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CHRONIQUE DE CLBB / La transhumance politique en RDC : des alpages de l’opposition aux vallées du pouvoir

 

Par Cyrille Ludunge Bagenda Banga

Clin d’œil zootechnique à la classe politique congolaise

La transhumance, en zootechnie, renvoie à un mode de déplacement cyclique du bétail entre des zones de pâturage d’altitudes différentes. C’est une stratégie de survie, d’optimisation des ressources naturelles, en somme une logique écologique. Mais appliquée à la vie politique congolaise, cette notion prend un sens tout aussi stratégique, mais bien moins noble : celui du nomadisme opportuniste de nos élites politiques, qui broutent là où l’herbe est la plus grasse — et souvent la plus corrompue.

I. De l’élevage rationnel à l’errance politique

Chez les éleveurs, la transhumance est planifiée, saisonnière, fondée sur la résilience. En RDC, elle est impulsive, intéressée, motivée par le souci de rester proche du pouvoir, des privilèges, et des mangeoires budgétivores. Ici, pas de vaches, mais des hommes en veston qui migrent d’un camp politique à un autre, au gré des vents électoraux, des nominations en cours et des replâtrages institutionnels.

Aujourd’hui de l’opposition virulente, demain dans la majorité triomphante ; aujourd’hui chantre de la démocratie, demain griot de la dictature ; aujourd’hui en exil médiatique, demain en extase devant le chef. La fidélité aux idées ? Rare comme une oasis dans la savane du cynisme.

II. La transhumance comme stratégie de (sur)vie politique

Ce phénomène n’est pas nouveau. Sous Mobutu déjà, on avait vu d’anciens opposants devenir ambassadeurs, ministres ou conseillers après un détour par le « pardon national ». Sous Kabila, des figures de la société civile se sont retrouvées catapultées dans le système qu’ils dénonçaient. Avec l’Union sacrée, on assiste à une transhumance de masse, justifiée par les slogans de « l’unité » ou de « l’intérêt supérieur de la nation », mais dont les véritables motivations sont souvent contractuelles et alimentaires.

La classe politique congolaise a inventé un sport national : le retournement de veste. Elle a même théorisé une philosophie du flou idéologique, où la constance est une tare, et la conviction, une faiblesse. À chaque nouveau gouvernement, à chaque remaniement, les mêmes visages migrent, se repositionnent, se recyclent, se refont une virginité politique.

III. De l’herbe tendre aux ronces du peuple

Ce jeu de chaises musicales aurait été comique s’il n’était pas tragique. Car pendant que les « transhumants » broutent à satiété, le peuple, lui, piétine dans la poussière. Il attend un projet de société clair, une boussole morale, une constance dans les combats. Il voit ses leaders changer de camp, d’opinion, d’allégeance, sans jamais rendre de comptes. Il entend des discours contradictoires, sans jamais voir les actes les suivre. À force de voir tous ses bergers se vendre aux enchères du pouvoir, il finit par ne plus croire ni en Dieu, ni en Diable, ni en démocratie.

IV. Et maintenant ? Vers une réforme du cheptel politique ?

Face à cette valse permanente, le pays a besoin d’une refondation politique. Une réforme des partis politiques, une limitation des revirements spectaculaires, une culture de la fidélité aux idéaux plutôt qu’aux postes. Il ne s’agit pas d’interdire le changement d’avis – qui peut être le fruit d’une évolution sincère – mais de condamner l’inconstance chronique, le double langage, et la politique-marché.

Et si l’on veut continuer avec des métaphores zootechniques, alors exigeons que nos dirigeants soient des éleveurs responsables et non des troupeaux affamés. Il faut des hommes et des femmes qui sèment, entretiennent, récoltent pour la nation — et non qui broutent sans jamais labourer.

Conclusion : la transhumance politique n’est pas une fatalité

Le Congo mérite mieux que des bergers sans boussole. Le peuple congolais, lui, a trop souvent été la plaine desséchée sur laquelle s’acharnent les sabots de la politique de circonstance. Il est temps de redonner sens à l’engagement public : non pas un métier de survivance, mais un sacerdoce de service.

CLBBQuand la chronique devient coup de corne contre le désordre établi.

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