1er mai en République Démocratique du Congo. Pendant que le monde célèbre la dignité du travailleur, la RDC s’offre le luxe de la dérision. Une carte postale glaçante circule : un agent de l’administration publique, squelettique, décharné par les mois sans salaire, se fait souhaiter « Bonne fête du travail ! » par un chef bien en chair, le sourire aux lèvres, costume trois pièces, symbole vivant d’une élite nourrie par l’iniquité.
L’image parle plus fort que mille discours : d’un côté, le fonctionnaire abandonné, sans ressources, sans reconnaissance, mais avec l’obligation morale de dire merci. De l’autre, le chef ventripotent, prospère au mépris de l’éthique, distribuant des vœux là où il aurait dû rendre des comptes.
Car oui, en RDC, les vœux ont remplacé les virements.
L’État ne paie plus ses agents, mais il leur écrit des lettres de félicitations. Il ne garantit ni sécurité sociale, ni retraite décente, mais il organise des cérémonies où l’on célèbre « l’engagement des travailleurs ». C’est une mascarade institutionnalisée. Le 1er mai devient non plus une fête, mais une gifle.
Et que dire de l’hypocrisie ambiante ? L’élite bureaucratique, grassement payée, souvent nommée sans mérite, regarde sans sourciller les agents de l’État mourir à petit feu. Le drame est silencieux, car ceux qui souffrent ont appris à dire « Merci quand même, chef… » de peur de perdre le peu qui leur reste : l’illusion d’un emploi.
Mais à quoi bon avoir un poste quand il n’y a pas de salaire ? À quoi bon travailler quand l’État n’a de reconnaissance que pour les flatteurs, pas pour les bâtisseurs silencieux ? Que vaut une République qui se nourrit de la misère de ceux qui la font tourner ?
Il est peut-être temps que ce peuple cesse de dire « Merci quand même ». Que les agents publics redressent l’échine et demandent des comptes. Que le 1er mai ne soit plus le jour des discours vides, mais celui de la vérité nue : le travail mérite salaire. Le mérite mérite justice. Et la justice mérite courage.