Le 30 juin : mémoire d’une promesse, espoir d’un renouveau
Le 30 juin 1960, la République Démocratique du Congo accédait à l’indépendance. Cette date, historique et sacrée, marque la fin de la domination coloniale belge et le début d’un nouveau chapitre pour une nation riche, belle, mais profondément blessée. Ce jour-là, dans l’enceinte du Palais de la Nation à Léopoldville (aujourd’hui Kinshasa), l’émotion était à son comble. Les drapeaux changeaient, les hymnes se succédaient, les regards étaient tournés vers l’avenir. Patrice Lumumba, alors Premier ministre, prononçait un discours inoubliable, en réponse au ton paternaliste du roi Baudouin, et devenait le symbole d’une Afrique qui relève la tête et réclame sa dignité.
Une indépendance sans autonomie réelle
Mais si l’indépendance était proclamée, l’autonomie réelle, elle, fut compromise dès les premiers instants. L’État congolais naissant héritait d’une structure administrative fragile, d’une élite politique peu expérimentée et d’un appareil militaire encore largement contrôlé par des officiers belges. Très vite, le rêve vira au cauchemar : rébellions, sécessions, assassinats politiques, notamment celui de Lumumba en 1961, crises économiques… Le Congo sombra dans une longue nuit marquée par les dictatures, la corruption, les pillages des ressources naturelles, les ingérences étrangères et les violences armées.
L’attente d’un peuple trahi
Pendant ces décennies, le peuple congolais n’a cessé d’attendre. Il a attendu la justice sociale, la sécurité, l’éducation, les soins de santé, les routes, l’électricité, l’eau potable. Il a attendu que les promesses de 1960 se traduisent en actes concrets. Il a espéré, parfois naïvement, que chaque élection annoncerait un renouveau, que chaque transition ouvrirait une ère nouvelle. Mais bien souvent, ces espoirs ont été déçus. L’État, censé être le garant du bien commun, s’est parfois comporté comme un prédateur.
Le 30 juin aujourd’hui : mémoire mais aussi questionnement
65 ans plus tard, que représente vraiment le 30 juin ? Pour certains, c’est un jour de célébration patriotique, une occasion de raviver la fierté nationale, de chanter « Debout Congolais », de hisser haut le drapeau bleu, rouge et jaune. Pour d’autres, c’est une date amère, le rappel d’une indépendance inachevée, d’un rêve sans lendemain. Et pour beaucoup, c’est un moment de réflexion, où l’on se pose la question : à quoi bon l’indépendance si elle ne rime pas avec développement, souveraineté réelle et respect des droits humains ?
Le Congo de 2025 est un pays aux potentialités immenses, avec ses forêts, ses minerais, ses jeunes talents, sa culture vibrante. Mais c’est aussi un pays où persistent des inégalités criantes, où l’est continue de saigner sous les coups des groupes armés, où les institutions peinent à inspirer confiance. La souveraineté politique conquise en 1960 n’a pas encore été pleinement traduite en souveraineté économique, culturelle, politique et sociale.
L’indépendance : une tâche toujours à accomplir
Le 30 juin ne doit pas être une simple date figée dans la mémoire collective. Il doit être un appel à la conscience, un rappel des devoirs envers les générations futures. L’indépendance est une œuvre en perpétuelle construction. Elle se gagne chaque jour, dans les salles de classe, dans les champs, dans les rues, dans les entreprises, dans les urnes, mais aussi dans la capacité du peuple congolais à s’unir autour d’un projet commun.
La nouvelle indépendance que réclament aujourd’hui les Congolais, c’est celle d’un Congo réconcilié avec lui-même, un Congo debout, responsable, solidaire. C’est celle d’un Congo où les ressources profitent à tous, où les enfants apprennent dans des écoles dignes, où les femmes vivent sans peur, où les voix dissidentes sont respectées. C’est un combat de longue haleine, mais il est à la portée d’un peuple aussi résilient et courageux que celui du Congo.
30 juin 1960 : De l’espoir à la déception
Le 30 juin 1960, les tambours résonnaient de Kinshasa à Kisangani. Le drapeau belge descendait, le jaune-bleu montait orné de six étoiles, et tout un peuple chantait l’espoir : « Indépendance cha-cha », liberté, dignité, avenir congolais. Mais cet espoir, élevé dans les discours, s’est lentement effondré dans les faits. Soixante-cinq ans plus tard, l’indépendance est devenue une promesse trahie, une date qu’on fête plus, mais qu’on pleure en silence. La pauvreté, les conflits armés, la corruption et les inégalités sociales ont remplacé les rêves d’un Congo souverain et fort. Chaque jour, des Congolais vivent la désillusion de cette indépendance volée :
des classes surpeuplées sans bancs,
des hôpitaux sans médicaments,
le chômage qui ne dit pas son nom
la misère endémique
le clientélisme, le népotisme, le favoritisme, la dictature
des promesses non tenues
Des familles entières sans accès à l’eau potable,
une nation captive tenue en otage par ses propres élites et des intérêts étrangers.
Pour beaucoup, le 30 juin n’est plus une victoire, mais une cicatrice ouverte, un rappel amer de ce qui aurait pu être et de ce qui doit encore être conquis.
Peuple congolais : triste, affamé, mais debout
Le peuple congolais, riche d’une terre bénie par la nature, continue pourtant de vivre dans la pauvreté la plus criante. Ironie brutale d’un pays aux sous-sols regorgeant d’or, de cobalt, de cuivre, de coltan, de diamants et de tant d’autres minerais stratégiques, mais dont une grande partie de la population peine à se nourrir, se soigner ou accéder à une éducation digne. Et pendant ce temps, des milliards quittent le sol congolais vers d’autres continents. Le peuple congolais est un peuple blessé, souvent oublié, parfois trahi. Triste, parce qu’il voit ses rêves confisqués. Affamé, non seulement de pain, mais de justice, de respect, de dignité. Mais malgré les épreuves, il demeure debout. Résilient. Créatif. Fier. Il est temps que cette force ne serve plus à survivre, mais à vivre. Pleinement.
Conclusion : du symbole à l’engagement
Le 30 juin 1960 fut une victoire. Mais ce n’était que le début d’un long parcours. Soixante-cinq ans plus tard, il ne s’agit plus seulement de commémorer, il s’agit d’agir. Il ne suffit plus de brandir le drapeau, il faut incarner les valeurs qu’il représente. Il ne suffit pas de chanter l’indépendance, il faut la faire vivre dans chaque acte de justice, de solidarité, d’intégrité.
Le 30 juin appartient à tous les Congolais, pas seulement aux dirigeants ni aux anciens combattants de l’indépendance. Il appartient aux jeunes qui rêvent d’un avenir meilleur, aux paysans, aux enseignants, aux artistes, aux soignants, à chaque citoyen engagé. Le 30 juin ne doit plus seulement être un rappel du passé : il doit devenir l’embrayeur d’un futur à inventer ensemble.
Samuel Malonga