Jules Alingete Key est sans doute le responsable de l’Inspection générale des finances le plus connu d’Afrique. Au cours d’une manifestation organisée à Kinshasa l’année dernière, son homologue de Djibouti avait indiqué que «les échos des actions entreprises par M. Alingete vont au-delà des frontières de la RDC».Et pour cause : l’homme fait tellement de bruits dans les médias que son nom et son visage sont désormais connus dans toute la RDC, voire au-delà. Ailleurs, pareille fonction, qui relève de l’administration publique, impose un strict devoir de réserve. Au-delà de ce vacarme médiatique, quels sont les résultats de M. Jules Alingete en matière de lutte contre la corruption ? Du zéro pointé.
Depuis sa nomination à la tête de l’Inspection générale des Finances en 2021, Jules Alingete s’est donné comme spécialité : vociférer des attaques contre les responsables politiques qu’il traite – carrément – de voleurs, sans qu’aucun jugement n’ait été prononcé à leur encontre. Au point que, désormais, tout gestionnaire d’une parcelle de pouvoir de l’Etat est considéré comme un voleur en puissance par l’opinion publique. «Des personnes innocentes condamnées par les fatwas de M. Alingete Key se sont retrouvées condamnées par une clameur populaire induite par des campagnes médiatiques savamment orchestrées. Avec le risque de leur causer un inestimable préjudice moral qui peut parfois s’avérer irréparable», assène un observateur.
A l’heure des comptes, au moment où l’Inspecteur général des Finances-chef de service Jules Alinegete Key est dans sa cinquième année de mandat, son bilan en matière de lutte contre la corruption est plutôt fantomatique, voire inexistant. Et ce n’est pas sa grande gueule de frondeur qui y changera quoi que ce soit. Sa seule réussite, c’est de s’être rendu populaire grâce à ses éternelles dénonciations-condamnations contre les mandataires qui, bien souvent au final, ne donnent rien de concret. «Il fait du populisme pour se rendre populaire, à part ça, rien de sérieux», assure un financier de la capitale.
IPC catastrophique
En effet, le seul outil pour juger de l’évolution de la corruption dans un pays demeure, à l’échelle internationale, l’indice de perception de la corruption (IPC) de Transperency International. Tout le reste, c’est du verbiage. Et ça, Jules Alingete le sait. Invité de l’émission ‘‘Fauteuil blanc’‘ sur Télé 50, l’homme s’est livré à un incroyable plaidoyer pro domo, qui a laissé tous les spécialistes des questions économiques pantois. D’abord : «Si vous regardez les statistiques des finances publiques en 2019 et 2020, vous comprendrez d’où nous venons. À cette époque, la corruption était profondément ancrée dans l’ADN des gestionnaires. Être nommé à un poste était souvent perçu comme une occasion de s’enrichir. Aujourd’hui, grâce aux efforts entrepris, ce taux est passé de 80% à environ 50 %». De quel taux parle-t-il, qui serait passé de 80 à 50% ? Calculé par quelle institution ? Nul ne sait.
Et ensuite : «L’ONG qui publie l’Indice de perception de la corruption (IPC) a classé la RDC parmi les pays ayant le plus progressé. En cinq ans, nous avons gagné environ 15 places au classement de Transparency International. Cela prouve que des efforts considérables ont été fournis». Cela est totalement faux. A la page 10 du rapport de Transperency, les pays qui sont présentés comme ayant le plus progressé, sont dans l’ordre : Bahreïn, Côte d’ivoire, Moldavie, République dominicaine, Bhutan et Estonie. La RDC n’a été cité nulle part.
En tout état de cause, lors de sa prise de fonction en janvier 2019, la RDC était classée 168ème sur 180 pays pour l’indice de perception de la corruption (ICP), avec un indice de 18 sur 100. Elle était donc l’un des pays les plus corrompus du monde. En 2021, année de la nomination de Jules Alinegete Key à la tête de l’inspection générale des Finances, la RDC était classée 169ème sur 180 pays, avec un ICP de 19 sur 100. Elle était toujours l’un des pays les plus corrompus au monde. Et lors du dernier classement de Transparency International, celui qui permet de juger des résultats du travail de M. Alingete pour son bilan de 5 ans, la RDC est classée à la 163ème place sur 180 pays. Par rapport à 2021, elle gagne non pas 15 places comme l’affirme l’IGF-Chef de service, mais plutôt 6. Et ces gains n’ont aucune valeur car l’ICP du pays n’a pas fait un bond, mais est passé seulement de 19 à 20 sur 100, soit un seul point en 5 ans. Le pays demeure donc parmi les plus corrompus au monde avec un IPC quasi catastrophique stable avant et sous Jules Alingete.
Echec lamentable
«C’est un échec lamentable, une bérézina totale. Son bilan en matière de lutte contre la corruption est un zéro pointé, du nul plat», souffle un cadre de la banque centrale Qui ajoute, après analyse des données de Transperency international : «En effet, il s’agit plutôt du recul de plusieurs pays comme le Tadjikistan, le Burundi, Haïti, Birmanie, Soudan, Nicaragua, Soudan et Erythrée que d’une remontée de la RDC dont le score reste pratiquement le même».
Il existe, pourtant, des pays dont les efforts dans la lutte contre la corruption sont notables et visibles pour tous. Exemple de la Côte d’Ivoire. Aux mêmes périodes sous examen, le pays d’Alassane Ouattara a sensiblement amélioré sa gouvernance. En 2021, la Côte d’ivoire était classée 105ème sur 180 pays, avec un ICP de 36. Quatre ans plus tard, ce pays se trouve à la 69ème place, soit un gain de 36 places, avec un ICP de 45 sur 100, soit une hausse de 9 points. Voilà des chiffres hautement significatifs.
Dès lors, que reste-t-il à Jules Alingete ? S’attribuer le mérite des autres. Dans ses différentes campagnes médiatiques, l’homme revendique la hausse des recettes de l’Etat et, par voie de conséquence, la hausse du budget de l’Etat. Encore une fois, rien n’est plus faux. Tous les économistes et les financiers du pays savent que l’inspection générale des Finances n’a rien à voir avec l’augmentation des recettes de l’Etat, car elle ne contrôle pas le paiement des impôts par les entreprises privées et les ménages.
Amuser la galerie
«C’est au ministre des Finances, pouvoir de tutelle des régies financières, qu’il revient de prendre des dispositions pour augmenter les recettes de l’Etat. Et c’est le ministre des Finances Nicolas Kazadi qui a mis en place de nombreux outils de contrôle informatiques de la TVA, introduit la facture normalisée, réalisé l’assainissement des jeux de hasard et fixé des contrats de performances avec les régies financières qui ont permis de multiplier de manière exponentielle les recettes de l’Etat. En toute honnêteté, ce mérite lui revient, et jamais à Jules Alingete», explique un agent de la DGI.
Du verbiage pour un résultat nul, voilà comment peut se résumer le mandat de Jules Alingete Key à la tête de l’inspection générale des Finances. Le tout empreint de sorties médiatiques fracassantes pour amuser la galerie et entretenir sa popularité par le populisme.
Avec Finance.Cd