Beni, Butembo,Kikwit,Kwamouth: Quand les pauvres paient le prix de la médiocrité

Il ne se passe plus un jour sans que l’on apprenne des morts en cascade dans plusieurs localités de la République démocratique du Congo. Si ces tristes nouvelles venaient généralement de l’est du pays, aujourd’hui c’est l’ouest qui fait son entrée dans le Hit parade des personnes assassinées par des groupes encore non autrement identifiés.

A Kwamouth, dans la jeune province démembrée de Mai Ndombe, l’on évoque un conflit entre deux tribus: Teke et Yaka. Une première dans cette contrée où les deux peuples ont toujours vécu dans la paix. Là bas, les couples se sont même formés sans problème avec des descendances partageant le sang de deux parents de tribu différente.

La descente d’une délégation du gouvernement la semaine dernière conduite par le Vice premier ministre de l’intérieur, sécurité, décentralisation et affaires coutumière, Daniel Aselo, s’est soldée, en tout pour tout, par la suspension de Crispin Mwadi, administrateur du territoire de Kwamouth,  pour  manquements dans l’exercice de ses attributions. L’autorité de tutelle lui reproche de s’être comporté de manière irresponsable sur la situation sécuritaire qui prévaut  depuis un certain temps  dans sa juridiction, en proie  aux conflits communautaires en  matière foncière  entre les tribus  Teke et Yaka,  causant  des pertes en vies  humaines, des blessés ainsi que  des déplacés.

Le commandant de la police ainsi que le chef de poste de l’Agence nationale de renseignements (ANR) ont été également sanctionnés par  cette décision.

L’on apprend que Kinshasa a été alerté depuis le mois de juin sur cette situation par la société civile avant que plus de 40 personnes dont des vieillards brûlés vifs perdent la vie.

Une main noire

Deux députés nationaux de la province du Maï Ndombe ont exprimé leurs inquiétudes mardi à Kinshasa au cours d’une conférence de presse. Selon ces députés, il y a des manipulations derrière les affrontements intercommunautaires de ces dernières semaines dans leur province.

Selon le député de l’Union sacrée Guy Mosomo, les affrontements entre communautés Teke et Yaka ne peuvent être réduits à un différend sur une redevance coutumière. C’est une correspondance qui aurait mis le feu aux poudres. Une lettre signée d’un dénommé Kiamfu, enjoignant les Yaka à ne pas payer cette taxe, et qui contenait des menaces, explique Guy Mosomo : « À la fin de sa correspondance, si vous faites pas gaffe, la situation de Kwamouth sera comme la situation de Yumbi. »

Yumbi, c’était en décembre 2018. Les affrontements entre les communautés Batende et Banunu avaient fait plus de 500 morts et détruits de nombreux villages. Et le procès se fait encore attendre.

Et cet homme, qui est-il ? « Selon nos informations, il habite Kasongo-Lunda, il est chef de groupement, mais il veut avoir une certaine influence sur le bas Yaka, qui vit sur les terres Teke. Il y a des commanditaires derrière. »

Le député du FCC Willy Bolio demande pour sa part au gouvernement de prendre ses responsabilités : « Grand merci à Ocha qui a pris des dispositions pour aller secourir les gens, mais le gouvernement lui-même devrait faire quelque chose. »

L’armée a mis la main sur plusieurs agresseurs qui seraient en cours de transfert vers Kinshasa, la province du Maï Ndombe étant dépourvue de magistrats.

A Kikwit, un autre coin de la République jadis réputé « cité d’ambiance » pour avoir donné plusieurs musiciens de renommée comme King Kester Emeneya, Reddy Amisi, et autres et où il faisait beau vivre, l’on signale, désormais, de nombreux cas d’assassinats dont celui d’un prêtre catholique. Le mobile de son assassinat reste encore non élucidé.

Des cas d’assassinats ou de vols à main armée perpétrés dans des domiciles par des inciviques non identifiés, sont aussi enregistrés. Ce prêtre a été assassiné au couvent en plus du médecin chef de zone de santé de Kikwit sud, Dr Aimé Kavunga Pata, président de l’ordre des médecins du Kwilu, qui a été attaqué par des hommes armés qui ont emporté une bonne partie de ses biens de valeur.

Différentes personnalités de la ville de Kikwit, notamment l’évêque du diocèse, Mgr Timothée Bodika, la société civile, la notabilité de la ville, ont condamné ces actes tout en insistant sur la sécurisation des personnes et de leurs biens.

A cela s’ajoutent des nombreuses marches organisées par des  structures de la société civile dont les jeunes catholiques, les médecins à travers la ville pour dénoncer et décrier la recrudescence de l’insécurité dans la ville.

Deux personnes dont un sous commissaire de la police et un adepte d’un ex- prêtre catholique, un exorciste bien connu dans la contrée, ont été tuées à la mission catholique d’Ifanzondo, située à une trentaine de kilomètres du chef-lieu du territoire d’Idiofa, dans la province du  Kwilu, lors d’un affrontement entre les éléments de la police et les adeptes de ce prêtre. Selon une source policière qui a livré l’information, les éléments de la police venaient de Bandundu ville avec un mandat d’amener du parquet général pour arrêter l’ex- prêtre afin de l’acheminer à Bandundu. Ces éléments de la police nationale se sont butés à une résistance farouche des adeptes, provoquant ainsi des affrontements au cours desquels le sous commissaire sera tué et deux autres policiers grièvement blessés tandis qu’un adepte de l’ex-prêtre a trouvé la mort. La dépouille mortelle du sous commissaire est à la morgue de l’Hôpital général de référence de Kikwit1 et les deux blessés de la police se trouvent également dans la même structure sanitaire tandis que l’ex- prêtre est entre les mains de la police de Kikwit.

Mieux vaut prévenir que guérir

Devant ce tableau si sombre, il y a lieu de dire que l’état à travers son ministère de l’intérieur a failli à ses obligations régaliennes de protéger les personnes et leurs biens. Les autorités qui devraient procéder par l’anticipation semblent être généralement prises au dépourvu et dépassées par les évènements. Dans la plupart des situations, ces derniers sont pris dans la gorge. Ce qui prouve à suffisance que ces pauvres citoyens paiement le prix de la médiocrité de leurs dirigeants très préoccupés par leurs postes à conserver à Kinshasa.

 « La sécurité doit devenir la religion des individus, celle pour laquelle ils renonceront à tout le reste. Cette envie de protection doit s’infiltrer partout. Elle doit devenir si impérieuse, si nécessaire que la liberté sera perçue comme un luxe que l’on ne peut malheureusement plus s’offrir ! (Nicolas Beuglet, écrivain et journaliste français).

Sam Nzita

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