Dire que le peuple congolais n’aime pas la vérité n’est pas une insulte. C’est un constat amer, tragique, mais salutaire. Car il faut d’abord nommer le mal pour espérer en guérir.
La vérité, chez nous, est perçue comme une agression. Celui qui dit la vérité devient automatiquement suspect, arrogant, vendu, voire traître. Le mensonge, lui, rassure, séduit, cajole les blessures profondes d’un peuple meurtri par l’Histoire : colonisation, dictature, pillages, guerres, trahisons répétées… La vérité rappelle les douleurs. Le mensonge, lui, offre un court répit.
C’est pourquoi ceux qui parlent vrai n’ont jamais bonne presse. Patrice Lumumba a été assassiné pour avoir dit la vérité sur la dignité africaine. Étienne Tshisekedi a été diabolisé pour avoir dit non à l’inacceptable. Aujourd’hui encore, ceux qui dénoncent l’incompétence, la corruption, la soumission à l’étranger ou la gabegie sont réduits au silence, marginalisés ou moqués.
Nous avons même développé une culture du déni :
– Quand un politicien ment avec assurance, on dit qu’il est stratège.
– Quand un leader triche et vole, on parle de génie politique.
– Quand un citoyen réclame la vérité, on lui répond : “Tu veux mourir pauvre ? Laisse les gens manger aussi !”
Cette haine de la vérité n’est pas innée, elle est cultivée. Elle est le fruit d’un système qui ne peut survivre que dans l’ombre, dans la confusion, dans la manipulation émotionnelle et identitaire.
Et pourtant, aucune nation ne s’est relevée sans vérité. L’Allemagne a regardé en face l’horreur du nazisme. L’Afrique du Sud a osé la vérité douloureuse de l’apartheid. Même le Rwanda, malgré ses contradictions, a compris que la réconciliation passe par l’aveu. Et nous ? Nous préférons accuser ceux qui nous réveillent plutôt que ceux qui nous endorment.
Il est temps de briser ce cercle. Aimer la vérité, c’est aimer son pays. La vérité nous secoue, nous choque, mais elle nous construit. Le mensonge, lui, nous flatte pour mieux nous enterrer.
CLBB
La vérité ne tue pas. Ce qui tue, c’est l’illusion entretenue par ceux qui ont fait de notre sommeil leur siège de pouvoir.