figure emblématique du groupe. Sa chanson « Onassis ya Zaïre » peut être considérée comme le point de départ d’un nouveau style musical en termes d’orchestration et de lead vocal. Le tube « Eluzam » emblème de cette époque projeta aux yeux du public, un jeune chanteur doué d’un fabuleux jeu de scène. Coqueluche des Kinois et des Brazzavillois, le leader de Zaïko était selon les chroniqueurs de « Likembé », « le garçon qui fait courir toutes les filles de Kinshasa ». Sur télé Zaïre, aux variétés de samedi soir, et de dimanche matin, voir Evoloko danser était plus qu’un plaisir, une immense sensation, l’illusion de marcher dans l’espace.

Shungu Wembadio deviendra plus tard Papa Wemba d’une résilience musicale à toute épreuve. Gina Efonge, d’une beauté angélique presque féminine sera le grand poète dont des stars comme Koffi Olomidé et Félix Wazekwa  imiteront le style vocal. Nyoka Longo, tout aussi résilient comme le fut Shungu Wembadio est aujourd’hui le grand témoin de l’odyssée dont il fut l’un des premiers à prendre la route. Unanimement, Zaïko Langa-Langa est reconnu père de la rumba cadencée, c’est-à-dire la troisième vague de la musique rumba . Et avec Zaïko, son leader vocal et figure emblématique de la décennie 70, le cyclone Evoloko.

Ikkia Onday Akiera/Adiac-Congo

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