Chronique de CLBB : L’éloge de la défaite ou la philosophie de l’applaudissement inconditionnel

 

Dans les stades, les tribunes, et au-delà, une étrange injonction résonne parfois : « Applaudissez votre équipe, même lorsqu’elle perd, et continue de perdre. » Ce mantra, scandé par des dirigeants ou des figures d’autorité, interroge notre rapport à l’échec, à la loyauté et à la responsabilité collective. Que signifie donc applaudir une équipe qui, non seulement échoue, mais persiste dans ses erreurs ? Cette réflexion dépasse le simple cadre sportif ; elle touche à notre essence humaine et au rôle que jouent la critique et l’espoir dans toute quête de progrès.

 

L’applaudissement comme signe de loyauté ?

 

Pour les partisans les plus fervents, l’applaudissement constant est l’ultime preuve de fidélité. Peu importe les défaites, peu importe les manquements, continuer à supporter son équipe est perçu comme un acte de foi. Cette posture n’est pas sans rappeler certains dogmes philosophiques ou religieux qui prônent la confiance aveugle malgré l’évidence contraire. Mais ici, une question cruciale se pose : à partir de quel moment la loyauté devient-elle complaisance ? Applaudir systématiquement, n’est-ce pas encourager la stagnation et tolérer l’irresponsabilité ?

 

L’échec comme outil de manipulation

 

Dans certaines situations, les responsables de ces équipes ou institutions utilisent la rhétorique de l’échec pour justifier l’absence de progrès. « Nous sommes en reconstruction », disent-ils. « Ce n’est qu’une phase de transition. » Derrière ces mots se cache souvent une stratégie d’évitement des responsabilités. Loin de chercher à corriger leurs erreurs, ces leaders s’appuient sur la ferveur des masses pour masquer leur propre incompétence.

 

Cette dynamique rappelle les enseignements du philosophe allemand Friedrich Nietzsche, qui dénonçait les idéologies valorisant la souffrance comme noble en soi. Applaudir l’échec n’est pas une vertu si cet échec n’est pas accompagné d’un effort sincère de transformation.

 

La responsabilité des fanatiques

 

Le fanatisme exacerbé trouve ici un rôle clé. Les supporters, dans leur quête d’unité et de sens, deviennent parfois des complices involontaires de l’inertie. Leur incapacité à formuler une critique constructive renforce le statu quo. Mais est-il vraiment noble d’encourager une équipe qui ne fait aucun effort pour se dépasser ? En réalité, l’amour véritable ne consiste pas à tout tolérer, mais à poser les exigences nécessaires pour élever l’objet de son affection.

 

Un autre modèle : l’applaudissement critique

 

La solution réside peut-être dans ce que j’appellerais l’applaudissement critique. Il s’agit d’applaudir lorsque l’effort est là, même si le résultat est décevant, mais aussi de dénoncer clairement lorsque les responsables montrent une inaction manifeste. L’applaudissement critique est un acte d’amour réfléchi, une main tendue qui ne pardonne pas l’apathie mais soutient le progrès.

 

Conclusion : la quête du dépassement

 

Cette réflexion dépasse les gradins des stades. Dans nos vies personnelles, nos institutions et nos nations, nous sommes parfois invités à applaudir des projets, des dirigeants ou des initiatives qui accumulent les échecs. La philosophie nous enseigne cependant que le progrès naît de la tension entre la critique et l’encouragement. Une société qui apprend à applaudir de manière critique devient une société exigeante, prête à se réinventer.

 

Alors, la prochaine fois qu’on vous demande d’applaudir une équipe qui perd, posez-vous cette question : applaudir, oui, mais pour quoi faire ? Si l’applaudissement n’est qu’un acte vide, il ne sert qu’à maintenir une illusion. Mais s’il devient un moteur d’exigence et d’amélioration, il peut être l’étincelle d’un véritable renouveau.

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